Bo- Lorsque le cœur s’endurcit
Nous savons que les serviteurs étaient d’accord pour libérer les enfants d’Israël, mais Pharaon endurcit son cœur et refusa de le faire…
De nombreuses questions se posent à propos du commentaire du Zohar sur le verset : “L’Éternel dit à Moïse : ‘Rends-toi chez Pharaon, car j’ai endurci son cœur’” (Exode 10:1).
Le Zohar explique : Le Saint, béni soit-Il, dit à Moïse: “Rendons-nous tous deux, toi et Moi, chez Pharaon.”
1) Pourquoi n’est-ce que maintenant que D-ieu propose à Moïse de l’accompagner dans sa mission ? Est-ce que D-ieu n’était-Il pas avec lui dans les missions précédentes ?
2) Concernant la locution “pour faire éclater (chiti) mes signes au milieu d’eux”, le Ba’al Hatourim explique que “chiti ” fait allusion aux “chté ” (deux plaies) : celle des sauterelles et celle des ténèbres. Or, il s’agit de trois plaies (celle des premiers-nés d’Egypte n’avait pas encore eu lieu).
3) Pourquoi la suite du verset : “Afin que tu racontes à ton fils, et au fils de ton fils, comment j’ai traité les égyptiens” (id. 2) ne concerne-t-elle que ces deux plaies et non les plaies qui leur précédèrent ? Étaient-elles moins dignes d’intérêt ?
4) Les serviteurs de Pharaon disent à leur maître : “Jusqu’à quand cet homme nous portera-t-il malheur ? Ignores-tu encore que l’Égypte est ruinée ?” (id. 10:7). Moïse et Aharon furent rappelés auprès de Pharaon qui leur dit : “Allez servir l’Éternel, votre D-ieu. Quels sont ceux qui iront ?” (id. 8) “Et on les chassa de devant Pharaon” (id. 11). Or, nous savons que les serviteurs étaient d’accord pour libérer les enfants d’Israël, mais Pharaon endurcit son cœur et refusa de le faire.
Le verset stipule d’autre part que c’est l’Éternel qui endurcit le cœur de Pharaon et celui de ses serviteurs. Or, nous voyons dans la réalité que les serviteurs avaient peur et ne laissèrent en aucun cas leur cœur s’endurcir ?
5) Nous en arrivons à la question essentielle : pourquoi en fait l’Éternel endurcit-Il le cœur de Pharaon et lui refusa-t-Il l’exercice du libre arbitre ?
On pourrait répondre que dans son for intérieur, Pharaon n’était pas prêt à libérer les enfants d’Israël, et s’il les renvoya, c’est à contrecœur, à cause des plaies qui s’abattirent sur lui. L’Éternel, alors, endurcit son cœur. Dans ce cas, on ne peut pas parler de sanctification du Nom de D-ieu chez les égyptiens, comme il est écrit : “Le pays est ruiné.” En d’autres termes, ils ne prenaient en considération que l’intérêt de leur pays, et en leur for intérieur, restaient impies (cf. Or Ha’haïm, ad. loc.).
Quoi qu’il en soit, même après tous les miracles auxquels ils avaient assisté sur la Mer Rouge, les égyptiens n’abandonnèrent pas leur idolâtrie. Pourquoi alors l’Éternel endurcit-Il le cœur de Pharaon et l’incita-t-Il à poursuivre les enfants d’Israël, comme il est écrit (id. 14:4) : “Et Je raffermirai le cœur de Pharaon et il les poursuivra; puis J’accablerai de Ma puissance Pharaon avec toute son armée.” Étaient-ce donc les biens des égyptiens que D-ieu voulait donner aux enfants d’Israël ? Dans ce cas l’Éternel aurait pu suggérer à Pharaon de les leur livrer sans avoir besoin d’endurcir son cœur.
D-ieu voulait-Il glorifier Son nom au milieu des égyptiens, comme l’explique Rachi (loc. cit.). Il avait déjà été glorifié lors de la plaie des premiers-nés d’Égypte (Mekhilta, Exode chap.1). En effet, les enfants d’Israël avaient déjà reçu des cadeaux, comme il est écrit : “Prenez votre menu et votre gros bétail” (id. 12:32). Pharaon lui-même y contribua comme ils le lui avaient demandé: “Ils demandèrent aux égyptiens des vases d’argent, des vases d’or, et des vêtements.
L’Éternel avait inspiré pour ce peuple de la bienveillance de la part des égyptiens qui répondirent à leurs exigences» (id. 35)… La question reste donc posée : pourquoi l’Éternel avait-Il besoin d’endurcir le cœur de Pharaon ?
C’est que les dernières plaies s’aggravaient et constituaient un danger pour les enfants d’Israël. Car, bien que D-ieu les eût enrichis, ils ne Lui manifestèrent aucune reconnaissance ; ils formulèrent même le désir de rester en Égypte. Aussi, D-ieu châtia-t-Il les mécréants lors de la plaie des ténèbres : seul un cinquième des enfants d’Israël sortit d’Égypte : le reste y périt (Mekhilta Chémoth 13:18).
Moïse également courait un danger de la part des mécréants aussi bien que des égyptiens. Complètement désemparés et se sachant condamnés, ces derniers étaient capables de le tuer.
Ainsi, Pharaon était prêt à tuer Moïse quand il lui dit : “Sors de devant moi ! Garde-toi de reparaître à ma vue, car le jour où tu verras mon visage, tu mourras” (Exode 10:28). De plus, D-ieu endurcit davantage le cœur de Pharaon et renforça sa haine des hébreux, bien que les égyptiens eussent reconnu la grandeur de D-ieu.
