Surveiller ses yeux – Devarim

Pour accéder à l’état de perfection, il faut essentiellement préserver sa vue. D’après le Zohar, le jour même de sa naissance Ève a fauté avec ses yeux...

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le Rav David Hanania Pinto

Posté sur 06.04.21

Surveiller ses yeux
 
“Ce sont là les paroles que Moïse adressa à tout Israël, en deçà du Jourdain, dans le désert, dans la plaine en face de Souf, entre Paran et Tofel, Laban, ‘Hatséroth et Di-Zahav.” (Deutéronome 1:1).
 
Dans son livre “Pitou’hé ‘Hotham”, Rabbi Ya’akov Abou’hatsira explique que Moché voulait apprendre indirectement aux enfants d’Israël que l’étude de la Tora et l’accomplissement des mitswoth doivent se faire dans la plus grande sainteté. Et pour ne pas leur faire honte, il leur parla par allusions :
 
* Ce sont là dévarim (les paroles) celles de la Tora, exclusivement. Il faut prendre garde de ne pas parler de futilités.
 
* Dans le midbar (désert) de la racine “dibour” (parole). Le Roi David nous a averti à ce propos : “Que doit faire l’homme qui souhaite prolonger sa vie pour goûter le bonheur ? Préserve ta langue du mal et tes lèvres midaber (des discours) perfides.” (Psaumes 34:13-14).
 
* Dans la 'aravah (la plaine) allusion à la destruction du mauvais penchant, qui paraît “‘arev” (agréable) à l’homme. C’est toutefois aux yeux du Saint, béni soit-Il, qu’il faut trouver grâce, comme il est écrit : “Alors l’Eternel prendra plaisir aux offrandes de Juda et Jérusalem.” (Malachie 3:4). D’autre part, les lettres du mot “'arava”, forment l'expression “ra’ ba” (mauvais pour elle), les plaisirs du mauvais penchant ne sont que le mal et ils sont néfastes pour la vie.
 
* En face de Souf. Moché incitait les enfants d’Israël à envisager la sof (la fin) connue seulement de l’Eternel, comme il est écrit : “Dès le début, J’annonce les choses futures.” (Isaïe 46:10).
 
* Entre Paran et Tofel. La cohabitation (pirya véRivya) doit se faire dans la plus grande sainteté, en négligeant tout ce qui est tafel (futile). Comme l’enseigne la Guémara (traité Nédarim 20b) : on ne doit pas boire d’un verre en en fixant un autre (on ne doit pas penser alors à une autre femme). Ceci rapprochera l’homme du Saint, béni soit-Il, de Ses mitswoth et de Sa Tora.
 
Les réprimandes de Moïse
 
Moché réprimanda les enfants d’Israël pour les inciter à se repentir. Le prophète nous a conseillé : “Armez-vous de paroles [suppliantes] et revenez au Seigneur.” (Osée 14:3). Moché a parlé à tout Israël, à toutes les âmes, pour qu’elles fassent “téchouva”. On y accède en fuyant “di zahav” (l’or), le côté matériel de la vie et en se concentrant sur le côté spirituel (R. Ya’akov Abou’hatsira).
 
Pour accéder à l’état de perfection, il faut essentiellement préserver sa vue. D’après le Zohar (I, 36a), le jour même de sa naissance Hava (Ève) a fauté avec ses yeux, comme il est écrit : “La femme vit que l’arbre était bon comme nourriture, qu’il était attrayant à la vue, elle cueillit de son fruit et en mangea” (Genèse 3:6), contrairement à l’ordre que D-ieu lui avait donné. Commentant là le verset : “Où est cette 'qédécha' (prostituée) qui se tient Ba’enayim à la vue de tous?” (Id. 38:21), nos Sages expliquent que c’est essentiellement en préservant sa vue (‘enayim) qu’on accède à la qédoucha (la sainteté). [Pour  en lire plus sur ce sujet, cliquez ici.]
 
