L’orgueil : un ennemi à combattre – Ha’azinou

Si on veut se rapprocher de D-ieu, il convient de s’effacer totalement devant Lui. C’est ce qui est arrivé à Moïse qui était le plus humble des hommes qui fût sur la terre.

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le Rav David Hanania Pinto

Posté sur 07.11.21

“Écoutez, Cieux, je vais parler ; et que la terre entende les paroles de ma bouche (Deutéronome 32:1).”

Moïse s’adresserait ici à ceux qui se prennent pour des grands et dont la tête atteint le Ciel, prétendant qu’ils connaissent déjà toute la Tora, et qu’ils n’ont plus personne de qui apprendre. Moïse dit à ces juifs : “Vous êtes certes des grands, mais vous devez écouter ce que dit la Tora. Si vous vous en abstenez, à D-ieu ne plaise, sachez que la Tora se plaint de l’affront qu’on lui porte. Rabbi Yéhochoua ben Lévi enseigne à cet effet : “Tous les jours une voix céleste proclame cette parole du haut du Mont ‘Horeb : Malheur à ceux qui délaissent la Loi (Avoth 6:2).”
 
La Tora ne peut résider chez l’orgueilleux. Comme l’enseignent nos Sages, elle ne peut résider que chez celui qui s’efface complètement (Sota 21b). Il convient par conséquent d’écouter attentivement les paroles de moussar ou de réprimande d’un autre, même s’il est plus petit que soi, et ce, même si on est très érudit en Tora.
 
Rav ‘Hisda d’autres disent Mar Oukba enseigne : “Le Saint, béni soit-Il, dit : 'Celui qui fait preuve d’orgueil, Je ne peux résider avec lui' (Sota 5a). Toutefois, si l’homme s’efforce d’écouter les paroles de Tora et de briser ses mauvais traits, en particulier son orgueil, il se fait aider du Ciel." “Faites-moi une ouverture ténue comme le chas d’une aiguille, et Je vous en ferai une aussi large qu’une salle dans laquelle peuvent entrer des chariots entiers” (Chir HaChirim Raba 5:3). Celui qui vient se purifier, on l’aide (Chabath 104a ; Yoma 38b ; Zohar I, 54a).
 
En vérité, sans l’aide divine, on ne peut accéder à rien. Rabbi Chimon ben Lévi dit : “Chaque jour le mauvais penchant de l’homme s’intensifie et vise à le tuer, comme il est écrit : 'Le méchant fait le guet pour perdre le juste, il cherche à lui donner la mort' (Psaumes 37:32). Et si le Saint, béni soit-Il, ne venait pas à son aide, il ne pourrait pas se mesurer à lui, comme il est écrit : 'L’Éternel ne l’abandonne pas entre ses mains' (id. 33 ; Qidouchine 30b).
 
L’homme en chair et en os ne peut certes pas se mesurer à cet élément de feu (cf. id. 81b). Seule l’étude assidue de la Tora peut nous en épargner, comme il est écrit : “Mes paroles sont comme du feu, dit l’Éternel” (Jérémie 23:29). La Tora est entièrement composée des Noms saints de Dieu. Par conséquent, celui qui en retranche une seule lettre, c’est comme s’il souillait le nom du Saint, béni soit-Il (Zohar, Michpatim 124). Le fait de mentionner ces noms fait fuir le mauvais penchant. Il suffit donc en fin de compte de faire le premier pas, pour recevoir l’aide divine. C’est comme si on fait passer sa main sur le feu, si on l’y place lentement on se fait brûler, mais si on la passe rapidement dessus, on ne ressent rien. On ne doit pas avoir peur du mauvais penchant qui brûle comme le feu, car dès qu’on fera ce premier pas, D-ieu nous viendra en aide et nous donnera de grandes forces pour le vaincre.
 
Si on veut se rapprocher de D-ieu, il convient de s’effacer totalement devant Lui. C’est ce qui est arrivé à Moïse qui était le plus humble des hommes qui fût sur la terre, et qui est remonté dans les hauteurs après avoir fait des prises. Par conséquent, pour l’érudit de Tora qui prend constamment conscience des résultats catastrophiques de l’orgueil, il suffit d’écouter pour anéantir ce mauvais trait de caractère. On lui ouvrira alors toutes grandes les portes de la réussite. Il n’en est pas de même des gens qui ne recherchent que le côté matériel de la vie. C’est d’eux que parle la deuxième partie du verset : “Que la terre entende les paroles de Ma bouche.” Ils doivent écouter attentivement la morale et les réprimandes et s’en imprégner les oreilles et le cœur. Cette écoute les aidera à briser leur convoitise, leur cupidité et tous leurs mauvais traits de caractère.
 
