Rien, sinon la Tora – Lekh Lekha

C’est un principe : quiconque possède la qualité de l’humilité et de l’effacement, il n’y a aucune épreuve qu’il ne puisse surmonter, parce qu’il s’annule devant D-ieu.

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le Rav David Hanania Pinto

Posté sur 08.11.21

Nos Sages discutent dans la Guémara (Nédarim 32a) de la raison pour laquelle Avraham a été puni par l’esclavage de ses enfants en Égypte pendant deux cent dix ans. Certains disent que c’est parce qu’il a utilisé des talmidé ‘hakhamim (érudits de la Tora) en les faisant partir à la guerre, ainsi qu’il est écrit (Béréchith 14:14) : “Il arma ses fidèles, enfants de sa maison.”

Chmouel dit : parce qu’il a contesté la conduite d'Hachem, ainsi qu’il est dit (Béréchith 15:8) : “Par quoi saurai-je que j’en hériterai ?” Rabbi Yo’hanan dit qu’il a empêché des gens de rentrer sous les ailes de la Chekhina (Présence divine), ainsi qu’il est dit (Béréchith 14, 21) : “Donne-moi les âmes, et prends pour toi les biens.”

Le livre “Beer Me’hokek” demande comment les Bnei Israël (le peuple d'Israël) ont pu être punis à cause des fautes d’Avraham, puisque la Tora dit (Devarim 24, 16) : “Les pères ne seront pas tués pour leurs fils et les fils ne seront pas tués pour leur père, chacun sera tué pour sa propre faute.”
 
Il faut encore s’interroger sur ce qui a été dit, que la faute d’Avra­ham est d’avoir utilisé des talmidéhakhamim en les faisant partir à la guerre, puisque le Saint béni soit-Il Lui-Même a aidé Avraham dans la guerre, ainsi qu’il est dit dans la Aggada (Sanhédrin 108b) que Chem le fils de Noa’h a dit à Éliezer : “Quand les rois de l’orient et de l’occident vous ont attaqué, qu’avez-vous fait ?” Il lui a répondu : “Le Saint béni soit-Il est venu chercher Avraham et l’a fait asseoir à Sa droite, nous lancions sur eux de la poussière, et par miracle elle se transformait en glaives, de la paille et elle se transformait en flèches.”
 
Les Sages ont dit ailleurs (Béréchith Rabba 43, 2) au nom de Rabbi Yéhouda : “Avraham envoyait sur eux de la poussière et elle devenait des glaives, de la paille et elle devenait des flèches.” Et Rabbi Ne’hemia a dit qu’il n’est pas dit “de la poussière” mais “comme de la poussière”, ils envoyaient des glaives sur Avraham et ils devenaient de la poussière, des flèches et elles devenaient de la paille. S’il en est ainsi, comment peut-il venir à l’esprit que le Saint béni soit-Il ait aidé Avraham dans la guerre et lui ait fait des miracles dans une chose qui aurait comporté le moindre soupçon de faute ?
 
Il y a une autre difficulté. D’où Rabbi Élazar sait-il que les Bnei Israël ont été punis parce qu’Avraham avait utilisé des talmidéhakhamim, alors qu’en fin de compte le Nom d'Hachem s’est trouvé sanctifié, puisque quand le roi de Sdom a dit à Avraham “Donne-moi les âmes et prends pour toi les biens”, Avraham lui a répondu : “Je n’ai pas envie de cet argent, car le Saint béni soit-Il me donne tout ce dont j’ai besoin.”
 
Avraham lui a encore dit : “Je lève la main vers le D-ieu Très Haut qui a fait le Ciel et la terre, je ne prendrai pas d’un fil jusqu’à un lacet de chaussures de tout ce qui est à toi, et tu ne diras pas : j’ai enrichi Avram.” Ici, Avraham a annoncé au roi de Sdom qu’il n’aimait pas du tout l’or et l’argent. Comme l’a expliqué le Ben IchHaï sur le verset (Béréchith 13, 2) “Avram était très lourd en troupeaux, en argent et en or”, que signifie “très lourd” ? Que l’argent et l’or étaient pour lui comme des poids qui lui pesaient, et seules lui paraissaient légères à porter la Tora, les mitswoth et les bonnes actions.
 
Nous apprenons de là que le Nom de D-ieu a été sanctifié par le fait que ses élèves soient partis à la guerre, alors pourquoi Rabbi Élazar dit-il que c’était une faute ?
 
On mérite de surmonter l’épreuve
 
On peut l’expliquer selon ce qui est dit plus haut (Béréchith 13, 16) : “Je rendrai ta descendance comme la poussière de la terre.” Pourquoi le verset a-t-il dit “comme la poussière de la terre” et non “comme le sable de la mer” ou “comme les étoiles du ciel” ? Voici comment on peut l’expliquer :
 
Ici, on annonce à Avraham que de même qu’il a surmonté l’épreuve, ses enfants et tous ses descendants surmonteront l’épreuve et ne succomberont pas. Même si leurs ennemis leur disent : “Reniez votre foi ou nous allons vous tuer”, ils donneront leur vie mais ne renieront pas. De même qu’Avraham a surmonté l’épreuve grâce à l’humilité qui était en lui, et s’est rendu comme la poussière, ainsi qu’il est dit (Béréchith 18, 27) : “Et je suis poussière et cendre”, comme la poussière qui ne s’enorgueillit pas, parce que tout le monde marche dessus.
 