La Tora commence par le mot “Béréchith” et se termine par l'expression “lé’éné kol Israël.” Apparemment, le mot “lé’éné” semble en trop. Mais la Tora veut précisément nous enseigner que “réchith”, le début de la sainteté et de la pureté, c’est l’attention particulière qu’il convient de prêter à la vue. On arrive ainsi à accomplir toutes les mitswoth dans la sainteté. Le début (réchith) de l’élévation de l’homme vers la voie de l’Eternel, celle de la pureté et la sainteté, se fait par la vue.
 
Les enfants d’Israël, qui ne regardaient que les choses saintes qu’accomplissait Moché, ont eu ainsi l’insigne honneur de voir l’Eternel, comme il est écrit : “Voilà Mon Dieu, je lui rends hommage !” (Exode 15:2). En revanche, si l'on regarde ce qui est interdit : les femmes, les choses impures… on altère son esprit, on descend bien bas et on succombe au péché. On peut donner l’exemple de Kora’h (que sa vue a trompé), de Zimri et de Chimch'on. Chimch'on fut certes le juge d’Israël durant quarante ans, mais comme il n’avait pas veillé à sa vue (cf. Guemara Sota 9a) et demanda à son père de lui procurer “cette femme car elle a trouvé grâce à mes yeux” (Juges 14:3), les Philistins se saisirent de lui et lui crevèrent les yeux (id. 16:21) : châtiment divin, mesure pour mesure !
 
Celui qui prend garde à sa vue porte le nom de “craignant Dieu” et le verset dit de lui : “Voici, les yeux du Seigneur sont ouverts sur ceux qui Le craignent.” (Psaumes 33:18). D’ailleurs, les paroles même de Moché y font allusion. En effet, la phrase (en hébreu) “Ce sont là les paroles que Moïse adressa à tout Israël” possède la même valeur numérique que “garder les yeux par la sainteté et la pureté tout au long de nos jours.”
 
L'étude de la Tora
 
En dépit de tous les avertissements de Moché et des prophètes après lui, pour quelle raison les juifs ont-ils continué à pécher, engendrant de la sorte la destruction de la Terre d’Israël ?
 
C’est que nos ancêtres n’ont pas approfondi l’étude de la Tora : ils l’étudiaient par simple routine, de façon superficielle, et sans y mettre tout leur cœur. La haftara que nous lisons après la sidrath Dévarim commence par : “‘Hazon… Oracle d’Isaïe…” (Isaïe 1:1). Le mot “‘hazon” implique la vue (Métsoudoth, id.) : les enfants d’Israël n’ont pas discerné la lumière de la Tora qui éclaire la voie de l’homme (cf. Ta’anith 7a). Leur cœur étant resté obscurci, ils en sont arrivés à transgresser le Chabath, l’année sabbatique, l’inceste et l’idolâtrie (Chabath 33a ; Pirqé Avoth 5:9 ; Zohar I, 27b).
 
“Mon peuple n’a pas de discernement” (Isaïe 1:3) : il n’a pas compris que le monde n’a été créé que pour la Tora (Béréchith Rabah 1:1) et tenu compte de la destruction qui peut s’en suivre si on ne l’étudie pas.
 
A quoi sert-il de s’engager dans l’étude de la Tora et d’accomplir les mitswoth, si on ne s’attache pas à en connaître l’essence, à voir le rapport de chacune d’elles avec les membres du corps humain ? Nous savons pourtant que les deux cent quarante-huit commandements divins correspondent aux deux cent quarante-huit membres du corps (Midrach Tan’houma 32:4). Un bœuf connaît son propriétaire bien qu’il soit dépourvu de la connaissance.
 