Il convient toutefois de leur parler délicatement. En effet, commentant le verset : “Tu parleras ainsi à la maison de Jacob” (Exode 19:3), Rachi explique que le verbe utilisé ici implique une notion de tendresse. Autrement, ils risquent de tout abandonner. Ces gens simples doivent être prêts à tendre attentivement l’oreille à celui qui les réprimande, veiller à ne pas en perdre un mot. Leur vie peut alors en être changée. C’est comme si on demandait à quelqu’un de se rappeler longtemps un numéro déterminé pour avoir droit à un gros lot. On imagine aisément les efforts qu’il déploiera pour ne pas l’oublier !
 
Le mauvais penchant livre un combat permanent à ceux qui s’efforcent de s’attacher à D-ieu ou de corriger un de leurs mauvais traits. Son combat s’intensifie quand il s’agit de celui qui fait de son mieux pour s’engager dans l’étude de la Tora. Que faire alors ? Le Midrach enseigne à cet effet que le feu de l’enfer ne s’empare pas de celui qui s’occupe du feu (c’est-à-dire s’engage dans l’étude de la Tora) La Tora sauve celui qui l’étudie du feu du mauvais penchant. “Faites-moi (Li) une ouverture aussi petite que le chas d’une aiguille”, avons-nous vu plus haut. “LI) a comme valeur numérique 40, qui correspond à la Tora qui a été donnée aux Enfants d’Israël après quarante jours. En en fixant les lettres et la lumière, on peut revenir sur le droit chemin, jouir longtemps de sa splendeur et mériter le monde futur et la résurrection.
 
Tout le monde est émerveillé à entendre qu’un grand miracle a été accompli quelque part en faveur de quelqu’un. Les gens ne remarquent toutefois pas les innombrables miracles que le Saint, béni soit-Il, accomplit pour eux à toute heure du jour et de la nuit. À notre humble avis, le plus grand miracle pour l’homme est le fait qu’il réussit à briser ses mauvais traits en se contentant de faire le premier pas. D-ieu lui ouvre alors toutes grandes les portes de la réussite et l’aide à surmonter les épreuves de la vie.
 
Comme nous l’avons vu à plusieurs reprises, l’âme est une partie de D-ieu. Tout comme le corps, elle se compose de deux cent quarante-huit membres et trois cent soixante-cinq nerf et tendons, correspondant aux six cent treize mitswoth de la Tora. Comme l’enseigne le Zohar (I, 170b), la Tora comprend deux cent quarante-huit préceptes positifs correspondant aux deux cent quarante-huit membres et trois cent soixante-cinq préceptes négatifs correspondant aux trois cent soixante-cinq nerfs et tendons du corps.
 
Le Zohar ‘Hadach (138b) enseigne aussi que la configuration de l’âme est similaire à celle du corps. Par conséquent, si l’âme accède à la perfection, le corps où elle résidait y accède aussi du fait qu’il a accompli les six cent treize mitswoth de la Tora. “Heureux celui qui vient ici, son étude à la main” (Pessa’him 50a ; Kohéleth Rabah 9:8) : heureuse l’âme qui vient dans le monde de la vérité après avoir accompli toute la Tora dans ce monde, car le fait qui ne lui manque rien et qu’elle est parfaite prouve qu’elle a accompli toutes les mitswoth dans ce monde.
 
Nous voyons de là notre immense responsabilité dans ce monde, aspect d’une aiguille qui nous pique constamment et nous fait mal; où pullulent les épreuves ; où le mauvais penchant ne nous laisse pas un moment de répit. Toutefois, si nous arrivons à nous débarrasser des futilités de ce monde et faisons une toute petite ouverture dans cette aiguille et au milieu de ces épreuves, le Saint, béni soit-Il, nous baignera de la splendeur de la lumière céleste, aspect de “Jamais œil humain n’avait vu un autre dieu que toi” (Isaïe 64:3).
 
Le Zohar (II, 97a) s’étend d’une part sur les délices de l’âme qui s’est conformée à la volonté de D-ieu dans ce monde, et de l’autre sur les résultats tellement néfastes de la désobéissance aux commandements divins. Tout celui qui s’oppose à son maître, c’est comme s’il s’opposait à la Chékhina (Sanhédrin 100b). Comme on le sait, le monde n’a été créé que pour la Tora. C’est grâce à elle qu’il subsiste, comme il est écrit: S’il n’y avait mon alliance (la Tora) le jour et la nuit, “Je cesserai de fixer des lois au ciel et à
la terre” (Jérémie 33:25).
 
