L’exil et la colombe
Si la vie en exil nous a appris quelque chose, c'est qu'il est possible d'être juif, tout en s'alimentant de la nourriture douce de la main de l'homme. Le succès nous a sourit !
Signification de la colombe et du rameau d’olivier
“Il attendit encore sept autres jours et renvoya de nouveau la colombe de l’arche. La colombe revint vers lui sur le soir, tenant dans son bec une feuille d’olivier fraîche.” (Béréchith 8:10-11)
“dans son bec” – comme si la colombe désirait dire : “Je préfère que ma nourriture soit amère comme une olive – mais de la main de D-ieu – plutôt que douce comme le miel – mais de la main de l’homme.” (Rachi)
Il n’est pas simple – a priori – de comprendre l’intention du Midrach en expliquant ce verset de la sorte. Celui-ci aurait pu être expliqué selon son sens simple. Cependant, lorsque nous savons que le colombe symbolise la nation juive…
“Qu’a donc de tellement unique la colombe que le peuple d’Israël soit comparé à elle ?” Le Talmud de répondre : “Ceci ressemble à ce qui est écrit dans le verset (Téhilim 68:14) : ‘Ailes de la colombe, plaquées d’argent, dont les pennes ont la couleur éclatante de l’or fin.’ De la même façon que la colombe est sauvée grâce à ses plumes, Israël l’est uniquement grâce à ses mitswoth.” (Chabath 53b)
Ainsi, l’intention du Midrach s’éclaircit, tout comme la profondeur du message au peuple juif, particulièrement lorsque nous trouvons un lien profond entre la colombe et l’exil :
“Il attendit encore sept autres jours et renvoya de nouveau la colombe…”
“En exil parmi les grecs qui assombrirent le visage des juifs.”
“La colombe revint vers lui sur le soir, tenant dans son bec une feuille d’olivier fraîche.”
“Si D-ieu n’avait pas fait comprendre aux sages qu’il fallait allumer les lumières avec l’huile d’olive, le restant de Yéhouda aurait été perdu pour toujours.”
“Une feuille d’olivier fraîche.”
“Dès l’instant où la feuille fut arrachée pas son bec, “vingt-cinq” devait résider avec le peuple juif : le vingt-cinq du mois de kislev.” (Tiqouné Zohar 13)
Le peuple juif est comparé à une colombe
Pour quelle raison le peuple juif est-il comparé à une colombe ?
Lorsque Noé était dans l’arche, la colombe revint vers lui avec une feuille d’olivier. D-ieu dit : “De la même façon que la colombe amena la lumière dans le monde, vous aussi (le peuple juif) amènerez l’huile d’olive et l’allumerez devant Moi.” (Tan’houma Tétsavé 5)
Il existe de nombreux concepts et idées qu’un juif est supposé accepter et se répéter, par exemple : “Tout est pour le bien !” Cependant, grâce à ce Midrach et à la colombe, nous pouvons maintenant ajouter à cette liste une idée supplémentaire qui, en fin de compte, représente l’idée la plus fidèle de la signification d’appartenance au peuple juif :
“Je préfère que ma nourriture soit amère comme une olive – mais de la main de D-ieu – plutôt que douce comme le miel – mais de la main de l’homme.”
Une idée importante fait partie intégrante à cette déclaration : la conviction que rien n’existe de meilleur dans la vie qu’une relation étroite avec D-ieu. C’est pour cette relation que nous sommes prêts à sacrifier toutes les civilités de la vie physique. Cela est possible si nous sommes persuadés de l’aspect passager des plaisirs physiques – ce qui est également le cas de la vie physique elle-même – et que ce monde laissera un jour la place à un monde plus spirituel et qui sera éternel. Enfin, une dernière idée sous-jacente est qu’il vaut la peine d’attendre ce monde futur.
Si la vie en exil nous a appris quelque chose, c’est qu’il est possible d’être juif, et même religieux, tout en s’alimentant de la nourriture douce de la main de l’homme. En d’autres termes, le succès nous a sourit ! Nous sommes considérés les égaux de nos compatriotes non juifs et les différences s’estompent entre “eux” et “nous”. Notre niveau de vie a énormément progressé – comme le leur – et même parmi les cercles religieux, on se vante de pouvoir être comparé aux autres : nos salaires sont les mêmes !
Cependant, les bras ouverts viennent avec un prix élevé : un désir de vivre une vie sans que D-ieu s’immisce d’une façon évidente dans nos affaires. Il est exact que la liberté de religion existe en France, mais ceux qui y résident préfèrent le plus souvent l’oublier ! De fait, ceux qui décident de se rapprocher de D-ieu ressentent la plupart du temps le besoin de quitter le pays aux 300 fromages.
La vie en Eretz Israël est différente de celle qu’il est possible de vivre ailleurs sur le globe. Les bons restaurants et les bons fromagers ne courent pas les rues ! C’est pour cela qu’on ne vient pas vivre en Terre sainte en raison de sa bonne cuisine. Les hôtels n’offrent pas toujours le luxe auquel nous sommes habitués en Europe. Même les plages n’ont pas toujours le charme de celles de la Côte d’Azur.
La véritable nature d’Eretz Israël se révèle lorsqu’on se rend au Mur des lamentations : même les personnes qui ne sont pas religieuses s’y rendent afin de glisser leurs notes entre les fissures du mur ! Ces notes peuvent aussi être envoyées par fax et le peuple juif dans son ensemble ne s’en prive pas.
