Entre l’idéal et le concret

Le stress menace de déborder comme une marmite sur le feu. Les millions d’excuses ne marchent pas vraiment. Il y a l’idéal, le concret et le nettoyage entre les deux.

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Sharon Rotter

Posté sur 31.03.22

Ça y est, le compteur est à zéro. Une semaine avant Pessah’ et je n’ai pas vraiment commencé mon nettoyage. Le stress augmente et menace de déborder comme une marmite sur le feu. Les millions d’excuses qui essaient de l’étouffer, de baisser le feu et de retrouver l’équilibre ne marchent pas vraiment. « Il y a tout juste quelques mois que nous avons déménagé », je me rappelle à moi-même.

« Tous les tris et le rangement sont derrière toi, il te reste juste à passer une bonne serpillère », je continue à essayer de contrôler la pression dans ma poitrine. Mais qui, mieux que moi, sait que ce n’est pas si simple avec des enfants en bas âge à la maison. Plusieurs semaines avant Pessah’, je remarque déjà les miettes de H’amets qui me provoquent de l’œil, dans des endroits pas logiques du tout ! « Qu’est-ce que tu fais là ? » questionnai-je une miette de gâteau dans la bibliothèque fermée des livres de Kodech. « Pourquoi es-tu ici, toi ? »

Difficile de comprendre la présence d’un bretzel dans l’armoire à pharmacie ! « Mais comment je vais faire, pour vous trouver toutes dans la mer de choses que j’ai à la maison !? » Mon cri désespéré s’élève dans les airs. Je commence à ressentir la frustration qui monte en moi. « Bon, en avant, arrête de pleurnicher et commence à nettoyer ». Je m’encourage. Pour commencer, je décide de m’attaquer à la zone la plus difficile, une de celles que j’essaie de ne pas toucher toute l’année : le four. Ni une ni deux, je mets des gants, un masque sur mon visage, je dégaine mon decap’ four et, au summum de la motivation, je me mets au travail. « Ouinnnnnn, Ouinnnnnnnn », le bébé se met à pleurer dans la chambre. J’essaie de ne pas faire attention et de profiter de ma vague de motivation pour m’attaquer à ce four rebelle,

Bon, je ne suis pas une sans-cœur, il n’a que deux mois, un petit bébé sans défense qui a besoin de moi. Je retire les gants, me lave les mains et prends ce petit amour dans mes bras pour le calmer. Lorsque j’ai l’impression qu’il s’endort, je quitte la chambre à pas de velours, dans l’espoir de pouvoir au moins faire le four, et puis quelques placards si possible. Je remets mes gants et fusille ma cible du regard. « Ouiiiiinnnnnnn ! » Retentit la plainte perçante, et je commence un peu à m’énerver.

A ce stade, une seule chose peut m’aider : « Mon D.ieu ! Quoi faire ? Tu ne veux pas que je nettoie pour Pessah’ ? » Je m’adresse au Créateur, quelque peu ironique. Une heure est passée depuis que je me suis lancée, et je n’ai toujours pas avancé. Dans ma tête, je m’étais dis que j’aurais déjà dû faire quelques placards et une partie du four, mais la réalité dépasse la fiction… Pendant ce temps, je sens que je perds ma motivation. Le temps passe et je n’ai même pas encore préparé le repas de midi pour les enfants et les piles de linges m’appellent, elles aussi.

La maison réclame son dû dans les tâches courantes et ne me laisse pas de répit pour m’attaquer à Pessah’, mais de toutes façons, je ne parviens pas vraiment à gérer ces derniers temps. Je décide de passer à autre chose, à quelque chose de plus facile, mais je m’attarde avec la voisine qui frappe à la porte.

Et voilà encore un jour qui passe et, encore une fois, je n’ai pas vraiment réussi à avancer dans mon nettoyage. Je me sens encore plus déçue et la tristesse commence à s’insinuer vers mon cœur. Le soir venu, je me couche sur mon lit les yeux fermés et j’essaie d’analyser la cause de ma tristesse et de ma déception. Je comprends que le nettoyage de Pessah’ a un côté spirituel très dominant. Je comprends que ma déception vient essentiellement de l’écart qui sépare l’idéal du concret. Je remarque qu’au lieu d’être présente, ici et maintenant, je suis occupée à penser à ce qui manque, ou en fait, à ce qui me reste encore à faire. Ces écarts me mettent sous pression et me rendent insatisfaite.

Au lieu de me réjouir de mes efforts, de mes intentions, de ma volonté ou de ce que j’ai fait, je choisis de regarder ce qui manque. Ce sont les choses que je m’imagine et ma volonté d’être parfaite qui contrôlent mes pensées, alors que dans les faits, j’ai juste besoin de demander au Saint, béni soit-Il, de compléter tout ce que je n’ai pas réussi à faire. Eh oui ! Il faut absolument garder l’essentiel à l’esprit lorsqu’on nettoie pour Pessah’, c’est-à-dire le nettoyage du H’amets qu’on a en nous !

Il est donc formellement interdit de tomber dans la tristesse à cause du nettoyage. Ce n’est pas le but, c’est juste le mauvais penchant qui s’en prend à nous, c’est donc à nous d’en être conscients et de le neutraliser à chaque fois qu’il essaie de remonter à la surface. Nous savons tous très bien que la perfection n’existe pas.

Chacun fait ce qu’il peut, chacun selon ses possibilités. Et le plus important est d’être dans la joie et d’arriver au soir de Pessah’ en étant conscients d’avoir su garder à l’esprit l’essentiel, et surpasser le secondaire. Puissions-nous avoir le mérite de sortir de notre Egypte personnelle, d’une main haute et d’un bras puissant !

Traduit de l’hébreu par Carine Illouz

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