On pourrait se demander pourquoi le septième jour de Pessa’h revêt une telle importance. Ne fait-il pas partie intégrale de Pessa’h. Pourquoi en est-il séparé ? C’est qu’en ce jour la Mer Rouge s’ouvrit, laissant passer les enfants d’Israël. Un grand miracle certes ! N’oublions cependant pas que des miracles ont été accomplis pour eux chaque jour de la fête. Pourquoi donc évoque-t-on particulièrement “le septième jour de Pessa’h” ?
C’est que, d’après les enseignements du Arizal, le septième jour de Pessa’h constitue l’aspect de la naissance : toutes les lumières et l’amour nés le premier jour de Pessa’h – explique l’auteur de Isma’h Israël – ne se révèlent au monde que le septième jour de la fête. Or on sait que toute vertu que l’individu cherche à développer durant sept jours s’enracine en lui, et fait désormais partie de son ego. Le septième jour de la fête, tout l’amour qui s’était révélé aux enfants d’Israël s’enracine en eux.
C’est ce que dit Moïse aux enfants d’Israël : “Attendez et vous serez témoins du salut de l’Éternel” : tenez
bon, et vous serez à jamais baignés de ces lumières. Aujourd’hui même, conclut l’auteur, vous verrez le salut de l’Éternel et Son amour s’enracinera en vous.
Cette vertu qu’ils ont tellement cherché à développer pendant sept jours et qu’ils ont atteint lors de la traversée de la mer rouge [comme il est écrit : “Et ils crurent en D-ieu et en Moïse…”], n’est autre que la émouna (foi) à laquelle on accède en s’effaçant complètement devant l’Éternel.
C’est pourquoi la Torah a ordonné aux enfants d’Israël de ne pas manger de pain levé pendant sept jours (Exode 12:20), car le levain symbolise l’orgueil, les honneurs et la jalousie. Et s’ils commencèrent à amasser le butin d’Égypte, sans pour autant préparer de provisions pour le voyage, c’était pour se conformer à la Volonté divine. Nullement intimidés par les chiens, ils manifestèrent leur foi en D.ieu en s’introduisant chez les égyptiens pour s’emparer de leurs trésors, réalisant la promesse faite à Avraham par le Saint, béni soit-Il : “Et alors, ils quitteront l’Égypte avec de grandes richesses” (Genèse 15:14).
Celui chez qui la foi s’enracine, ressemble à un nouveau-né qui n’a pas goûté au péché ou à un nouveau prosélyte (Yébamoth 22a ; Békhoroth 47a) : il s’en rassasie (SaVéA’) et elle se rassasie de lui. C’est là, la signification du septième jour de Pessa’h.
Le septième jour de Pessa’h est comparable au Chabath, septième jour de la semaine, ainsi qu’à l’année sabbatique, temps de repos pour la terre, et au jubilé qu’on fête à l’issue de sept années sabbatiques. Ils constituent tous les fondements de la foi.
Le jour du Chabath, où l’Éternel s’est reposé de ses six jours de travail (cf. Exode 20:11), l’homme doit interrompre tout travail et avoir foi que D-ieu pourvoira à sa subsistance malgré tout, et que le manque à gagner sera vite récupéré après Chabath, comme il est écrit : “La subsistance de l’homme est déterminée de Roch Hachana à Yom Kipour, à l’exception du Chabath et des jours de fêtes, où s’il effectue des dépenses substantielles, il sera très largement remboursé.
À notre grand regret, nous voyons qu’aujourd’hui, le Chabath, les affaires prospèrent autant que les jours de semaine, si ce n’est davantage. Ne voyons en cela que l’oeuvre du Satan : si on a vraiment confiance en D-ieu, on n’a rien à craindre, et on peut certainement fermer son commerce.
Que signifie exactement le verset : “Pendant six jours, tu feras ton ouvrage, mais le septième jour, tu te reposeras” ? (Exode 23:12). Quel enseignement la Tora voulait-elle nous prodiguer ? Que l’homme doit parfaire sa foi pendant les six jours, afin qu’elle se fixe dans son coeur le jour de Chabath.