C’était la caractéristique d’Avraham, ainsi qu’il est dit dans la Michna (Avoth 5, 19) “Un bon œil, un esprit humble et une âme abaissée, ce sont les disciples d’Avraham.” Donc l’humilité est la qualité des Bnei Israël, ainsi que de s’effacer devant D-ieu. De même qu’Avraham s’est effacé devant Lui, les Bnei Israël s’effacent devant D-ieu comme la poussière, et surmontent l’épreuve.
 
C’est un principe : quiconque possède la qualité de l’humilité et de l’effacement, il n’y a aucune épreuve qu’il ne puisse surmonter, parce qu’il s’annule devant D-ieu, c’est pourquoi il fait tout ce qu’Il décrète pour lui sans protester. C’est la raison pour laquelle D-ieu a dit à Avraham : “Je ferai de ta descendance comme la poussière de la terre”, ce qui nous enseigne que les Bnei Israël seront également humbles comme lui, et mériteront de surmonter les épreuves grâce à cette qualité.
 
C’est par conséquent la raison pour laquelle Avraham a été puni ensuite quand il en a détourné ses disciples pour les envoyer à la guerre. En effet, Avraham savait qu’il ne tomberait pas à la guerre et que ces rois ne pouvaient pas le vaincre, car D-ieu lui avait déjà promis quand il était sorti de ‘Haran et qu’il lui avait dit “lekh lekha” (“va pour toi”), expression qui a la valeur numérique de cent (Ba’al HaTourim). Ici, on lui a annoncé qu’il allait vivre jusqu’à cent ans, il n’avait donc pas le droit de détourner ses élèves de l’étude de la Tora.
 
Bien qu’il les en ait détournés pour faire une mitswa, de toute façon, comme D-ieu lui avait promis qu’il ne tomberait pas à la guerre, il aurait dû y aller lui-même et n’aurait pas dû détourner ses élèves de la Tora. De plus, comme nos Sages ont dit (Tan’houma Lekh 9), le Saint béni soit-Il a donné un signe à Avraham que tout ce qui lui arriverait, arriverait également à ses descendants, et que ceux-ci apprendraient de lui à négliger la Tora, c’est pourquoi il en a été puni, et non parce qu’il y avait là une faute, puisqu’il ne les a détournés que pour accomplir une mitswa, et que de plus, Hachem l’a aidé dans la guerre.
 
Il n’est donc pas possible qu’il y ait eu là une véritable faute, mais il y a eu un enseignement pour toutes les générations à venir de ne pas se conduire ainsi, mais d’étudier constamment la Tora. Là où il n’y a pas un besoin pressant, qu’on ne s’arrête pas au milieu de l’étude. Les Sages ont dit (Chabath 119b) : “On n’interrompt pas l’étude des petits enfants même pour construire le Temple.” Ici, comme Avraham aurait pu aller seul à la guerre, il n’aurait pas dû détourner ses disciples de leur étude.
 
Il ne faut pas s’étonner de ce qu’Avraham ait été puni pour une chose qui ne comportait pas du tout de faute, car il a été dit à ce propos (Avoth 1, 11) : “Sages, faites attention à vos paroles, de peur d’encourir l’exil, que vous soyez exilés en un lieu d’eaux mauvaises, et que vos élèves qui vous suivent n’en boivent et n’en meurent, auquel cas le Nom du Ciel se trouverait profané.”
 
Dans le même ordre d’idées, la Guémara raconte (Berakhoth 11, 1) : “La maison d'Hillel dit qu’on se lève pour dire la prière du Chema', ou on peut aussi le dire assis, ou penchés, ou en marchant, ou en travaillant. L’avis de la maison de Chamaï est que le matin, il faut se lever quand on dit la prière du Chema', et le soir on le lit assis. Rabbi Yichmaël et Rabbi Élazar ben Azaria se trouvaient au même endroit, Rabbi Yichmaël était penché et Rabbi Élazar ben Azaria était droit.
 
Quand arriva le moment du Chema', Rabbi Élazar se pencha et Rabbi Yichmaël se redressa. Rabbi Élazar ben Azaria dit à Rabbi Yichmaël : “Yichmaël mon frère, je vais te dire à quoi cela ressemble. Cela ressemble à quelqu’un à qui on dit : “Tu as une belle barbe”, il répond : “Je vais la faire couper.” De même toi, tant que j’étais droit, tu étais penché, maintenant que je me suis penché, tu te redresses ?” Il lui répondit : “J’ai suivi les enseignements de la maison d'Hillel, et toi tu as fait comme la maison de Chamaï. De plus, les élèves risquent de le voir, et d’en tirer une halakha (loi) pour toutes les générations.”