Le Chemoné ‘Esré

Une personne dont la langue maternelle est le français peut prier en français si cela lui permet de mieux s'appliquer dans la récitation de ses prières...

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David-Yits'haq Trauttman

Posté sur 06.04.21

Nous vous conseillons de lire l'introduction à cette série d'articles qui décrit les caractéristiques du livre Aboudraham. Nous offrons à nos lecteurs la traduction française de larges extraits de cet ouvrage. Leur lecture nous permet d'acquérir un goût nouveau pour les prières et une connaissance – historique et halakhique – de ce qui est l'essence de notre rapport avec le Créateur du monde : la prière.
 
Dans notre présentation, le texte du “Aboudraham” apparaît en caractère gras, tandis que nos commentaires sont écrits en caractères habituels. 
 
“Vous devez savoir que la langue de la prière a été établie en utilisant les écritures saintes. C'est ainsi que nous trouvons dans ces dernières l'explication de chaque mot de la prière. Cependant, pour une minorité de mots, il n'a pas été possible de trouver une origine dans les écritures saintes. Par conséquent, une origine dans la Guemara (le Talmud ) a été choisie.”
 
Les origines spécifiques de la prière en langue sainte la rendent incomparable aux prières faites en une autre langue. Nous avons déjà appris qu'il est parfaitement acceptable de prier dans une langue différente, à la condition qu'on comprenne celle-ci.
 
Ainsi, une personne dont la langue maternelle est le français peut prier en français si cela lui permet de mieux s'appliquer dans la récitation de ses prières. Un anglais peut prier en anglais, un espagnol en espagnol, etc. La seule condition à respecter est qu'on comprenne la langue dans laquelle on prie. L'exception notable à cette règle est la langue sainte : même si nous ne comprenons pas ce que nous disons, la halakha (loi juive) nous permet cependant de prier dans cette langue.
 
Le fait que la majorité des mots des prières en langue sainte trouvent leur origine dans la Bible – parole divine par excellence – et que les prières ont été instituées en cette langue, la langue sainte devrait être préférée aux autres. Ainsi, dans la mesure du possible, il est toujours préférable de prier en  hébreu. Cependant, une personne qui n'en ait pas capable ne doit pas se sentir inférieure aux autres.
 
Plutôt, elle doit s'appliquer dans ses prières – peu importe dans quelle langue elle les prononce – tout en essayant d'acquérir la connaissance suffisante pour pouvoir prier en langue sainte. Cet apprentissage peut être rapide ou long; cela n'a pas d'importance. Aussi longtemps que nous faisons les efforts nécessaires pour retrouver la langue qui était la nôtre, nous montrons à D-ieu notre volonté de retrouver un passé oublié et nous en recevrons la récompense adéquate.
 
À l'époque de Raban Gamliel l'ancien, apparurent de nombreux hérétiques. Ces derniers causèrent de nombreux problèmes au peuple d'Israël. Raban Gamliel l'ancien – avec les membres de son tribunal – s'opposèrent à eux; ils instituèrent une bénédiction dans laquelle nous demandons à D-ieu de faire périr ces hérétiques.
 
Cette bénédiction fut intégrée à la prière du Chemone 'Esré afin que chaque personne en exil puisse posséder le même arrangement de prières. Conséquemment, le nombre de bénédictions qui composent chaque prière du Chemone 'Esré fut fixé à dix-neuf.” (Rambam, Hilkhoth Tefila, 2 : 1)
 
L'époque de Raban Gamliel l'ancien en fut une de graves dangers. L'apparition de nouvelles sectes – au lendemain de la destruction du deuxième Temple – représentait une menace réelle pour les communautés juives. Avec la perte du Temple et de son pouvoir spirituel sur le peuple juif, de nombreux non-juifs essayèrent de détourner les B'nei Israël du chemin de la Tora. De nouvelles croyances religieuses apparurent à cette époque et les non-juifs n'hésitaient pas à utiliser la force dans le but de “convaincre” les juifs d'adopter leurs pratiques idolâtres.
 
Dans le but de prévenir les juifs de ce danger, Raban Gamliel l'ancien introduisit une nouvelle bénédiction dans le Chemone 'Esré. Dans celle-ci, nous déclarons notre opposition aux hérétiques et notre espoir de les voir disparaître de la surface de la terre. Nous pourrions penser que de nos jours, ce danger a disparu et qu'il serait possible de revenir à la version du Chemone 'Esré à dix-huit bénédictions. Cependant, même à notre époque, certains dépensent beaucoup d'énergie à attirer les juifs vers d'autres chemins, d'autres religions.
 