Nous avons également vu que l’observance du Chabath équivaut à toutes les mitswoth de la Tora (Talmud Yérouchalmi, Bérakhoth 1:5). D’autre part, celui qui œuvre inlassablement pour développer son émouna, arrivera à accomplir tous les préceptes de la Tora, car il est écrit : “Tous Tes commandements ne sont que foi” (Psaumes 119:86), et “Le juste vivra par sa foi” (‘Habacuc 2:4).
Les enfants d’Israël ont certes observé le Chabath en Égypte (cf. Chémoth Raba 1:32), mais n’ont pas fait d’efforts particuliers pendant toute la semaine pour développer leur foi et se virent ainsi menacés de perdre leur entité, et devenir “’hamets.” Mais la veille de Pessa’h et les sept jours qui suivirent, leur foi prit un nouvel essor, pour s’épanouir totalement le septième jour de la fête. Il n’y avait plus aucune raison pour eux de craindre Pharaon, incarnation même du mal.
L’année sabbatique aussi est essentiellement fondée sur la foi : l’homme doit abandonner tous ses champs et livrer leur produit à qui veut bien s’en emparer. Il en est de même du jubilé, année où chacun doit retourner à sa propriété (Lévitique 25:13), où tous les champs reviennent à leurs propriétaires (Qidouchine 20b). Tout cela requiert une grande confiance en D-ieu.
Le septième jour de Pessa’h, on se débarrasse de toute idolâtrie intérieure. Les enfants d’Israël devaient attacher le séh (l’agneau) au pied du lit (Zohar III, 251a). “HaKaR” (la froideur du cœur) et “SeH” (l’agneau) ont même valeur numérique (305). En d’autres termes il s’agissait de détruire la froideur du cœur qui est l’antinomie même de la foi.
L’Éternel aide sans cesse l’homme à développer sa foi et à la mener à la perfection. Moïse dut “faire partir les enfants d’Israël de la Mer Rouge” (Exode 15:22) pour leur apprendre la retenue, la valeur de la foi et la vanité des richesses, richesses que la foi permet toujours d’acquérir. Les enfants d’Israël devaient constamment nourrir cet éveil et cette aspiration à l’acquisition des biens dans le seul but de se rapprocher sans relâche de leur Créateur.
Yithro entendit parler essentiellement des miracles de la victoire sur ‘Amaleq et de la traversée de la Mer Rouge : les enfants d’Israël durent se préparer pendant sept jours, s’imprégner de la lumière sainte de la émouna. Mais la foi sans l’étude de la Torah n’est pas digne de ce nom, car l’une renforce l’autre. D.ieu a envoyé ‘Amaleq à notre nation qui a accédé à des niveaux sublimes.
“L’Éternel les guidait le jour par une colonnede nuée qui leur indiquait le chemin, et la nuit par une colonne de feu destinée à les éclairer, afin qu’ils marchent jour et nuit” (Exode 13:21)… et ‘Amaleq, c’était leur punition pour avoir oublié D.ieu et négligé l’étude de la Torah.
Yithro a appris que D.ieu qui nous a créés, récompense celui qui observe ses préceptes et se conforme à Sa volonté, et châtie celui qui suit les conseils du mauvais penchant. Il a entendu parler du passage de la Mer Rouge et de la bataille d’‘Amaleq, qui constituent les fondements de la foi.
On peut ainsi comprendre l’enseignement de nos Sages : “la subsistance quotidienne de l’homme offre autant de difficultés que le passage de la Mer Rouge” (Pessa’him 118a). Quel rapport entre les deux ? C’est que la subsistance constitue essentiellement une épreuve de foi : l’homme trouvera-t-il de quoi manger ? Comment arrivera-t-il à entretenir son foyer ? Cependant grâce à la foi, D.ieu accomplit des miracles, comme Il en a accompli le septième jour de Pessa’h sur la Mer Rouge en faveur des enfants d’Israël.
