Sors du iPhone, entre …

La Soukka est une capsule d’une autre atmosphère. C’est une bulle de réalité détachée de tout ce qui se passe dans ce monde, un petit coin de paradis dans ce monde-ci.

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le rabbin Lazer Brody

Posté sur 05.04.21

Avez-vous déjà essayé de vous promener dans les rues de Bnei Braq, de Jérusalem, ou dans le quartier de Méa Shéarim pendant Soukkot ? Si oui, pas besoin de vous décrire l’ambiance. C’est une étonnante mosaïque d’images, de voix et d’odeurs de toutes les tendances du judaïsme.

Ce n’est pas pour rien qu’on associe la Soukka à la paix : c’est une sorte d’aura qui enveloppe ces sept jours magiques. C’est peut-être l’atmosphère qui ressemble le plus aux jours de la venue du messie.

De la Soukka de la famille Machiah’, émane un agréable parfum oriental de thon pimenté et bien relevé.
A deux pas de là, la famille Eisenbach forme une chorale de 25 petits-enfants, mangeant du gefilte fish et parlant yiddish. Un peu plus loin, on arrive chez Tsanani, avec sa soupe yéménite et ses arômes merveilleux. Ah… Quel beau tableau…

Qu’est-ce qui génère cette merveilleuse ambiance dans nos rues ?

Bien entendu, la Soukka.

Dans la vision du futur qui nous attend, on nous annonce un repas hors du commun qui se déroulera dans une Soukka faite de la peau du Léviathan (baleine en hébreu). Nos sages parlent d’un banquet qui se tiendra pour les tsadikim (les justes) dans le futur, lors duquel toutes sortent de choses merveilleuses arriveront. Ce banquet, sous la peau du Léviathan, symbolise la ligne d’arrivée de notre réalité et la transition dans le monde futur où chacun recevra son salaire.

La Soukka nous accompagne depuis longtemps. D’Egypte, nous sommes sortis vers un désert vide, infesté de serpents, de scorpions et de toutes sortes de dangers. L’errance dans le désert aurait pu être terrible, un long cauchemar de quarante ans. Concrètement, elle est décrite au contraire, comme un long miracle sans précèdent. Nous avons traversé le désert, nous y avons erré pendant quarante ans, mais le Créateur a pris soin de calfeutrer notre réalité de toutes parts. Les sages parlent des sept nuées de gloire qui entouraient le peuple de quatre vents, d’en haut et d’en bas, et une septième qui leur ouvrait le chemin, le rendant plus droit, accessible et facile à parcourir.

La Soukka nous accompagne donc du début de notre histoire jusqu'à son futur. Pendant la fête de Soukkot, nous faisons un saut en arrière dans le temps, et en avant aussi. Cette Soukka que nous construisons avec des arbres, des tissus ou du métal, avec ses branchages sur le dessus, se trouve peut-être dans une rue quelconque dans une ville quelconque, mais en fait et essentiellement, ce n’est pas là qu’elle est. La Soukka est une capsule d’une autre atmosphère. C’est une bulle de réalité détachée de tout ce qui se passe dans ce monde, c’est un petit coin de paradis dans ce monde-ci. Et c’est un des petits secrets qui accompagnent cette énorme fête.

Cette Soukka miraculeuse a beaucoup en commun avec le iPhone. Elle a le pouvoir de guérir celui qui en est accro. Ecoutez bien !

Où vivons-nous ? La plupart des gens, et nous-mêmes d’ailleurs, ne vivons pas à l’adresse stipulée sur notre carte d’identité, ni à l’adresse stipulée dans l’annuaire, et même pas à celle où l’on a l’habitude de se garer tous les soirs. En grande partie, l’humanité a involontairement délaissé les villas de luxe, les duplex et les grands appartements en faveur d’appareils minuscules, n’excédant pas la taille de la main.

Et c’est là, dans ces petits appareils, qu’ils préfèrent partager leur espace de vie avec des dizaines d’applications et d’amis virtuels partout dans le monde. Comme on dit en turc : la réalité dépasse la fiction.
Qu’est-ce que c’est que cette histoire ?

Eh bien, le lieu de résidence est ce qui caractérise le plus la nature et l’essence d’une personne. Pas forcément son quartier ou l’appartement pour lequel elle a pris un emprunt. Le lieu de résidence, c’est là où l’on se sent chez soi. C’est l’endroit vers lequel on revient dès que possible, et c’est là qu’on préfère passer du temps quand on en a le choix. Cet endroit, on le choisit, souvent, sans même le savoir.