Il peut arriver que le Tribunal Céleste accuse quelqu’un du meurtre d’un grand nombre de gens. Comment peut-on l’accuser de quelque chose qu’il n’a pas fait ? Celui qui dérange un autre qui est versé dans l’étude de la Tora, ces instants qu’il lui ravit ressemblent à la destruction du monde entier qui ne subsiste que grâce à la Tora, comme nous l’avons vu plus haut: c’est comme s’il avait tué de nombreuses âmes, à D-ieu ne plaise. Ce n’est alors que grâce à la miséricorde divine que le monde continue à subsister. Celui qui dérange un Sage dans son étude de la Tora, c’est comme s’il se demandait pourquoi l’Éternel a créé Son monde et qu’Il eût mieux fait de ne pas le créer.
 
Il va de soi que celui qui s’oppose aux enseignements et prescriptions d’un Sage occasionne des dégâts plus considérables au monde que celui qui dérange un homme simple dans l’étude de la Tora, du fait que le Sage sert de Chariot Céleste à la Providence Divine, selon le commentaire de Rachi du verset : “Ayant achevé de lui parler, D-ieu s’éleva au-dessus d’Avraham” (Genèse 17:22).
 
Le Midrach enseigne : “Rabbi Abahou disait au nom de Rabbi Yo’hanan : 'Pendant que le Saint, béni soit-Il, a donné la Tora, aucun oiseau ne gazouillait, aucun oiseau ne volait… aucune créature ne parlait. Le silence le plus total régnait sur la terre. Une voix s’éleva qui dit : Je suis l’Éternel ton D-ieu' (Chemoth Raba 29:9).” D-ieu a fait taire tout l’univers pour mettre en relief l’importance de la Tora et montrer qu’en Son absence, il ne pourrait subsister un instant.
 
Nos Sages enseignent : “Celui qui en voyageant médite la loi et interrompt sa méditation pour s’écrier : 'Que cet arbre est beau ! Que ce champ est bien cultivé !' Celui-là compromet sa vie (Avoth 3:9). Par conséquent, celui qui interrompt son étude met sa vie, et même celle des autres, en danger, tous les juifs étant garants l’un de l’autre (Chévou’oth 39a).
 
C’est comme si quelqu’un creusait un trou dans sa cabine lors d’une traversée en bateau en prétendant ignorer qu’il met en danger la vie de tous les passagers. “Écoutez, cieux…” Tout juif doit agir comme s’il continuait après des milliers d’années à écouter les paroles de l’Éternel sur le Sinaï, et plus particulièrement maintenant que la Tora est proche de nous, qu’elle ne se trouve pas dans le Ciel… Nous l’avons dans la bouche et dans le cœur, pour pouvoir l’observer (Deutéronome 30:14).
 
Ne gaspillons donc pas notre temps et exploitons chaque minute de libre pour nous engager dans l’étude de la Tora: faisons d’elle constamment les paroles de ma bouche. Les paroles de l’Éternel sont des paroles pures (Psaumes 12:7). Introduisons-les profondément dans notre cœur minimisant le côté matériel de la vie. Le Saint, béni soit-Il, nous ouvrira alors toutes grandes les portes de Son palais et nous nous délecterons des plaisirs et de la récompense immenses du monde futur. Nos efforts en valent bien la peine !
Pourquoi en fin de compte sommes-nous venus dans ce monde ? L’Éternel n’a certainement pas créé un monde si complexe pour que nous y passions notre temps à boire, à manger et à irriter notre Créateur par nos mauvaises actions ! Nous sommes venus dans ce monde exclusivement pour nous attacher à la Tora.
 
Comme nous l’avons vu, avant même de naître, nous l’apprenons dans le ventre maternel (cf. Nida 30b) et il nous est seulement demandé de continuer cet attachement dans ce monde. Chacune des mitswoth que nous accomplissons et que nous étudions crée ou perpétue l’existence du membre et du nerf qui lui correspondent. Du fait que ces derniers sont liés à la Tora, malheur à celui qui en néglige l’étude ! C’est comme s’il causait lui-même sa perte ! Le mauvais penchant existe chez l’homme à sa naissance même ! (Yérouchalmi Bérakhoth 3:5; Rachi sur Genèse 8:21) et s’efforce sans répit de le détacher de la Tora, c’est-à-dire de lui-même.
 
Comme nous l’avons vu, le Saint, béni soit-Il, la Tora et Israël n’en font qu’un. Ils sont liés par l’âme qui fait partie de la Divinité. Par conséquent, celui qui se détache de D-ieu ou de la Tora, met sa vie en danger. Rabba disait : “Quand l’homme passe en jugement devant le Tribunal Céleste, on lui demande : 'As-tu traité tes affaires honnêtement? T’es-tu engagé régulièrement à l’étude de la Tora ? As-tu aspiré à la rédemption ?” (Chabath 31a). On ne lui demande pas du tout s’il a accompli des mitswoth, parce que la question concernant l’étude de la Tora implique l’accomplissement des mitswoth. “Si vous vous conduisez selon mes lois, si vous gardez mes préceptes” (Lévitique 26:31) : en d’autres termes, si vous vous engagez dans l’étude de la Tora, vous observerez automatiquement Mes préceptes, l’un est lié à l’autre.
 
