La ministre du sourire

Elle est l’épouse d’un des plus grands rabbins –et un des plus souriants- de notre génération ; et une femme spéciale en soi.

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Adi Aaron

Posté sur 05.04.21

Elle est l’épouse d’un des plus grands rabbins –et un des plus souriants- de notre génération ; et une femme spéciale en soi. La Rabbanite Myriam Arouch, la femme du Rav Chalom Arouch chelita, nous raconte comment elle a, en tant qu’élève du Beit Yaacov (école pour filles orthodoxe), accepté de se marier avec un jeune Hassid Breslev qui n’arrêtait pas de sourire… Elle nous donne aussi quelques bons conseils…

Cinq heures du matin, chez la famille Arouch à Jérusalem. La rabbanite a déjà dit ses bénédictions du matin, elle parle avec D.ieu. C’est son heure d’isolement quotidienne. « Je ne peux pas m’en passer, même pas un jour. C’est ma nourriture, sans Lui je ne peux pas vivre ma vie, » me dit-elle face à mon regard surpris. Quand je lui demande comment elle trouve le temps pour cela, toute une heure chaque jour –qui plus est de bon matin-, elle m’explique simplement que « c’est comme si tu demandais à quelqu’un comment il trouve le temps de manger. »

Elle est l’épouse du Rav Chalom Arouch, un des chefs de file du courant Breslev et dirigeant des institutions H’ut Chel Hessed (fil de bonté), auteur, notamment, du livre Le jardin de la foi et que l’on surnomme le « ministre du sourire ». La rabbanite dirige quant à elle le bureau de la Yechiva et donne des conférences dans différents endroits. Leur communauté de Jérusalem compte 170 familles, et le couple Arouch a 11 enfants.

La routine et la mer

Sa vie a commencé dans la ville qui ne s’arrête pas, loin de la communauté Breslev de Jérusalem. Née dans une famille « très laïque », tel qu’elle le définit, elle a grandi à Tel Aviv. « Mon quotidien était la routine, et puis la mer » se souvient-elle en souriant.

Malgré son éducation strictement laïque, elle a rejoint à l’âge de 10 ans l’école orthodoxe Beit Yaacov. « Ma grand-mère voulait que je sois dans une école religieuse. C’était une femme religieuse et très spéciale, on ne trouve plus de telles femmes de nos jours. Mes parents travaillaient dans les affaires, ils n’avaient pas beaucoup de temps et elle décida de me prendre sous son aile. Chez elle, j’ai reçu une autre éducation. La famille de mon père est moitié orthodoxe, moitié laïque, et les oncles et tantes religieux m’ont toujours tirée vers eux. Chez eux, je voyais des bonnes manières, les bougies de Chabat, et énormément de valeurs, » dit-elle.

« J’aimais beaucoup la Torah, et ce n’était pas facile car chez mes parents, il n’y avait pas ça. J’allais à l’école puis à la mer. Je vivais dans un conflit permanent, mais j’ai toujours dit que quand je me marierais, je respecterais tout. Je ne me souviens pas avoir jamais profané le Chabat. »

A l’âge des présentations, on lui proposa de rencontrer « un jeune homme du nom de Chalom Arouch, qui a fait téchouva (retour vers la religion) et étudie depuis un an déjà à la Yechiva. » C’était sa première présentation à l’âge de 17 ans et demi, et elle a épousé un des rabbins les plus souriants de cette génération.

En tant que diplômée du Beit Yaacov, n’aviez-vous pas des doutes quant à épouser un baal téchouva du courant Breslev ?

« J’avais des craintes par rapport à cette joie et tous ces sourires » avoue-t-elle, « il souriait beaucoup et c’était très inhabituel, les gens étaient très sérieux à l’époque. Aujourd’hui c’est différent, on comprend qu’il faut sourire, » dit-elle en repensant au sourire, à la joie et à la confiance que dégageait déjà son futur mari.

« J’ai toujours eu une attirance pour les fortes personnalités, pour les gens qui portent sur eux une certaine dignité, je voulais quelque chose de spécial, » continue-t-elle à expliquer cette rencontre unique.

Comment peut-on se réjouir autant ?

A l’époque, la rabbanite demanda conseil au grand kabbaliste de Jérusalem, le Rav Mordech’ai Sharabi zatsal, qui connaissait personnellement le jeune homme, « il voyait à travers les gens comme s’ils étaient transparents, » dit-elle. « Il m’a dit : Je vois que vous avez un bel avenir. Mariez-vous avec lui, vous aurez une vie bonne et heureuse. »

Malgré tout, elle hésitait encore. « Le Rav était très souriant, il étudiait et tout le monde disait du bien de lui, pourtant, cela m’effrayait quand même un peu, car je ne voyais pas les choses habituelles. Cette joie inutile, par exemple, je me demandais comment pouvait-on se réjouir autant, vouloir servir D.ieu plus que d’ordinaire, avoir la foi que D.ieu nous donne notre subsistance. Tout ça m’était difficile. »

Mais vous avez accepté, finalement.