Peu importe où vous vivez, ce qui importe vraiment, c’est l’endroit où vous ressentez et vivez votre vie.
La génération du iPhone a fait entrer l’humanité dans le monde du fantastique. Les gens peuvent passer toute une journée, de leur réveil jusqu’au moment où ils ferment les yeux, uniquement dans les limites virtuelles d’un appareil « intelligent » qui fait la taille d’une main. C’est un échantillon de ce monde : vivre dans son imagination.

La vie telle que nous la vivons, est faite de 99% d’imagination et d’1 petit pourcent de réalité qu’on a tendance à oublier. L’imagination nous enlace de toute part : planant au-dessus de nous, diffusant du contenu à travers nous, parlant avec notre voix. Les gens jugent la réalité sous un angle imaginaire. La plupart de nos acquisitions, comme la plupart de nos décisions, se font selon les jugements de l’imagination, pas selon la réalité. Cela semble scandaleux, mais si vous vérifiez, vous en arriverez probablement à cette conclusion.

Maintenant, la question évidente : si nous sommes tellement intelligents et brillants, comment se peut-il que l’imagination domine tellement ? Elle a un truc simple : la perte de proportions.

Cela résume en fait toute l’histoire. Un bon film, c’est celui qui ne vous laisse pas indifférent. Il vous entraine et stimule vos sentiments. Il vous subjugue, vous fait vous identifier aux personnages, vous capte complètement : vous êtes dedans. Vous êtes une personne saine d’esprit, bien consciente que vous êtes devant un film, vous connaissez même ce réalisateur surréaliste.  Et pourtant, vous êtes dedans.

C’est un fait intéressant. Le film ou l’intrigue dépasse notre jugement logique. Pourquoi ? Parce que le bon sens va de pair avec les proportions. Du moment où l’on perd les limites de la proportion, on peut avaler n’importe quelle idée, même la plus surréaliste. Savoir que c’est impossible, mais s’y asservir complètement.

Dans les livres saints, ce phénomène est décrit comme une force de simulation. L’imagination s’impose sur des plages de temps qui ne sont pas liées à la réalité. Comme exemple, Rabbi Nah’man apporte les rêves. Il est une certaine phase de sommeil durant laquelle nous rêvons, et pouvons traverser en rêves des évènements étalés sur de nombreuses heures, quand dans les faits, seulement quelques instants se sont écoulés. D’une certaine manière, c’est à cela que ressemble notre vie, pouvant durer entre 70 et 120 ans, mais dans les faits, tout le monde ressent sa vie comme quelque chose d’éternel, qui durera toujours. Nous connaissons les limites, nous les voyons, mais nous les ignorons complétement.

Et c’est là qu’intervient la Soukka.
La Soukka est faite de toutes les bonnes proportions. Elle a quatre murs, un toit, un sol, les six côtés qui nous encadrent. Elle est appelée maison temporaire, et il faut justement qu’elle le soit. Pourquoi ? Parce que la Soukka est comme un échantillon de toute notre vie matérielle. Nous y résidons pendant sept jours, un concentré de chacun des sept jours de la semaine qui composent notre système temps. La Torah nous ordonne de transférer et de faire toute notre routine habituelle dans la Soukka, d’y faire entrer tous les aspects de notre vie. 

On peut voir la Soukka comme un genre d’appareil incubateur pour soigner notre âme. C’est une réponse de poids à tous les types de dépendances connues aujourd’hui. De ce point de vue, la Soukka est l’équivalent de l’iPhone, de l’ordinateur, du portable, du galaxy et tous les autres. C’est une bulle de réalité dans une mer d’imagination. Nous nous rassemblons, de tous les coins de l’imagination, du flou de la raison, de tous les coins du monde où nous avons réussi à nous disperser pendant l’année écoulée.

On rentre dans la Soukka, et on y fait entrer avec nous tous les côtés de notre âme et tous nos centres d’intérêt.  La Soukka nous remet dans les bonnes proportions. Entre ces six côtés, sous le toit saint de la Présence Divine, et en compagnie des sept ouchpizin : les invités spirituels qui viennent nous rendre visite depuis le monde des âmes.

Une dépendance négative, c’est ce qui s’appelle transférer son lieu de résidence spirituelle dans des endroits qui ne sont ni réalistes, ni efficaces. La Soukka, quant à elle, est une dépendance positive.

Hag Saméa’h !
 
 

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