Un peu de modestie ! – Bamidbar

Le juif doit se considérer comme un désert qui n’appartient à personne et est ouvert à tous. Il doit enfin s’annuler et être prêt à se conformer à la volonté de Son Créateur.

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le Rav David Hanania Pinto

Posté sur 10.06.21

 “L’Éternel parla en ces termes à Moïse, dans le désert de Sinaï, dans la tente d’assignation, le premier jour du second mois de la deuxième année après leur sortie du pays d’Égypte : 'Faites le relevé de toute la communauté des enfants d’Israël…'” (Nombres 1:1-2)
 

La question qui se pose ici est pourquoi est-ce précisément lors de la mitswa du dénombrement des enfants d’Israël, que la Tora nous fournit de si nombreux détails : lieu, date, etc.
 
Parlant des trois jours qui précèdent la fête de Chavou’oth, l’auteur de Ma’arkhéLev écrit : “Ces jours préparent les enfants d’Israël à la réception de la Tora sur le Sinaï. Et tout comme la Tora y consacre un chapitre entier pour nous préparer à cette réception, nous revenons sur ce passage tous les ans avant la fête de Chavou’oth.”
 
Commentant à cet effet le verset : “Il y a un temps pour tout, et chaque chose a son temps sous le Ciel” (Ecclésiaste 3:1), le Machguia’h de Mir explique que le jour où l’on commémore le Don de la Tora, la chéfa’ (l’abondance spirituelle) descend sur le monde exactement comme ce jour-là.
 
L’un des fondements de la morale juive, est qu’il faut s’imaginer et vivre concrètement les paroles de moussar (éthique). Imaginons alors que dans trois jours nous allons recevoir la Tora du Saint, béni soit-Il. Chacun proportionnellement à son niveau spirituel s’éveillera et commencera à y réfléchir sérieusement (Rabbi Ch. Z. de Krelm).
 
La modestie : une qualité juive
 
L’homme doit donc s’imaginer constamment qu’il se trouve en présence du Saint, béni soit-Il. Il pourra ainsi s’éloigner du mal. Il doit porter sans cesse à l’esprit la grandeur de D-ieu, comme a écrit le Roi David : “Je représente D-ieu constamment devant moi” (Psaumes 16:8). Il est aussi écrit : “ Dans toutes tes voies, songe à Lui” (Proverbes 3:6). Ce n’est certainement pas chose facile. Il faut pour cela avoir accédé à un niveau spirituel extrêmement élevé.
 
La Tora nous enseigne à cet effet : “Tu maintiendras le peuple tout autour du Mont Sinaï” (Exode 19:12). La locution tout autour demande une explication. C’est que l’homme ne peut s’élever dans le Service divin que s’il est foncièrement doué de vertus suprêmes et apprend la Tora par amour pour elle. Il mérite alors de grandes récompenses (Avoth 6:1).
 
Il sait toutefois que ses capacités sont limitées. Il connaît sa place dans ce monde et réalise qu’il est absolument insignifiant et il n’a vraiment pas de quoi s’enorgueillir, qu’il est limité et que la Providence Divine l’entoure et se trouve partout. S’il prend vraiment conscience de son état et que ses paroles reflètent les sentiments de son coeur (Pessa’him 63a), il se soumettra certainement à l’Éternel comme un esclave qui attend les ordres de son maître et exécute la tâche qu’il lui assigne. Il l’accomplira avant même d’entendre ses ordres, comme les anges, ces héros puissants, qui exécutent Ses ordres, qui sont attentifs au son de Sa parole (Psaumes 103:20 ; Chabath 88a).
 
Par conséquent, si le verset abonde en détails, c’est que l’Éternel dit à Moché : Si les enfants d’Israël désirent s’élever dans le Service divin, qu’ils veillent bien à préserver leur niveau spirituel ; qu’ils ne recommencent pas ce qu’ils ont fait la première année après leur sortie d’Égypte : le péché du veau d’or, en renonçant à leurs parures. (Exode 33:6 ; Chabath 88a), ils doivent se représenter et ressentir constamment la présence du Saint, béni soit-Il, parmi eux, car Sa gloire remplit le monde entier (Isaïe 6:3).
 
