L’invité de minuit

Non, ce n’est pas un rêve : votre neveu, qui avait disparu de la circulation pendant des années, a décidé de profiter de votre hospitalité…

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le rabbin Lazer Brody

Posté sur 15.09.22

Edelman, le directeur d’une école de quartier, a une belle maison sur la côte du New Jersey, pas plus de cinq minutes à pieds de la plage. Il se couche tôt tous les soirs, car il se lève tous les jours à 5:30 du matin. Il est toujours le premier à arriver à l’école, avant ses employés ou ses élèves les plus matinaux. A cheval sur les détails, Edelman est très ponctuel et respecte à la lettre son emploi du temps. Il n’aime pas mélanger ce qui concerne l’école avec les loisirs et inversement ; il a des intervalles de temps bien distincts pour tout. Et le pire de tout, il n’aime pas les surprises au milieu de la nuit, surtout pas à 1:13 du matin.

Au début, il pensait entendre frapper à la porte dans son rêve. Puisque les coups persistaient, il ouvrit des yeux injectés de sang et réalisa que c’était pour de vrai. Il mit ses pantoufles et se rendit à la porte d’entrée. Devant lui, en chair et en os, se tenait son insouciant neveu, un bon vivant, le roi du ballon de basket, fraichement diplômé d’une grande université.

« Ben dis bonjour, oncle Nat ! Comment va ? »

« Chuck, c’est toi ? » Balbutia le directeur, désorienté, pas habitué à ce genre de réveils nocturnes.

« Oui tonton ! C’est bien moi ! Un beau blond, juste devant ta porte d’entrée ! »

« Mais qu’est-ce que tu veux, Chuck ? Ta mère ne m’a pas dit que tu venais. » Edelman ne supportait pas les imprévus. SI quelque chose n’apparaissait pas sur son calendrier, pour lui, ça n’existait pas. Et une surprise comme celle-là, au beau milieu de la nuit, n’était rien d’autre que du culot !

« Maman ne sait pas que je suis là. J’avais envie de respirer un peu l’air marin, alors j’ai sauté dans un vol de Denver pour Newmark. En plus, ça fait toute une année que je ne t’ai pas vu ! Oncle Nat ! Tu n’as pas l’air content de me voir. Profite tant que je suis là, je ne reste qu’une semaine… »

Edelman toussa soudain. « Une semaine », se dit-il. « Je vais devoir faire avec ce grand dadais irresponsable pendant toute une semaine… »

Chuck ne se fit pas prier. Il fit irruption dans la maison avec sa valise, sa planche de surf et tout le reste, et laissa tout tomber sur le plancher du salon.

« Que dirais-tu d’un café avec des œufs et du pain grillé, oncle Nat ? Je suis affamé. »

A contrecœur, tel un serviteur engagé pour répondre à tous les caprices de son neveu, Edelman se dirigea vers la cuisine et se mit à préparer un repas pour le fils ainé de sa sœur. Tout ce qu’il avait en tête, c’était son sommeil interrompu et son emploi-du-temps chamboulé. Il s’imaginait comment il allait se lever, épuisé, et se disait que toute sa journée serait fichue. Après tout, depuis quand son neveu s’intéressait-il à lui ? Si ce n’était pas pour la plage et le surf –deux choses que son neveu n’avait pas à Denver-, il ne serait jamais venu.

Il aurait pu s’y attendre, ce n’était pas la première fois que Chuck le surprenait la première semaine de septembre. Il ne reprenait pas les cours avant le 15. Mais l’année scolaire d’Edelman, elle, avait déjà commencé. Et avec tous les défis que cela impliquait, les nouveaux employés, les nouveaux élèves ; Chuck se pointait, comme un cheveu sur la soupe !

« Chuck se fiche pas mal de moi, » se disait Edelman en préparant les œufs brouillés. « Tout ce qui l’intéresse, c’est un bon lit chaud et une semaine à la plage. Je n’ai aucune nouvelle de lui pendant toute l’année, même pas un petit mail ou un sms qui dirait « Oncle Nat, tu es encore vivant ? » Rien, nada, niet. Mais maintenant, je suis le Hilton avec toutes les commodités. »

***

Comment vous sentiriez-vous à la place d’Edelman ? Qu’on profite de vous ? C’est une sensation horrible, personne n’aime se sentir utilisé.

Serions-nous une nation de Chucks ? Ne nous comportons-nous pas comme lui ? Une fois par an, pour les fêtes, nous frappons à la porte d’Hachem en demandant une bonne vie et un ticket-repas annuel. La Torah dit que nous sommes tous les enfants bien-aimés d’Hachem. Est-ce la façon dont un fils ou une fille se comporte envers son père ?

Peut-être vous dites-vous que cela ne vous concerne pas puisque vous faites Chabat, mangez Cacher et allez à la synagogue toute l’année.

Mais est-ce que vous appelez Hachem tous les jours ?
Même avec les 29 jours du mois d’Eloul dont nous disposons pour nous préparer à Roch Hachana, comment pouvons-nous rectifier les fautes commises en Tevet ou en H’echvan ? Qui s’en rappelle seulement ? C’est pour cela que nous avons des problèmes dans la vie, parce que nous ne nettoyons pas notre âme au quotidien de toute la crasse spirituelle accumulée tout au long de l’année. Dans la chaleur des mois d’été, un jour ne passe pas sans une bonne douche ; une âme n’en mérite-t-elle pas autant ?

Une heure de prière personnelle, c’est comme un spa pour l’âme.

Le mois d’Eloul est une opportunité de prendre un nouveau départ. C’est le bon moment de nous nettoyer en faisant chaque jour le point sur nous-mêmes et par la prière personnelle ; c’est aussi une excellente occasion de travailler sur notre relation avec Hachem. Alors ne soyons pas ce genre d’amis qui ne viennent que pour les beaux jours, une fois par an, quand les vagues sont bonnes. Incluons la prière personnelle dans notre emploi du temps quotidien en Eloul. Ceux qui le feront peuvent s’attendre au meilleur Roch Hachana de leur vie et à un agréable nouveau départ.

Traduit de l’anglais par Carine Illouz

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