Tout cela lorsqu’on aurait pensé qu’il aurait été plus facile pour ces personnes de glisser leurs demandes dans les fissures des murs de leurs maisons de Montmartre ou de la Bonneveine !
Le meilleur produit d’Israël
Cela s’explique par le fait que presque tout le monde sait qu’Israël est connu pour une spécialité locale unique… et qu’il ne s’agit pas des oranges de Jaffa ! Plutôt, il s’agit de la Présence du Tout-Puissant. Il semble que presque le monde entier considère qu’Israël est la maison de D-ieu, Sa place unique – en quelque sorte – dans la création physique.
C’est sans doute pour cela que les personnes qui résident en Israël sont prêtes – au moins pour quelques temps – à consommer une alimentation qui a le plus souvent de la difficulté à se comparer au bœuf bourguignon, à la blanquette de veau ou aux profiteroles ! Cet effort de leur part est récompensé par autre chose : la conviction de recevoir sa nourriture directement de la main de D-ieu et de manger dans Son palace.
En tant que personne qui a vécu des deux côtés de l’océan – aux États-Unis et en Israël – je peux affirmer que vivre en Terre sainte vaut définitivement la peine. Certes, la “nourriture” (considérée comme symbole pour l’obtention de son gagne-pain) est souvent meilleure et plus abondante aux États-Unis. En Israël, vous entendrez rarement une personne s’exclamer : “As-tu vu la quantité de viande qui se trouve dans cette boucherie ? As-tu constaté la beauté de cette viande ?
Pourtant, en tant qu’individu qui adore ressentir tous les jours la Providence divine, je pense que la vie est peut-être plus douce – sous son aspect physique – du côté de New York, mais qu’elle ne tient cependant pas la comparaison avec la vie que j’ai en Eretz Israël. De plus, chaque soir, je n’ai pas l’impression d’aller réellement dormir : l’air est tellement chargé de vie et de vigueur spirituelle !
Ici, tout ce dont j’ai envie est de travailler sur mon rapprochement avec D-ieu, de répandre Sa Tora et de respirer les milliers d’années d’histoire du lieu où je vis.
Aux États-Unis, j’avais la belle vie, mais en fait, elle n’était pas aussi belle que cela.
En Israël, vous ne pouvez pas ignorer que vous êtes en exil. Vous pouvez le sentir. Il est possible d’analyser le monde juif et de le mettre en perspective : les divisions politiques, les dénonciations contre les religieux… Je vous entends déjà crier : “C’est exactement pour cela que je vis aux État-Unis (ou en France) !” Le plus terrible des exils est celui où on ne se voit plus en exil. Dans ce cas, cela signifie que la personne a perdu contact avec son destin juif et le futur brillant et qu’il promet.
Lorsque l’exil ne nous fait plus mal, alors, le besoin de chercher D-ieu a disparu. Nous savons tous où cela peut éventuellement nous mener : les paracha Be’houkotaï et Ki Tavo traitent de ce sujet. C’est précisément la raison pour laquelle nous prions – trois fois par jour – pour le rassemblement des exilés dans la prière du Chemoné ‘Esré. Les personnes qui ne ressentent pas le besoin pressant de faire venir Machia’h (le Messie) disent en fait à D-ieu : “L’exil ? Cela signifie-t-il que la vie véritable ne ressemble à celle idéale que je mène ?”
Je pourrais continuer pendant des pages et des pages. Quelques fois, je suis même tenté d’écrire un livre à ce propos. Cependant, d’autres personnes l’ont déjà fait. Le plus connu de ces livres est la Tora. Je peux raconter un nombre impressionnant d’histoires d’individus qui ne pouvaient pas aimer cette terre, ou qui ne désiraient pas y vivre, à cause du manque de confort matériel et des plaisirs de la vie aux Etats-Unis.
Je peux également vous raconter un nombre sans fin d’histoires de personnes qui sont venue vivre ici et qui y sont restées. Ces personnes ont vécu des miracles sous différentes formes… ce qui ne serait pas arrivé si elles étaient reparties.
Cependant, je désire seulement écrire un court texte qui résume une pensée inspirée par la tristesse des trois semaines et la tragédie terrible anticipée de Tich’a beAv. Cette tragédie est supposée nous faire pleurer et nous faire crier : “Quel jour tout cela prendra-t-il fin ? Quand le peuple juif pourra-t-il retourner finalement en Terre d’Israël et retrouver sa position de gloire et de ‘lumière des nations’ ? Quand obtiendrons-nous en fin de compte l’Autorisation divine de reconstruire le Temps – une fois pour toutes – et poser notre regard sur le visage de Machia’h ?”
La colombe savait la réponse à cette question. Cela est aussi le cas de Knesset Israël, ce qui est le nom du peuple juif lorsqu’il atteint son potentiel d’enfants d’Avraham, d’Yits’haq et de Ya’aqov. Pour obtenir cette compréhension – ainsi que l’appréciation réelle de qui nous sommes et quelle est notre destinée – ce cri doit sortir du cœur, de notre cœur brisé :
“Je préfère que ma nourriture soit amère comme une olive – mais de la main de D-ieu – plutôt que douce comme le miel – mais de la main de l’homme.”
Puissions-nous être les témoins du changement de Tich’a beAv d’un jour de deuil intense en un jour de joie profonde. La vérité est que pour beaucoup de personnes ici, la nourriture de la main de D-ieu nous semble vraiment devenir un peu plus douce chaque jour.
(Auteur et conférencier, le rabbin Pinchas Winston est le directeur de ThirtySix.org)
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