Surtout… ne râtez pas le début !

Nous interprétons souvent les évènements qui nous arrive dans notre vie dans le désordre. Cette situation nous rend vulnérables et nous empêche de rencontrer le succès dans la vie.

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Libi Astaire

Posté sur 15.03.22

Le jour de Pourim, nous devons lire la Méguila Esther, le livre inclut dans la Bible et dans lequel est décrite la façon dont le peuple juif fut sauvé de la destruction, à l’époque de l’Empire perse.

La lecture de la Méguila est un évènement joyeux. De nombreuses personnes se présentent à la synagogue en étant déguisées, celles qui lisent la Méguila Esther utilisent quelques fois une drôle de voix pour raconter l’histoire des juifs décrite dans ce livre et presque tout le monde possède un ustensile qui sert à faire du bruit. Celui-ci est mis à profit à chaque fois où le nom du méchant Haman est lu.

Cependant, même si nous avons l’habitude de nous amuser pendant la lecture du livre d’Esther, les Sages du Talmud ont apporté des précisions importantes à respecter pendant la lecture :

“Une personne qui lit la Méguila à l’envers n’a pas rempli son obligation.” (Méguila 17a)

Cette loi ne s’applique pas seulement à un mauvais tour joué par un lecteur de la Méguila qui aurait enclenché le levier de vitesse sur la marche arrière ! Cela signifie également qu’une personne qui arrive en retard à la synagogue et commence à entendre la lecture du livre d’Esther lorsque le lecteur est déjà au 7ième chapitre, ne peut pas lire ensuite par elle-même les 6 premiers chapitres afin de compléter la lecture du livre. Afin de remplir son obligation, chaque personne doit lire – ou entendre une tierce personne lire – la Méguila Esther du premier mot… jusqu’au dernier dans le bon ordre.

Pourtant, la question mérite d’être posée : quel est le véritable problème d’arriver à la synagogue au beau milieu de l’histoire et de la lire dans le désordre ? Une réponse à cette question a été donnée par le Ram’hal, Rabbi Moché ‘Haïm Luzatto, dans son ouvrage qui date du 18ième siècle : “La voie de D-ieu.”

À l’envers ou à l’endroit ?

Le Ram’hal fut un des plus grands penseurs juifs de tous les temps. Il fut également un des plus grands experts en kabbale. Le Ram’hal consacra sa vie à expliquer les concepts fondamentaux du judaïsme ; il était convaincu que ces concepts renfermaient une signification profonde que chaque personne devait connaître.

Dans ses ouvrages, le Ram’hal enseigne que le but de la vie consiste à perfectionner notre âme, ce qui nous permet de nous rapprocher de D-ieu. Tout ce qui nous arrive possède un point commun : celui de nous aider à atteindre cet objectif élevé. En théorie, nous savons tous-tes que ce que dit le Ram’hal est exact et nous savons également ce que le Ciel attend de nous dans chaque situation de la vie. Selon les moments, nous devons être patients-tes, gentils-les, généreux-ses… Pourtant, la réalité nous oblige à avouer que même en sachant tout cela, nous échouons souvent. Pour quelle raison ?

Selon le Ram’hal, la raison est assez simple : nous vivons notre vie à l’envers.

Nous savons tous-tes que le concept de causes et effets existe. Nos actions ont un impact sur le monde et les évènements possèdent le leur sur le type de personne que nous sommes. Cependant, parce que nous interprétons souvent les évènements de notre vie dans le désordre, nous ne comprenons pas ce qui nous arrive. En d’autres termes, nous ne percevons pas ce qui est la cause et ce qui est l’effet. Cette situation nous rend vulnérables et nous empêche de rencontrer le succès dans la vie.

Pa exemple : imaginons qu’une mère de famille décide de laver le sol de la cuisine avant que son jeune fils rentre de l’école. Lorsque le garçon arrive, il déclare à sa mère qu’il a faim. La mère était précisément en train de préparer une soupe au poulet pour le repas du soir et propose à son fils un bol ; celui accepte avec plaisir. Le fils insiste pour porter le bol sur la table de la cuisine et quelques centimètres avant d’arriver à sa destination finale, le bol glisse des mains du garçon et s’écrase lamentablement sur le sol immaculé de la cuisine.

Ce qui arrive par la suite dépend largement de la façon dont cette mère “lit” l’histoire de sa vie.

Si ce matin-là, elle s’est réveillée en pensant que la journée qui se présentait devant elle allait lui fournir l’opportunité unique de perfectionner son âme – ce qui inclut perfectionner sa patience – les chances sont grandes pour qu’elle ne s’emporte pas contre son fils et qu’elle parvienne à relativiser ce qui vient d’arriver.

Dans ce cas, elle comprendra que D-ieu a arrangé tous les détails de sa journée afin de la tester. C’est D-ieu qui eut l’idée de lui faire préparer la soupe au poulet, de lui faire avoir envie que la cuisine soit d’une propreté irréprochable et… que le bol de soupe tombe par terre. Cependant, comme cette mère à fait ses devoirs spirituels, elle ne s’est pas emportée et à su comment répondre : avec patience et flegme.