Ressentir la présence de D-ieu
 
L’Éternel a ordonné de faire le relevé des enfants d’Israël le deuxième mois, qui est le mois de Iyar, pour qu’ils se représentent et voient (“yirou”) constamment l’Éternel devant eux. Il résidera alors en chacun d’eux. Si l’homme veut ressentir constamment en lui la Providence Divine et recevoir Sa chéfa’, il doit connaître exactement sa place dans ce monde. “Qu’est-il en somme ? Une goutte putride, pâture des vers” (Avoth 3:1).
 
Il doit faire preuve de la modestie du Mont Sinaï, que précisément l’Éternel a choisi pour donner la Tora, plutôt que sur de hautes montagnes (YalqoutChimoni, Yithro 282). Il doit aussi se considérer comme un désert (le désert du Sinaï) qui n’appartient à personne et est ouvert à tous et dans lequel la Tora fut révélée (Nédarim 55a). Il doit enfin s’annuler et être prêt à se conformer constamment à la volonté de Son Créateur et à étudier Sa Tora, jour et nuit (cf. Psaumes 1:2).La Chékhina (la Présence divine) résidera alors en lui.
 
Il ne succombera certainement pas au péché. Il s’élèvera dans les mondes supérieurs, sera l’associé du Saint, béni soit-Il, dans l’œuvre de la Création (cf. Chabath 119b) et maîtrisera la création. Car le Saint, béni soit-Il, décrète une sentence et le Tsadiq l’annule (Mo’edQatan 16b). Le Zohar (I, 82a) enseigne que la Tora vise essentiellement à apprendre à l’homme à se conduire, parce que l’homme qui met en pratique les lois et les statuts de l’Éternel obtient par eux la vie (Lévitique 18:5).
 
Dans son livre MarithHa’ayin”, RabbiHaïmDavid Azoulay (le Ha’Hida) rapporte l’enseignement du Talmud ('AvodaZara 3b) selon lequel dans l’avenir les nations du monde porteront les téfilines de la tête et placeront des mézouzoth sur les fronteaux de leurs portes. Le Ha’Hida explique que si les nations ont trébuché et sont tombées, c’est parce qu’elles n’ont pas accompli ces mitswoth par amour pour D-ieu. De plus, elles les ont accomplies dans le sens inverse : comme on le sait, on met d’abord les téfilines de la main, ensuite celles de la tête.
 
On peut se demander comment les nations du monde osent se présenter devant le Saint, béni soit-Il, dans ces circonstances et en particulier le Jour du Jugement saint et redoutable. Comment ont-elles l’audace de se déguiser ainsi en Tsadiqim ?
 
Les nations du monde
 
Nos Sages enseignent d’autre part (ibid. 2b), que les nations du monde se plaignirent devant D-ieu : “Pourquoi ne nous as-Tu pas menacé de nous enterrer sous la montagne si on n’acceptait pas la Tora comme Tu l’as fait pour Ton peuple ?” Le Saint, béni soit-Il, leur répondit alors : “J’ai une mitswa facile pour vous et elle porte le nom de Souka” (ibid. 3a).
 
Ces nations construisirent alors une souka, mais l’Éternel leur envoya un soleil brûlant et elles en sortirent en lui donnant un coup de pied. Pourquoi le Saint, béni soit-Il, ne les a mises à l’épreuve que par ce Précepte divin ? Pourquoi en fait ne les a-t-Il pas forcées comme Il l’a fait pour les enfants d’Israël ?
 
C’est que les juifs se représentent et gardent constamment à l’esprit la présence de D-ieu parmi eux. Ce qui leur permet de soumettre leur cœur, de s’effacer complètement devant Lui et de se conduire avec modestie. Si le Saint, béni soit-Il, les a menacés en élevant la montagne au-dessus d’eux, c’est pour qu’ils éprouvent la crainte et en arrivent à s’annuler et Le reconnaître en se Le représentant constamment et en proclamant : “Nous ferons, puis nous entendrons” (Exode 24:7). Ils montrent ainsi que ce sont des croyants, fils de croyants.
 
L’Éternel ne visait en somme que leur bien : celui qui veut se purifier reçoit l’aide du Ciel (Chabath 104a ; Yoma 38a). Nous pouvons illustrer ce fait par le cas du médecin qui prescrit un médicament pour un malade en danger qui refuse de le prendre. Que fait le médecin ? Il l’oblige à le prendre, car sa vie est en danger. Car, comme nous le savons, la Tora est un élixir de vie (Chabath 88b ; Ta’anith 7a).
 
