Avancer… pour ne pas tomber – Choftim

Tous ceux qui portent des accusations contre nous se transformeront en anges de miséricorde, et nos fautes en mérites...

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le Rav David Hanania Pinto

Posté sur 06.04.21

Instituer des juges et des policiers contre les ruses du mauvais penchant

“Tu institueras des juges et des policiers dans toutes les villes que l'Éternel, ton D-ieu, te donnera, dans chacune de tes tribus.” (Deutéronome 16:18).
 
Pourquoi le premier verset de notre sidra mentionne-t-il les juges avant les policiers ? En premier lieu, la police présente devant le juge celui qui a transgressé l’ordre public. Ce n’est qu’ensuite que le juge prononce un verdict contre lui.
 
C’est que, comme nous l’avons expliqué dans des leçons précédentes, nos Sages nous enseignent de nommer des juges dans toutes nos “ché'arim” ou ouvertures : la bouche, le nez, les yeux, etc. pour ne pas faire ce qu’il est interdit de faire. C’est une œuvre vraiment ardue, car le mauvais penchant est plus fort que nous. Il est très rusé (Genèse 3:1). Il est de feu (Zohar I, 80a), alors que nous ne sommes que de chair et d’os. C’est le serpent qui incarne les forces du mal (id. I, 35b). Il ne cherche qu’à nous livrer bataille, plus particulièrement dans les endroits sensibles. C’est pourquoi la Tora, qui se compose essentiellement de conseils judicieux (id. II, 82a), nous incite à placer des gardes devant chacun de nos membres, pour que nous n’en arrivions pas au péché. Et, comme on le sait, celui qui vise à se purifier se fait aider par le Ciel. Comme nous le verrons dans la sidrath Ki Tetsé. “Quand tu iras en guerre contre tes ennemis, l’Éternel les livrera en ton pouvoir” (Deutéronome 21:10). Tu n’as qu’à commencer la guerre, D-ieu t’aidera à vaincre ton mauvais penchant.
 
La guerre qu’on livre au mauvais penchant requiert tous les sens et toutes les forces ; elle implique la parole, la pensée et l’action. Jugeons-nous donc bien en premier lieu, puis passons à l’action, comme le corps exécutant (ce qui répond à la question ci-dessus).
 
La Tora ordonne d’instituer des juges experts en la matière, qui nommeront à leur tour des policiers qui craignent le Ciel, à qui ils apprendront les lois, le policier ne faisant rien par lui-même. Les juges pourront ainsi juger équitablement.
 
Celui qui veille sur son corps doit livrer combat au mauvais penchant, il doit être lui-même le juge et l’exécutant pour savoir comment procéder. Commentant le verset : “Assourdir de grand matin son prochain par de bruyants saluts, c’est comme si on lui disait des injures” (Proverbes 27:14), nos Sages enseignent : “Celui qui donne une perouta (une pièce de monnaie d'une valeur insignifiante) à un mendiant bruyamment [et lui fait honte] c’est comme s’il l’injuriait” (‘Haguigah 5a). Soyons donc juges sur nous-mêmes.
 
Les explorateurs ayant médit de la Terre d’Israël, l’Éternel jura que vos cadavres resteront dans le désert (Nombres 19 :2). Moïse rapporta ces paroles à tous les enfants d’Israël et le peuple s’en affligea fort. Les enfants d’Israël lui dirent qu’ils étaient prêts à marcher vers le lieu que l’Éternel avait désigné… Moïse leur ordonna toutefois de ne pas monter au sommet de la montagne, “car l’Éternel n’est pas au milieu de vous.” Mais comme ils s’obstinèrent précisément, l’amalécite et le cananéen… les battirent et les taillèrent en pièces… (id. 40-45). Précisément, quand D-ieu ne se trouvait pas avec eux, ils voulaient monter !
 
Ces gens, qui pensaient faire une mitswa, considéraient qu’ils pouvaient expier leur faute (d’avoir médit sur la Terre d’Israël) en livrant combat à leur ennemi et mourir pour glorifier le Nom de D-ieu et la sainteté d’Israël. Mais dans notre contexte, ils n’étaient pas juges sur eux-mêmes et n’ont pas bien réfléchi avant d’agir…
 
Nous pouvons lire dans notre sidra par la suite : “Que si l’Éternel, ton D-ieu, élargit ta frontière… alors tu ajouteras encore trois villes à ces trois-là” (Deutéronome 19:8-9). En d’autres termes : si l’Éternel t’aide à vaincre ton mauvais penchant et élargit ta frontière, en aiguisant ton étude de la Tora et en renforçant ta crainte du Ciel, surtout ne reste pas au même niveau: tu ajouteras… avance avec une force toujours croissante. Ne te dis pas : “Cela me suffit ! Le mauvais penchant ne cessant pas de te lancer ses attaques. Si tu n’ajoutes pas, tu disparaîtras” (Ta'anith 31a).
 