Également, l'athéisme est un de nos adversaires. Lorsque ce dernier adopte des formes militantes, le but devient identique à celui de nos pires ennemis : nous faire abandonner nos voies, nos convictions. Ainsi, la bénédiction établie par Raban Gamliel l'ancien doit être récitée – de nos jours encore – avec la même conviction, le même enthousiasme d'antan.      
 
“Les trois premières bénédictions sont des bénédictions de louanges pour le Créateur et pour Sa puissance.”
 
1. Bénédiction des Patriarches. La première bénédiction du Chemone 'Esré est celles des patriarches : Avraham, Yits'haq et Ya'aqov. Il s'agit d'une bénédiction de louanges car nous y rappelons la promesse d'Hachem d'aider Israël, grâce au mérite des patriarches et “par amour”, c'est-à-dire : même si nous ne le méritons pas. Nous faisons également référence à D-ieu comme étant “grand, fort, redoutable (et) suprême.” Même si chaque qualificatif possède sa particularité, tous servent le même propos : celui de glorifier le Nom de D-ieu et son amour pour Israël.
 
2. Bénédiction de la force de D-ieu. La deuxième bénédiction est celle qui fait référence à la force d'Hachem. Cette force est utilisée pour nous nourrir, nous soutenir, nous guérir. L'ensemble de ces louanges nous permet de comprendre que D-ieu est le “Maître du salut” et que son action provient de son amour pour nous, plutôt que d'un quelconque mérite de notre part. Ceci est exemplifié par la résurrection des morts qui s'opère grâce à “l'immense miséricorde” du Créateur.
 
3. Bénédiction de la sainteté du Nom de D-ieu. La troisième bénédiction est celle où nous louons la sainteté de D-ieu. Tandis que les deux premières bénédictions louent l'action de D-ieu, cette bénédiction loue D-ieu Lui-même. Dans cette bénédiction, nous disons que “les saints (…) glorifient (D-ieu)” tous les jours. Même si la majorité des commentateurs expliquent que cela est une allusion aux chants formulés par les anges, nous verrons plus loin que selon le Aboudraham, cela s'adresse à Israël qui – par ses actions : prières, mitswoth, … – glorifie D-ieu chaque jour de son existence. 
 
“Dans les trois dernières bénédictions, nous déclarons notre respect et notre reconnaissance pour le Nom de D-ieu.”
 
17. Bénédiction du service du Temple. Avec la dix-septième bénédiction, commence la troisième et dernière partie du Chemone 'Esré, celle où nous remercions Hachem de nous avoir écouté.
 
Dans cette bénédiction, nous faisons référence au service du Temple et aux sacrifices qui l'accompagnaient. Si à l'époque du Temple, cette bénédiction nous permettait de demandait à D-ieu d'accepter nos sacrifices en Son honneur, de nos jours, nous Lui demandons de restaurer rapidement le service divin d'antan. Également, les “feux des sacrifices d'Israël” que nous mentionnons font allusion aux âmes et aux bonnes action des tsadiqim qui remplissent D-ieu de joie, comme le faisaient auparavant les sacrifices.   
 
18. Bénédiction de remerciement. La dix-huitième bénédiction porte le nom de “Modim ” (“Nous remercions”). Dans celle-ci, nous remercions “Hachem d'être notre D-ieu (…) pour toujours.” Nous indiquons également que dans toutes les générations, les B'nei Israël Le remercient et proclament Sa louange. 
 
19. Bénédiction de paix. La dix-neuvième – et dernière – bénédiction du Chemone 'Esré est celle la paix. Ceci n'est pas un hasard et revêt une importance qu'il ne faudrait pas ignorer. De fait, l'acte de prier est synonyme de paix. Le Créateur désire avant toute chose que l'harmonie règne parmi Ses enfants – le peuple d'Israël – et que ces derniers tirent profit de cette paix pour demander à leur Créateur ce dont ils ont besoin. Dans la version achkenaze de cette bénédiction, nous mentionnons l'importance de ressentir un véritable “amour pour faire la charité.” De fait, D-ieu ne se satisfait pas que nous suivions simplement Ses commandements, Il désire que nous y mettions notre coeur.   
 
“D'autre part, les treize bénédictions du milieu sont consacrées aux différents besoins de Son peuple Israël.”
 