« Oui parce que quand c’est ton zivoug (ta moitié), quelque chose te pousse, tu ne sais pas ce qui t’arrive, il y a quelqu’un qui te pousse d’en haut. »

L’heureux couple se maria dans la joie et il semble que la bénédiction du Rav Sharabi se soit fidèlement réalisée. La rabbanite se souvient particulièrement d’un soir, après leur mariage, où le Rav Arouch se rendit chez le Rav Sharabi pour lui demander un conseil.

Après avoir donné sa réponse et sa bénédiction, le kabbaliste demanda au Rav Arouch de rester étudier avec lui toute la nuit. « Il lui dit d’ouvrir le Likoutey Moharan (livre de Rabbi Nah’man de Breslev) et de lui lire jusqu’au matin. Au petit matin, il lui donna sa kippa en cadeau. » La rabbanite raconte que c’était une kippa magique, et que quand elle acheva sa mission chez eux, elle disparut.

Vous avez 11 enfants. Le Rav Arouch, votre mari, est très occupé à diriger la Yechiva et se déplace presque tous les soirs pour donner des cours dans différents endroits. Comment réussissez-vous à gérer ?

« Si j’en avais, moi aussi, la possibilité, je ferais de même. » Répond calmement la rabbanite comme si elle ne comprenait pas le sens de ma question. « Je suis très satisfaite de tout cela, je suis pour. On ne peut pas avoir la Torah sans bonnes manières, sans rapprocher le peuple d’Israël. On ne peut pas proclamer « Je suis d’accord, je suis-là, j’ai fondé mon foyer, » et c’est tout. Comment atteindre le peuple ? En Israël il y a environ 3 millions de juifs. Si j’avais 1000 soldats disciplinés, j’irais rendre visite à tous. Chaque jour, deux-trois heures, taper à la porte de chaque maison, distribuer le livre Le jardin de la foi, et en peu de temps, pas une personne n’ignorerait ce qu’être juif signifie. »

Cette manière de partager avec les autres et de rapprocher les cœurs s’applique aussi dans leur Yechiva. « Ils étudient la Torah le nombre d’heures qu’il faut, puis on leur dit de sortir voir les gens, d’aller distribuer des livres. » 

Une question à l’approche de Pourim, comment une femme peut-elle mériter d’être dans la joie ?

« Tout d’abord, il faut savoir que la joie demande du travail, et que la plupart des maux viennent d’un manque de joie, et le mal principal vient de ce qu’on a même honte d’évoquer : la déprime. Il faut demander tous les jours à Hachem, béni soit-Il, qu’Il t’apporte de la joie, chercher des choses réjouissantes, faire le point sur soi-même chaque jour et écrire combien de bonnes choses le Seigneur a fait pour toi aujourd’hui : voir le bon côté. »

« Quand vient la fin de la vie conjugale ? Quand une femme ne voit pas les bons côtés de son mari. Mais lorsque la femme voit les bons côtés et remercie son mari, c’est en cela que celui-ci puise sa force : en sa femme, » la rabbanite nous fait part de sa riche expérience avec des couples brouillés qu’elle et son mari ont réconciliés. 

La rabbanite conseille de transformer chaque chose du quotidien en une expérience spirituelle : « Même en cuisinant ! Demander à Hachem que ça soit bon ! »

« A notre époque, c’est très dur d’être dans la joie. Ce n’est pas comme les anciennes générations qui se suffisaient de peu, aujourd’hui notre manque est spirituel, et la femme doit se remplir de spiritualité, c’est ce qui va la combler réellement. Si l’âme reçoit sa nourriture, le corps est beaucoup plus détendu. »

Quelle est la répartition des rôles dans votre maison ?

« Personne n’a de rôles, tout se fait naturellement, » plaisante-t-elle. Les enfants adorent les cours d’éducation de leur père. Le père est l’éducateur, la mère est plus pratique. »

L’orchestre du roi

Plusieurs fois par an, la rabbanite se rend à Ouman avec des groupes organisés. « D’année en année, de plus en plus de gens voyagent à Ouman, et ce toute l’année, même en hiver. Avant, c’était une honte d’être Breslev, aujourd’hui c’est une fierté. Tous les jeunes sont fous de Breslev. Rabbi Nah’man est comme un aimant. Au début, l’attirance est forte, mais par la suite c’est un gros travail : être dans la joie, juger l’autre positivement… Ce n’est pas facile. »

Contrairement à ce qu’on pourrait penser, le Rav Arouch et sa femme sont influencés par beaucoup de courant du judaïsme, pas seulement Breslev. Au début de sa téchouva, le Rav lui-même avait étudié dans une Yechiva lituanienne à Jérusalem et avant cela, avec le Rav Ginzburg chez les Chabad. « Jusqu'à aujourd’hui, nous recevons des enseignements de tout le monde, pas uniquement de Breslev. » C’est exactement comme le conte de « l’orchestre du roi », que la rabbanite me raconte vers la fin de l’interview. « Il y a l’infanterie, le corps blindé, la chorale, mais nous sommes tous serviteurs du roi. »

« Il en va de même en politique, » la rabbanite lance-t-elle en guise de dernier conseil, « si tous les partis religieux s’unissaient, nous aurions beaucoup plus de mandats. Avant tout, D.ieu est Un. »
 
 
 
  

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