Pessa’h : rêve ou cauchemar ?
Quand il s’agit de déballer les verres en porcelaine de la vaisselle de Pessah, nous sommes tous extrêmement précautionneux… Et avec l’âme de nos enfants ?
Je marchais tranquillement dans la rue lorsqu’un jeune homme au regard noir m’approcha. Il portait un bonnet de ski noir, un jean serré et une veste en cuir noire. Son regard était dur, comme s’il cherchait les ennuis. Il avait l’air de sortir d’un de ces gangs menaçants du Bronx ou de Brooklyn. Il venait droit sur moi, peut-être se disait-il que le vieil homme à la barbe blanche et au long manteau noir (moi !) serait une proie facile ; tout du moins, c’était le scenario qui défilait dans ma tête. Instinctivement, mon esprit se mit à élaborer des plans d’urgence : s’il sort un couteau de sa main droite, je ferai telle ou telle chose, si c’est un coup de poing, j’essaierai de…
Quand il ne fut plus qu’à quelques mètres de moi, son regard s’adoucit. Il avait un accent Yiddish très prononcé, c’était la dernière chose à laquelle je m’attendais, vu son apparence. « Rabbi Lazer, j’ai entendu que vous étiez de passage. Mon nom est Yankie, je suis un ami de Mendy, vous savez, un des jeunes de Williamsburg qui avait tout lâché, jusqu’à ce qu’il rencontre le Rav Arouch, et vous… Vous avez une minute ? »
Une fois mon taux d’adrénaline, qui était en alerte rouge, redescendu, je répondis : « Bien entendu ! » Yankie, formellement appelé Yaacov, avait forcément besoin d’aide. J’avais le sentiment qu’HaChem m’avait envoyé aux Etats-Unis juste pour lui. Il s’avéra qu’il était le fils d’un grand Hassid de Williamsburg, une famille respectée de grands rabbins.
« Bien sûr, Yankie ! Joins-toi à moi ! » Mon esprit fit un switch instantané du mode « Attention, danger ! » à un mode d’écoute empathique, bien plus agréable. Puisque j’étais en plein milieu d’une session de prière personnelle en ce beau matin d’hiver ensoleillé, je dis en mon cœur « Pardonne-moi HaChem, Tu m’as envoyé cette âme, de toute évidence, spéciale. Nous reprendrons notre conversation plus tard… »
Je donnai toute mon attention à Yankie. Il se lança dans un monologue long et alarmant. Chacun de ses souvenirs d’enfance associés à la religion était pénible.
« Rabbi, je déteste Pessa’h. Ma mère me criait dessus non-stop. Je détestais monter les cartons de la vaisselle de Pessa’h de la cave. Les caves, à Brooklyn, sont sombres et pleines de rats. J’avais huit ans et mon père me frappait si je ne montais pas les cartons. J’avais une peur bleue à l’idée de descendre à la cave tout seul, mais il s’en fichait. Pourquoi personne ne me comprenait-il ? Ah oui, et quand j’avais douze ans, juste avant la fête, mon père a trouvé dans ma chambre un morceau de chewing-gum qui n’était pas Cacher pour Pessa’h, je me suis fait “descendre”, et il m’a fouetté avec sa ceinture. On aurait dit qu’il était de la brigade des Narcotiques et qu’il venait de m’attraper avec un million de dollars de cocaïne. Je détestais Pessa’h et je détestais la religion. Je n’attendais qu’une chose : être assez grand pour tout balancer, et c’est ce que j’ai fait à mon seizième anniversaire. »
Durant les six ou sept dernières années, Yankie avait partagé un appartement avec quatre autres jeunes gens, exactement comme lui, faisant toutes sortes de boulots pendant la journée, et la fête la nuit. Et lorsqu’un jeune Hassid de Brooklyn « quitte la voie », il tombe bas, comme peuvent en témoigner les danseuses des boites de nuit du sud de Brooklyn.
Je donnai à Yankie deux disques sur la foi que j’avais justement dans la poche intérieure de ma parka, un sur comment le Judaïsme est la joie, un autre sur la façon dont HaChem aime chacun d’entre nous. Depuis, je n’ai pas eu de ses nouvelles, mais j’espère qu’il trouvera son propre chemin pour revenir vers HaChem.
Pourquoi HaChem m’a-t-Il fait rencontrer Yankie ? C’est une évidence : pour que je puisse écrire cet article…
Mais en toute sincérité, n’avons-nous pas tous quelque chose en commun avec le père et la mère de Yankee ? Beaucoup d’entre nous oublions la signification de Pessa’h : la joie et la liberté, pour laisser le stress prendre la place ? Devons-nous sacrifier les âmes de nos enfants au nom d’une maison devenu un musée Cachère pour Pessa’h ?
La colère, en particulier celle qu’on a pour nos proches, est la pire forme de ‘Hamets (le pain au levain et ses dérivés, interdits durant la fête de Pessah). Le ‘Hamets dans les placards est bien plus facile à nettoyer que celui qu’on a dans le cœur.
Pessa’h devrait être un rêve d’enfant, l’histoire révélatrice de notre sortie d’Egypte, les quatre questions, et un cadeau particulier après les efforts fournis pour dérober ce petit morceau de matsa, l’afikomen, sans lequel papa ne peut terminer le Seder. Mais dès qu’on change la joie du judaïsme en un rituel cauchemardesque, D.ieu préserve, nous en éloignons nos enfants de nos propres mains.
Le Judaïsme, c’est la joie, donc si ce n’est pas joyeux, ce n’est pas du judaïsme.
Ne transformons pas Pessah’, ne le faisons pas passer du rêve au cauchemar. Si nous voulons que nos enfants aiment la fête, nous devons en faire une expérience agréable pour eux. Nous sommes tous tellement précautionneux quand il s’agit de déballer la vaisselle de Pessa’h, agissons de même avec les âmes de nos chers enfants.
Joyeuses fêtes de Pessa’h !
Traduit de l’anglais par Carine Illouz
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