Cependant, si cette mère a tellement été préoccupée pas ses tâches ménagères qu’elle a oublié le véritable objectif de sa vie, son esprit ne supportera pas la vision du sol sali de la cuisine. Dans ce cas, elle croira – à tort – que le sol de la cuisine est la chose la plus importante du monde et que son fils y a mis une fin précoce. Les chances sont grandes pour qu’elle s’emporte vivement contre celui-ci.

Même si cette mère atteint ensuite une grande clarté et réalise que sa colère était inappropriée – et que cela lui a fait échouer un test spirituel qui lui était envoyé du Ciel – elle ne comprendra pas réellement ce qui est arrivé. Par exemple, si son fils est souvent maladroit et qu’il renverse régulièrement des choses sur le sol, elle sentira en elle un sentiment de colère et de frustration à son égard. Son fils la teste trop souvent sur sa patience !

“Pour quelle raison mon fils ne peut pas être comme les autres ?” s’étonnera-t-elle. “Évidemment, je pourrais être beaucoup plus patiente s’il ne faisait pas toujours tout de travers.”

Ce que cette mère ne comprend pas est que ce n’est pas son enfant qui la teste. Les maladresses de son garçon, ce qu’il renverse souvent sur le sol… tout est décidé du Ciel. Ces “erreurs” de parcours sont l’équivalent de la personne qui entre dans la synagogue au beau milieu de la narration de l’histoire d’Esther. Plutôt, il faut se rendre à l’évidence : c’est D-ieu qui a décidé depuis longtemps que son âme avait besoin d’être testée et qu’elle devait développer cette qualité particulière, la patience. À cette fin, il lui a été donné un fils idéal pour la faire avancer dans ce processus !

En d’autres termes, lorsque nous accusons les autres pour nos échecs spirituels ou émotionnels, nous voyons certainement notre vie à l’envers. Nous avons laissé D-ieu de côté et oublié la raison pour laquelle nous avons été placés-es sur terre.

Cependant, cette vision déformée de la réalité peut également arriver lorsque les évènements sont heureux, comme cela a été le cas à l’époque de Pourim.

La véritable histoire derrière le rideau

La Méguila Esther possède une caractéristique unique : le Nom de D-ieu n’y est pas mentionné une seule fois ! À travers toute l’histoire – de la tentative funeste d’Haman à l’action couronnée de succès d’Esther et de Mordékhaï – les personnages de l’histoire semblent s’appuyer uniquement sur leur propre intelligence pour faire tourner les évènements dans le sens où ils le désirent.

Par conséquent, si une personne arrive au milieu de l’histoire – lorsque la reine Esther est déjà en place sûre dans le palais du roi – elle peut avoir l’impression que le salut du peuple juif a eu lieu grâce à l’intelligence et aux talents diplomatiques de Mordekhaï et de la reine Esther. Dans ce cas-là, D-ieu serait complètement oublié.

C’est seulement lorsque nous prêtons une grande attention à l’histoire dans sa totalité – du début à la fin – que nous prenons conscience des myriades de “coïncidences” qui permirent la libération du peuple juif et qu’un minimum d’intelligence ne peut faire reposer sur une combinaison de chance et de talent personnel. Il y avait sans aucun doute “quelqu’un” derrière le rideau qui dirigeait les évènements : cette autorité c’est, évidemment, D-ieu.

Le peuple juif ne fut pas sauvé parce que le reine Esther était intelligente, belle et qu’elle savait utiliser ses atouts. Il fut sauvé parce que D-ieu l’a décidé et qu’Il considérait qu’il y avait encore une raison d’être à Son peuple. Hachem choisit la reine Esther pour être l’instrument qui amènerait le salut et permettrait aux juifs de continuer à exister.

La même logique s’applique de nos jours. Les titres des journaux sont remplis de nouvelles à propos des idées que les leaders de ce monde ont sur la paix au Proche-Orient. Pourtant, croire que ce sont ces leaders qui dirigent le cours des choses dans le monde, c’est mal interpréter la véritable nature de ces évènements.

Ce qui arrive dans le monde – et ce qui n’arrive pas – est décidé parce que D-ieu et Lui seul. La raison pour avoir créé le monde et qu’en fin de compte, chaque personne arrive à atteindre la perfection ultime. Quelques fois, il peut sembler que l’opposé est en train d’arriver : que le monde entier tourne à l’envers et qu’il s’éloigne à grande vitesse de tout sentiment de sainteté. Pourtant, notre tradition juive nous dit que ceci n’est pas de l’ordre du possible.

Par conséquent, afin de rester calmes pendant les périodes agitées de notre vie, il n’y a rien de mieux que de suivre les conseils de nos Sages. Les juifs n’ont pas le droit de lire la Méguila (rouleau) à l’envers. Qu’il s’agisse de la Méguila Esther que nous lisons à Pourim ou de celle où les évènements de notre vie sont inscrits.

(Libi Austaire est une artiste, une femme écrivain et une réalisatrice de courts-métrages. Elle vit à Jérusalem. Pour visiter son site internet : http://www.decoupageforthesoul.com)

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