En fait, pourquoi le Tribunal Céleste doit-il demander à l’homme : T’es-tu engagé régulièrement dans l’étude de la Tora ? Comme nous l’avons vu plus haut, les juges n’ont qu’à regarder son âme. Si elle est déficiente, c’est un signe que le corps l’est aussi : il s’est abstenu d’étudier la Tora et d’accomplir les mitswoth. Si en revanche, l’âme brille de son plus vif éclat, c’est un signe que le corps n’a pas péché et s’est engagé toute sa vie sur cette terre dans l’étude de la Tora.
 
Rabbi ‘Hanina enseigne que chacun est brûlé par le dais de son prochain. Malheur à cette honte ! Malheur à cet affront ! (Béréchith Raba 75a). Dans les mondes supérieurs tout le monde doit éprouver cette douleur, même ceux qui se sont engagés toute leur vie dans l’étude de la Tora et l’accomplissement des mitswoth. Dans les mondes supérieurs, ils reçoivent certes le meilleur accueil des myriades d’anges et d’âmes de 101 Justes qui s’exclament devant eux : “Exhaussez, ô portes, vos frontons” (Psaumes 24:6), mais quand ils voient le monde de la vérité et les hauts faits que l’Éternel y accomplit, ils sont couverts de honte à cause de leur bassesse (relative) dans ce monde.  Sincèrement affligés, ils se demandent pourquoi ils n’ont pas déployé plus d’efforts dans leur service divin. Les juges du Tribunal Céleste connaissent certes la réponse en voyant leur âme immaculée, mais ne s’abstiennent pas de poser la question.
 
“Écoutez, cieux, je vais parler…” Nous avons beau être de grands Sages de la Torah, imaginons-nous devant ces juges. Écoutons bien leurs questions et que la terre entende les paroles de ma bouche : ceignons-nous alors les hanches et promettons-nous de nous engager davantage dans l’étude de la Tora pour éprouver moins de peine quand nous nous présenterons devant eux après une longue vie et répondrons à leur question : “As-tu fixé des heures pour l’étude de la Tora ?”
 
Il ne nous suffit pas pour cela de nous attacher à chacun de nos frères, mais de nous porter garants pour chacun d’eux, et si, à D-ieu ne plaise, l’un d’eux a péché et été puni, nous devons ressentir la peine qu’il ressent: c’est comme si nous-mêmes avions commis son péché. L’un corrige l’autre de la sorte, et le monde pourra ainsi continuer à subsister.
 
Si grâce aux bonnes œuvres et aux prières du Tsadiq le monde est baigné d’un flux d’abondance céleste, le mécréant contribue à détruire ce monde par ses mauvais actes. C’est pourquoi la Tora nous dit : “Vous êtes placés aujourd’hui, vous tous” … que le riche se porte garant du pauvre. Qu’il ne fuit pas sa compagnie ! Que le pauvre ne soit pas couvert de honte en présence du riche ! Que celui qui exécute la loi ne se croie pas supérieur aux autres et comprenne leur état ! Que le cœur du juge ne s’enorgueillisse pas !
 
Si cette alliance (brith) fait défaut, il n’y a pas de Tora. En effet, avec le collel (+1) BRITh a la même valeur numérique que TaRIaG, les six cent treize mitswoth de la Tora. Si les juifs ne se portent pas garants l’un de l’autre, non seulement ils souillent la Tora, mais aussi les Noms du Saint, béni soit-Il, et la Création entière : Dieu, la Tora et Israël formant une seule unité, comme nous l’avons vu.
 
Même si nous voyons quelqu’un commettre un péché, nous devons le juger favorablement, car comme l’enseigne Rech Lakich, l’homme ne pèche que s’il est pris d’un esprit de folie (Sota 3a). Ne nous éloignons surtout pas de lui, même s’il nous est inférieur. Continuons pour notre part à ressentir partout l’existence de D-ieu. Car même l’Éternel ne s’éloigne pas pour ainsi dire du méchant et ne le fait pas disparaître de ce monde. Comme nous le récitons au Moussaf des Jours Redoutables : “Tu ne désires pas faire disparaître le pécheur.” Il continuera à vivre s’il s’éloigne de la mauvaise voie qu’il empruntait. Tu l’attends jusqu’au jour de sa mort, et s’il revient vers Toi, Tu le reçois immédiatement.