Il convient par conséquent de veiller à élargir constamment sa frontière pour ne pas être vaincu par lemauvais penchant. On se rattachera ainsi à D-ieu. Et pourquoi trois villes précisément ? Parce qu’un triplelien est moins facile à rompre (Ecclésiaste 4:12) : on ne se détachera plus jamais de l’Éternel et de Sescommandements. On pourra de la sorte imprégner le monde de bénédiction et lier tous les univers.
 
D’ailleurs, la guématria du nombre “chaloch ” (“trois”) est la même (630) que celle du verbe “léqacher” (“lier”). Quant aux villes, enseigne le Zohar, ce sont les mondes respectifs de la Création, de l’Émanation et de l’Action (I, 40a, 41a) ; que celui qui accroît constamment son Service divin et sa crainte du Ciel les rattache à leur source, du fait qu’il est juge et policier sur lui-même. Un flux d’abondance céleste descend alors sur terre et l’homme peut vaincre son mauvais penchant.
 
On peut à ce stade comprendre pourquoi les anges ont été jaloux de l’homme à sa création (Béréchith Rabba 9:8) et se sont opposés à ce que D-ieu lui donne la Tora : “Tu as répandu Ta majesté sur les Cieux” (Psaumes 8:2), Lui firent-ils remarquer. Considérant que l’homme n’a aucun rôle à jouer dans ce monde, les anges voulaient que cette Tora reste dans le Ciel. Toutefois, le Saint, béni soit-Il, a donné aux enfants d’Israël des mitswoth à accomplir pour que les anges voient qu’ils ont effectivement un rôle très important à jouer dans ce monde. D’ailleurs les anges aussi en tirent profit, du fait que l’homme se rattache à son Créateur et relie les trois mondes à leur source.
 
Quand Adam a péché en mangeant de l’arbre de la connaissance du bien et du mal, les anges ont eu très peur et ont demandé au Saint, béni soit-Il : “Pourquoi as-tu châtié l’homme en imposant la mort sur lui ?” (Chabath 55b). Ils craignaient qu’à cause de sa mort, il ne pourrait lier le monde inférieur au monde supérieur, toute leur existence dépendant de l’homme. Ils ont donc plaidé en sa faveur. Moïse leur a expliqué que la Tora a été donnée aux enfants d’Israël, seuls capables d’unir les mondes à leur source par leur étude intensive de la Tora. Les anges se sont alors unis à lui et lui ont révélé des secrets. L’ange de la mort lui a notamment révélé le secret de l’encens (id. 89a). Un flux d’abondance et de bénédiction est alors descendu sur le monde (,,,).
 
L’ange de la mort a transmis le secret à Moïse du fait que dans le monde futur, il n’y a ni mauvais penchant ni ange de la mort (Souka 51a ; Baba Batra 58a ; Béréchith Rabba 48:11) et qu’il ne peut pas contredire la réalité. Moïse a reçu ce cadeau pour que l’homme puisse continuer à servir Dieu.
 
D-ieu est partout
 
En plus de l’étude de la Tora, l’homme doit nommer des juges et des policiers sur lui-même pour vaincre le mauvais penchant et ne pas transgresser la Volonté divine. Autrement, les hommes peuvent en venir à s’entre-dévorer (cf. Avoth 3:2).
 
Pourquoi alors la Tora a-t-elle fait précéder le juge au policier ? Comme nous l’avons déjà vu, c’est ce dernier qui présente devant le juge ceux qui enfreignent la loi. De plus, il garde et protège le juge de toute attaque.
 
C’est que ces sidroth de Dévarim sont lues durant le mois d’eloul : “Le lion a rugi : qui n’aurait peur !” (Amos 3:8). Cela signifie que même les plus grands Tsadiqim ont peur à la pensée du Jour du Jugement, et tout le monde se prépare pour Roch Hachana. Car en ce jour tout sera décrété: qui sera élevé ou humilié, qui s’enrichira ou sera appauvri. Les justes n’ont certainement pas péché, mais ils éprouvent des craintes à l’égard de leurs ouailles dont ils sont les dirigeants. Ils éprouvent également des craintes pour eux-mêmes: peut-être seront-ils châtiés pour les fautes de leur génération.
 
Il convient par conséquent de faire les préparatifs les plus sérieux en vue du jour redoutable du Jugement, et de se choisir les meilleurs défenseurs à cet effet : ce sont essentiellement l’étude de la Tora et l’accomplissement de mitswoth, et plus on s’y prépare, plus on est digne de louanges.
 
Nommons donc des juges et des policiers dans toutes nos entrées et préparons-nous sérieusement au jour du Jugement. Car le Saint, béni soit-Il, fait passer devant Lui tout l’univers. Veillons à ce que nos accusateurs ne soient pas en mesure de nous entraîner à faillir: le Juge suprême nous innocentera alors. Le corps exécutif mettra en application Son Jugement et si nous en sortons méritants, il nous accompagnera avec les plus grands honneurs. Sinon, c’est en prison qu’il nous accompagnera, à Dieu ne plaise. Grâce à nos prières et supplications sincères, nous nous nommerons des juges intègres et des policiers honnêtes.
 