Il n’en est pas de même chez les nations du monde qui n’ont pas de foi en l’Éternel. Contrairement aux enfants d’Israël, elles n’ont pas proclamé Nous ferons, puis nous entendrons. Elles ont au contraire demandé à D-ieu ce que contient la Tora avant de la recevoir ('AvodahZara 2:2 ; YalqoutChimoniYithro 286). Donc, si D-ieu leur a donné précisément la mitswa de la Souka comme épreuve, c’est parce que la Souka symbolise la foi (ZoharEmor 103a) sur laquelle le prophète ‘Habaqouq a fondé la Tora entière (Makoth 24a), comme il est écrit : “Le juste vivra par sa foi” ('Habaqouq 2:4). Et la foi n’est l’apanage que des juifs qui ont ce pouvoir de se représenter D-ieu devant eux afin de Le craindre.
 
Pour que l’homme ressente la présence du Saint, béni soit-Il, il lui faut des préparatifs très sérieux, il faut qu’il fasse preuve de modestie, comme nous l’avons vu plus haut; qu’il élimine totalement son orgueil, car “Tout cœur hautain est en horreur à l’Éternel” (Proverbes 16:5). Le Saint, béni soit-Il, ne peut pas cohabiter avec l’orgueilleux (Sota 5a).
 
L’homme doit donc ressembler au désert pour se conformer à la volonté de Son Créateur. Ce n’est qu’alors, que D-ieu pourra résider en lui et qu’il pourra réellement ressentir Son existence et arrivera à se Le représenter devant lui.
À quoi sert la prière de ceux qui, plein d’orgueil et de suffisance, se parent de leur tsitsith et de leur téfiline et viennent à la synagogue sans préparatifs antérieurs ? Leur prière est vide de toute substance : l’Éternel n’aspire qu’à la sincérité du cœur (Sanhédrin 106a). Il souhaite que nous extirpions totalement l’orgueil de notre cœur.
 
Reconnaître l'existence de D-ieu
 
Ces juifs sont venus à la synagogue sans ressentir l’existence du Saint, béni soit-Il. Ils se présenteront aussi devant Lui dans le monde futur parés de leur tsitsith et de leur téfiline, comme de leur vivant : sans préparatifs antérieurs. Ils ne se seront pas repentis de leurs péchés, ni représentés D-ieu devant eux. Les nations du monde les imiteront. Elles se présenteront devant le Saint, béni soit-Il, parées de leur tsitsith et de leur téfiline et prétendront que les juifs aussi se sont abstenus de ressentir la présence de Dieu dans leur cœur, ce qui fait allusion à une foi déficiente.
 
Sachons toutefois que les nations du monde n’ont pas accompli ces mitswoth pour se conformer à la volonté de D-ieu et c’est pourquoi elles porteront les téfiline à l’envers. Quant aux juifs, si de leur vivant ils ne se sont pas convenablement préparés, c’est parce que leur étude de la Tora était défaillante. Car s’ils avaient étudié la Tora avec assiduité et au prix de nombreux efforts, ils auraient certainement su devant qui ils se trouvaient (voir Testament de RabbiEliézerHaGadol 18). Ils ressentiront alors pourquoi “l’Éternel ton D-ieu, t’a choisi pour lui être un peuple élu…” (Deutéronome 7:6).
 
Ils n’auront cesse de rechercher le Saint, béni soit-Il, et Le trouveront toujours. Par quoi l’Éternel nous a-t-Il distingués de tous les peuples : par la Tora qu’Il nous a donnée (Bérakhoth 11b). Il (natan) nous l’a donnée par contrainte, comme nous l’avons vu plus haut, pour que nous ressentions davantage Son existence; pour que nous l’étudions assidûment (tanan) ; remarquons la similitude des termes “NaTaN” et “TaNaN”. Et en étudiant pour l’amour de la Tora, notre foi en Lui s’intensifiera, nous ne donnerons pas l’exemple aux nations du monde et nous cesserons de L’irriter en priant sans concentration, parés de nos tsitsith et de nos téfiline.
 
Que l’Éternel nous aide à nous engager dans l’étude assidue de la Tora pour l’amour même de l’étude. Notre foi s’intensifiera alors, et nous reconnaîtrons l’existence de l’Éternel dans le désert de Sinaï, c’est-à-dire en faisant preuve d’humilité et d’abnégation. Nous accéderons alors au niveau de : “Je fixe constamment mes regards sur le Seigneur.” Amen !

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