L’abondance de biens peut en outre faire passer au second plan l’étude de la Torah, voire l’éliminer complètement. Car “augmenter sa fortune, c’est augmenter ses soucis” (Pirqé Avoth 2:7). La foi disparaît alors graduellement.
L’homme ne doit pas prier exclusivement pour la subsistance quotidienne, mais implorer D.ieu de l’aider à étudier assidûment la Torah et ne pas être éprouvé dans son gagne-pain. Et si D.ieu n’exauce pas ses vœux, il ne doit surtout pas se révolter contre Lui.
On peut ainsi mieux comprendre l’enseignement du Arizal, selon lequel le septième jour de Pessa’h constitue en quelque sorte le jour de la naissance.
L’éveil partiel suscité au début de la fête se poursuit après cette fête, tout comme l’allaitement après la naissance. Le septième jour de Pessa’h marque la naissance de la foi, mais de même qu’on ne peut concevoir une naissance sans grossesse, de même on ne peut concevoir la foi sans une préparation. Le dernier jour de la fête éclaire ainsi l’homme pendant toute l’année.
La plupart des commentateurs se posent la question : “Pourquoi lors du don de la Torah, D-ieu a-t-Il dit aux enfants d’Israël : “Je suis l’Éternel, ton D.ieu, qui t’ai fait sortir du pays d’Égypte” (Exode 20:2), et non “qui t’ai créé et qui ai créé le Ciel et la terre.” C’est qu’à notre avis, D.ieu a essentiellement accompli des miracles pour que l’univers ait foi en Lui, et sache que c’est Lui qui a créé le ciel et la terre. S’Il n’avait pas accompli le miracle de la sortie d’Égypte, on aurait pu penser qu’il existe, à D.ieu ne plaise, deux autorités séparées, et on n’aurait pas cru que c’est Lui qui a créé le ciel et la terre.
La foi engendrée par la sortie d’Égypte, nous conduit à la conviction que ce ne sont pas seulement nos pères que le Saint, béni soit-Il, a délivré ; Il nous a délivrés nous aussi, en même temps qu’eux. Et chacun doit se considérer comme étant sorti lui-même d’Égypte (Pessa’him 116b) ; il doit s’en souvenir toute sa vie, y compris pendant les Chabath et les fêtes. C’est cette foi qui nous fera sortir de l’esclavage pour la Rédemption. En d’autres termes, c’est elle qui nous délivrera des entraves du mauvais penchant.
Il est écrit (Deutéronome 11:18) : “Attachez-les comme symbole, sur votre bras et portez-les en fronteau entre vos yeux” : les téfilines doivent être attachés au corps. Or, comme on le sait, les phylactères comprennent un chapitre traitant du premier-né de l’âne (Exode 13), aspect de Yissakhar, “l’âne robuste” (Genèse 49:14), qui porte le joug, celui de la Torah (‘Avoda Zara 5b).
Grâce à l’étude de la Torah et à la foi, on accomplit à la perfection tous les Préceptes divins. La Torah ordonne à l’homme (Exode 13:8) “léhaguid”, de raconter à son fils la sortie d’Égypte ; c’est-à-dire léagued, de le rattacher aussi à la foi, grâce à laquelle il anéantira son penchant au mal.
Dans la Hagada de Pessa’h on lit aussi : “Il advint que Rabbi Eliézer, Rabbi Yéhochoua’, Rabbi Tarphon et Rabbi ‘Aqiva, qui étaient attablés à Bné Braq…” (Kéthouvoth 105a). Il est surprenant que le narrateur n’ait mentionné que le fait qu’ils parlaient de la sortie d’Égypte, sans mentionner l’arrière plan du récit. En fait, ces grands Sages vivaient physiquement, allons-nous dire, l’événement de la sortie d’Égypte, grâce à leur grande foi.