Tous ceux qui portent des accusations contre nous se transformeront en anges de miséricorde, et nos fautes en mérites (cf. Yoma 86b) à condition que nous nous en repentions le cœur brisé. Ce sont eux qui nous accompagneront en paix chez nous à la sortie de Yom Kippour où sort une voix céleste qui proclame : “Va manger dans la joie ton pain, car tes actes ont trouvé grâce aux yeux de l’Éternel” (Yoma 87b).
 
Réfléchissons donc bien en ces jours d’eloul. Veillons à n’accomplir que des actes louables. Car, maintenant, Dodi Li, mon fiancé est à moi ; le Juge suprême est prêt à nous assister. Si nous choisissons le Saint, béni soit-Il, comme notre Juge, nos péchés se transforment en mérites. Si nous allons nous recueillir sur la tombe des Tsadiqim durant le mois d’eloul, c’est dans l’espoir que par leur mérite, Dieu ait pitié de nous. Si notre téchouva est profonde et sincère, même les policiers qui nous ont traités cruellement avant de nous présenter devant le Juge nous protégeront de tout mal.
 
L’homme a tendance à avoir peur des gens de l’extérieur qui le regardent, mais n’éprouve pas la même crainte de son Créateur qui voit tout ce qui se passe chez lui. Dehors, il se conduit poliment pour que personne ne dise du mal de lui ; il voit les juges et policiers qui suivent tous ses pas, mais chez lui il fait ce que bon lui semble : il ne se rend tout simplement pas compte du fait que c’est le Créateur du monde et le Juge suprême qui le regarde constamment.
 
Le juge regarde l’homme au dehors et scrute ses actes au dedans. Les policiers qui ne l’épient qu’au dehors ont peur du Juge, et leur vie est entre Ses mains… même s’ils sont armés. Ainsi, c’est bien le juge qui est plus important que le policier. À la veille de sa mort, Rabbi Yo’hanan réunit ses disciples et leur dit : “Pourvu que vous craigniez autant le Ciel que l’homme en chair et en os.” “Seulement ?” lui demandèrent-ils. “Oui…car celui qui commet un péché se dit en lui-même : 'Pourvu que nul ne me voie !' leur expliqua-t-il” (Bérakhoth 28a).
 
C’est ce qui arrive à celui qui se juge constamment : dans la rue, chez lui, au bureau, à son travail. Celui qui compare la perte que pourra lui occasionner un péché avec le profit qu’il pourra en tirer (Avoth 2:1) fuira toute envie de transgresser la Volonté divine et ne veillera qu’à accomplir les commandements divins. L’Éternel viendra certainement à son aide.
 
Le Midrach Talpyoth parle de ‘Hanokh qui était cordonnier et disait chaque fois qu’il enfilait l’aiguille : “Que le nom de Sa Royauté soit béni à jamais.” Cette bénédiction ne s’applique que lorsqu’on accomplit une mitswa. Or, quelle mitswa y a-t-il à enfiler l’aiguille pour coudre des chaussures ?
 
Quand on accomplit une mitswa, on veille à s’y concentrer au maximum, car elle vise essentiellement à glorifier l’Éternel. En revanche, quand on coud des souliers, répare une montre, etc. on reçoit un paiement de celui pour qui on travaille. ‘Hanokh nous donne ici une leçon extrêmement importante : l’homme pense toujours au gain que doit lui rapporter son travail. Il est donc susceptible de ne penser qu’au côté matériel de son acte : plus de souliers à coudre, de montres à réparer… Le respect des délais peut entraîner une négligence et un travail mal fait. ‘Hanokh nous apprend que tout travail, même s’il est seulement matériel, doit s’accomplir dans la plus grande concentration, le plus grand sérieux, pour ne pas en arriver à la moindre trace de vol c’est pour cela qu’il pensait à D-ieu à chaque couture, cela lui permettait de s’appliquer à sa tâche.
 
“'Tu aimeras ton prochain comme toi-même' ; ceci est un grand principe de la Tora” (Yérouchalmi Nédarim, 9:4). La crainte du Ciel doit s’exprimer essentiellement dans la conduite de l’homme vis-à-vis de son prochain.
 
Celui qui n’en est pas imprégné finira par être malhonnête et tromper ses clients. Dans notre contexte, il ne mettra que peu de clous dans la fabrication des souliers par souci d’économie en volant ses clients.
 
Il convient donc de voir l’Éternel en tout lieu et en toute situation, et de diriger constamment son regard vers le Seigneur, aussi bien sur le plan matériel que spirituel. Imitons l’exemple de ‘Hanokh qui s’est institué juge et policier sur lui-même, et a compris qu’en faillant dans ses relations avec autrui, il diminuait sa dévotion. D-ieu aide celui qui s’efforce de se conformer à Sa volonté. Ce pouvoir d’introspection est un don gratuit de la part de l’Éternel, plus particulièrement en ces jours de miséricorde qui nous préparent aux Jours Redoutables. Celui qui agit de la sorte sera digne de s’élever au plan spirituel et d’être inscrit dans le livre de la vie, de la bénédiction et de la paix.

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