C’est pourquoi D-ieu dut dire à Moïse : “Rendons-nous ensemble chez Pharaon, car les deux prochaines plaies (les sauterelles et celle des premiers-nés) constituent un danger pour toi. Les égyptiens savent que leur pays est perdu et c’est toi seul qui cours des risques, puisqu’ils n’ont rien à perdre, et de plus J’ai endurci leur cœur. Tu as par conséquent besoin de l’assistance divine. Les enfants d’Israël en seront conscients. Je leur suggérerai d’entrer chez les égyptiens en ces jours de ténèbres pour voir les trésors qu’ils cachent.”
Et c’est ce qu’ils firent “parce qu’il y avait de la lumière là où ils demeuraient (et allaient)” (id. 10:23), comme le rapportent nos Sages (Yalqouth Chimoni, Chémoth 186). Tout le monde saura alors que c’est ainsi que l’Éternel châtia les enfants d’Israël pour leur conduite inconvenable… ainsi que les égyptiens.
“Rends-toi chez Pharaon (Par’oh)…” Par’oh vient du mot “pira’on”, le paiement. Ainsi, D-ieu devait faire payer les enfants d’Israël et les égyptiens.
“Pour faire éclater mes (deux) signes au milieu d’eux. Il s’agit des deux plaies, celle des sauterelles et celle des premiers-nés, qui ne se sont abattus que sur les égyptiens. D-ieu ne mentionna pas la plaie des ténèbres, parce que les enfants d’Israël étaient également susceptibles d’en souffrir. Ainsi D-ieu ne fit éclater ces deux signes qu’au milieu des égyptiens (et pas chez les hébreux).
L’Éternel agit de la sorte pour faire comprendre aux enfants d’Israël que “s’ils n’empruntent pas la Voie divine, Je les châtie.” C’est ainsi que durant la plaie des ténèbres ils enterrèrent leurs nombreux morts, à l’insu des égyptiens. Ainsi ils ne pouvaient prétendre que D-ieu “fit éclater ses signes au milieu” des enfants d’Israël aussi. D’ailleurs, même à l’issue de cette plaie, ils ne se rendirent pas compte que les quatre cinquièmes des enfants d’Israël avaient péri. Encore un miracle !
Nous pouvons maintenant comprendre pourquoi D-ieu endurcit le cœur de Pharaon et le priva de son exercice du libre arbitre : c’est que D-ieu juge “mesure pour mesure” (Chabath 105b ; Nédarim 32a). Il avait dit à Avraham : “Mais aussi, la nation qu’ils serviront sera jugée par Moi, et alors ils la quitteront avec de grandes richesses (Genèse 15:14). Certes, c’est D-ieu qui décréta l’asservissement des enfants d’Israël en Égypte, mais les égyptiens les traitèrent avec trop de cruauté.
C’est pourquoi D-ieu les châtia en les privant de l’exercice du libre arbitre et en endurcissant leur cœur. Cela accrut considérablement leur haine à l’égard des enfants d’Israël, comme il est écrit : “Ils nous lapideront si nous offrons devant leurs yeux des sacrifices qui sont en abomination chez les égyptiens” (Exode 8:22). On peut également expliquer ainsi l’interprétation du Zohar à propos du verset : “Rendons-nous tous deux chez Pharaon, car l’Assistance divine est indispensable.
Les Sages ont conseillé à l’homme de se servir du penchant du bien pour irriter le penchant du mal : “S’il en triomphe, c’est bien ; sinon il doit étudier assidûment la Tora ; s’il réussit, c’est bien, sinon qu’il lise le Chéma’ ; si la récitation du Chéma’ suffit, c’est bien; sinon qu’il se rappelle le jour de la mort” (Bérakhoth 5a).
Le penchant du mal n’est autre que Pharaon. Pour le vaincre, l’homme doit ressentir la nécessité de l’Assistance divine (“toi et Moi”). Sans l’aide de D-ieu, personne ne peut le vaincre, comme l’enseignent nos Sages (Qidouchine 30b).
Mais il arrive souvent que, malgré l’étude assidue de la Tora, la récitation de prières et l’invocation du Créateur, l’homme n’arrive pas à vaincre le mauvais penchant. Qu’il sache alors que “c’est Moi qui ai endurci son cœur.” La récompense en sera d’autant plus grande.
Si l’homme n’arrive pas à vaincre le penchant du mal, D-ieu met à sa disposition des signes, les “plaies” :
La première, ARBeH (qui rappelle la profusion des sauterelles) : l’étude intensive (HaRBeH ) de la Tora. La seconde ’hochekh, (qui rappelle l’obscurité) : la récitation du Chéma’ pendant la nuit. Et s’il n’y arrive pas par ces deux moyens, il lui reste la plaie des premiers-nés d’Égypte, qui rappelle à l’homme la mort.
L’homme ne doit donc pas être effrayé par le mauvais penchant, il doit lui livrer une bataille perpétuelle et avec l’aide de D-ieu, il le vaincra par l’étude assidue de la Tora, l’émouna (la foi) sincère et l’attachement à son Créateur. Il accédera de la sorte à la perfection.
“Rendons-nous — BO — chez Pharaon.” Le O (aleph) de BO, c’est le aleph de Ani, Moi, D-ieu. Le beth de BO, c’est le deuxième (beth a pour valeur numérique 2), c’est-à-dire “avec toi, Je viens avec toi.”
Pharaon, c’est le mauvais penchant. Les Tsadiqim qui se seront efforcés de le vaincre, seront récompensés dans ce monde-ci comme dans le monde futur.
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