Leurs disciples se présentèrent devant eux et leur dirent : “Maîtres, le moment est venu de réciter le Chéma’ du matin.” En d’autres termes, la lumière, celle de la foi, commence déjà à éclairer. Ils voulaient leur rappeler également qu’on ne peut développer la foi que par la Torah et la prière. Comme l’enseignent nos Sages (Ména’hoth 99b ; Zohar III, 228a) : la récitation du Chéma’ équivaut à l’étude de la Tora, ainsi qu’aux trois prières quotidiennes Cha’hrith, Min’ha et ‘Arvith.
La supputation du ’Omer
La Torah (Lévitique 23:15) ordonne aux enfants d’Israël : “Vous compterez sept semaines entières depuis le lendemain du Chabath, depuis le jour où vous aurez offert le “Omer du balancement.” Le lendemain du Chabath signifie, comme on le sait, après le premier jour de la fête, aspect du Chabath où s’éveille la foi dans le cœur de l’homme : il ouvre une nouvelle page dans sa vie et se prépare à la réception de la Torah.
Après avoir assisté à tous les miracles d’Égypte, les enfants d’Israël commencèrent à porter le joug des mitsvot et de la Torah sans laquelle la foi n’a pas de valeur. En supputant le ’Omer, ils visaient à se débarrasser des quarante-neuf portes d’impureté et des quarante-neuf traits négatifs, et à accéder aux quarante-neuf portes de la compréhension et de la pureté.
À y regarder de plus près, on voit que la supputation du ’Omer constitue le fondement de la foi en D.ieu. Comme on le sait, le chiffre huit en rapport avec la Brith Mila – qui se fait le huitième jour – a un aspect particulier et est par définition la base de la foi. Il convient par conséquent de continuer à s’imprégner de la foi, fondement de toutes les mitsvot, même après la fête, (après le septième jour) de “l’attacher par des liens” (Psaumes 118:27), et de l’inclure dans les jours de la supputation du ’Omer : tout revêtira alors l’aspect de “huit.”
Rapportant le Midrach : “donnes-en une part à sept et même à huit” (Kohéleth Rabah 11:2 à propos de Écclésiaste id.), l’Admour de Gour dans son ouvrage Beth Israël (portion biblique Chémini, 5716, exposé 3) écrit : “Il s’agirait des sept jours de Pessa’h période de la rédemption de l’âme et de ceux qui les suivent ou des sept semaines suivies de la rectification des mauvais traits pendant la supputation du ’Omer”.
Lorsque l’homme se sent attiré vers D.ieu par des liens d’amour, D.ieu crée pour lui, si l’on peut dire, un réceptacle, composé de mitsvot et de bonnes actions, et destiné à maintenir sa foi intacte. Grâce à cet éveil, il corrige ses mauvais traits qui font place aux vertus acquises durant les sept semaines du ’Omer les quarante-huit qualités par lesquelles s’acquiert la Torah (Pirqé Avoth 6:5). Rassasié (SéVa’) de foi, il compte sept (ShéVa’) semaines entières, et le dernier jour – le quarante-neuvième – il reprend la correction de tous. C’est ce qu’explique Rabbi Israël Salanter.
Concluons par ce que nous avons écrit au début : “L’Éternel dit à Moïse : “Parle aux enfants d’Israël et qu’ils marchent VéYiSsa’Ou‘.” Les lettres vav (valeur numérique 6), youd (10) et vav (6) de ce mot forment les vingt-deux lettres de la Torah (la Torah fondement et fortification de la foi). Samekh, ’Aïn, l’abréviation de “Séphirath ‘Omer” (“Supputation du ’Omer”), représente le fondement de la foi grâce à laquelle les enfants d’Israël ont pu assister à tant de miracles, notamment le passage de la Mer Rouge, la victoire sur ‘Amaleq et bientôt la délivrance.
Que l’Éternel, dans Sa miséricorde, hâte notre Rédemption !
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