Les enfants d’Israël connaissaient certes leur Créateur, mais ils n’ont pas cherché à connaître le but même de leur existence sur terre, qui est de s’attacher au Saint, béni soit-Il, et à Sa Tora. Si on considère les deux dernières lettres des mots hébreu “Elé haDévariM “ (“Ce sont là les paroles”), on obtient “mem” dont la valeur numérique (45) est similaire à ADaM ; quant aux premières, elles forment “aleph” dont la guématria est 6, allusion à l’homme qui est né le sixième jour : en d’autres termes, l’homme a été créé pour prendre conscience du fait qu’il forme une partie de D-ieu (cf. Zohar I, 143a). Comme nous l’avons vu plus haut, les juifs ont sombré dans la routine, alors que nos Sages enseignent que nous devons chaque jour de notre vie considérer les paroles de Tora comme si elles nous avaient été données le jour même.
 
Celui qui a la possibilité de s’élever dans l’étude de la Tora et l’accomplissement de mitswoth et la néglige, humilie la Tora et le Ciel porte de graves accusations contre lui. Si la Tora a ordonné aux enfants d’Israël de monter à Jérusalem durant les trois fêtes (Pessa'h, Chavou'oth et Soukoth), c’est pour assister aux nombreux miracles qui s’y accomplissaient et s’élever par suite de l’enthousiasme engendré par ces miracles. Mais quand les miracles sont devenus quelque chose de routinier, ils ont sensiblement négligé l’étude de la Tora et se sont laissés aller selon leur cœur.
 
Nos Sages enseignent que si le pays a été perdu, c’est essentiellement parce que les juifs n’ont pas fait de bénédiction avant de s’engager dans l’étude de la Tora (Bava Métsia’ 85a). Ils considéraient que tout ce qu’ils faisaient était pour la Tora et en étaient même arrivés à ne plus faire de bénédictions sur elle. Grande était leur erreur, car, comme nous l’avons vu plus haut, on doit toujours considérer la Tora comme nouvelle.
 
C’est d’ailleurs ce qui se passe pour la prière par exemple, qui ne doit être que supplications et implorations adressées à l’Eternel avec le maximum de sincérité et de concentration. Autrement, elle n’a aucune efficacité (cf. Bérakhoth 28b).
 
Si Moché veillait à l’honneur et au respect des enfants d’Israël et leur a parlé par allusions, pourquoi alors leur a-t-il tenu des propos si sévères ? De fait, le mot “dibour ” (“paroles”) possède toujours une connotation de dureté (cf. Sifri Béha’alotékha 12:1). C’est que, quand il s’agit de la Tora, seul un langage dur de Tora émis à voix haute et venant d’un érudit qui s’y engage est capable de faire fuir le mauvais penchant contre qui le Saint, béni soit-Il, a créé une épice [ou un médicament] (Qidouchin 30b). Si Moché leur a tenu un tel langage, c’est donc pour que ses paroles pénètrent bien dans leur cœur.
 
Lorsque nous lisons la paracha Devarim, les grandes vacances scolaires approchent à grands pas. A notre avis, c’est essentiellement au mois d’av que l’homme doit examiner ses actes et s’efforcer de se repentir pour toutes les fautes qu’il a commises envers son Père qui est au Ciel. “Examinons nos actes, scrutons-les et revenons à l’Eternel” (Lamentation 3 :40), nous propose le prophète. Ne croyons surtout pas que les vacances doivent nous libérer des mitswoth, à Dieu ne plaise (ce n’est le cas qu’après la mort; cf. Psaumes 88:6 ; Chabath 30a et Yalkouth Chim'oni, Iyov 896). Si ce mois le Saint Temple a été détruit et Israël exilé de sa terre, c’est pour que nous prenions conscience de notre état, des péchés que nous avons commis et nous nous préparions pour le mois d’eloul et Roch Hachana
 
Les portes de la pénitence s’ouvriront alors pour nous au mois de tichré ; nous serons inscrits dans le registre de la vie et de la paix, la Providence divine résidera avec nous dans la souka et nous serons dignes de recevoir de nouveau la Tora le jour de Sim'hath Tora. Amen.

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