4. Bénédiction de l'intelligence. Avec la quatrième bénédiction, commence la partie centrale du Chemone 'Esré, celle dans laquelle nous demandons à Hachem tout ce dont nous avons besoin. Si dans les trois premières bénédictions nous avons loué D-ieu, c'est qu'il n'aurait pas été approprié de faire référence à nos besoins sans un préambule adéquat. De fait, après avoir introduit notre prière par des louanges à Son égard, le Créateur du monde est “prêt” à écouter nos requêtes personnelles.
 
Dans la quatrième bénédiction, nous faisons référence à l'intelligence de l'homme, ainsi qu'à son savoir et sa sagesse. De fait, il est important de commencer la liste de nos besoins par ce qui nous différencie des animaux et qui nous donne une place – et un rôle – uniques par rapport aux autres créatures du monde.
 
5. Bénédiction pour le repentir. La cinquième bénédiction est celle où nous demandons à D-ieu de nous aider à accomplir un repentir complet et véritable. Même si nous désirons réparer nos fautes, c'est à Hachem qu'il incombe de nous montrer le chemin à emprunter pour y parvenir. Reconnaître que c'est par Son aide que nous pourrons rencontrer le succès, c'est également admettre que nous devons “revenir (…) vers Sa Tora.” Un repentir dans lequel nous n'essaierions pas de rétablir le lien que nous avons brisé avec D-ieu n'en n'est pas un. 
 
6. Bénédiction du pardon. Le désir exprimé de repentir dans la bénédiction précédente doit être suivi de notre demande de pardon. Nous savons pertinemment qu'afin d'accorder le repentir à une personne qui nous a causé un tort, nous devons lui pardonner son péché. Aussi longtemps qu'un sentiment de rancune reste ancré dans notre coeur, le repentir de cette personne ne sera pas complet. C'est pour cette raison que nous rappelons à Hachem qu'Il est un “D-ieu bon et qui pardonne.”   
 
7. Bénédiction de la délivrance. Cette bénédiction ne fait pas référence à la délivrance ultime du peuple juif. Si tel était le cas, elle ne serait pas à sa place dans le groupe de bénédictions où nos sollicitations sont d'ordre matérielles. Plutôt, nous demandons ici d'être libérés des souffrances – physiques et mentales – qui nous sont imposées par nos ennemis. Nous rappelons à Hachem que cette délivrance sera “en (son) Nom, car (Il) est un D-ieu fort qui délivre.” En d'autres termes, le fait que nous souffrions – entre les mains de nos ennemis – atteint indirectement l'honneur d'Hachem.
 
8. Bénédiction de la guérison. Dans cette bénédiction – la huitième du Chemone 'Esré – nous demandons à D-ieu de nous guérir. Les ouvrages des posqim (décisionnaires de la loi juive) indiquent tous l'obligation de chaque juif de s'adresser à un médecin lorsque le besoin s'en fait sentir. Cependant, croire que la guérison est seulement une question de savoir médical est une erreur à ne pas commettre.
 
Plutôt, il faut que la maladie soit l'occasion de multiplier nos prières vers le Créateur afin de Lui demander qu'Il nous guérisse par l'entremise des soins d'un docteur. Ceci correspond à la règle générale selon laquelle D-ieu désire minimiser l'ampleur de Ses miracles.
 
9. Bénédiction des années. Dans cette bénédiction, nous rappelons l'importance du rôle de la terre dans notre vie. De fait, sans les récoltes abondantes, les moissons faites à temps et les riches vendanges, c'est la vie de l'homme qui est mise en danger. La plupart d'entre nous vivons dans des pays riches où le manque de nourriture est une histoire du passé. N'oublions cependant pas le rôle primordial des bénédictions que nous recevons de la terre et demandons à Hachem de bénir “cette année, ainsi que les diverses sortes de récoltes.”
 
10. Bénédiction du rassemblement des exilés. Si la bénédiction de la délivrance (7ième bénédiction) fait référence à une libération des souffrances physiques et spirituelles causées par l'exil, cette bénédiction fait référence à la fin de cet exil, à l'époque de l'arrivée de Machia'h (le Messie). À cette époque, Hachem sonnera “du grand chofar (corne de bélier)” dans le but de signaler l'heure du rassemblement de toutes les âmes juives.
 
11. Bénédiction de la justice. Cette bénédiction se trouve logiquement après celle où nous demandons la délivrance finale. C'est à ce moment que le Messie rétablira la “Cour Suprême” d'Israël, le Sanhedrin. C'est seulement avec la présence de ce tribunal suprême que le droit juif – biblique – peut s'exercer dans toute sa plénitude. C'est pour cela que nous demandons également à D-ieu d'écarter de nous “angoisse et soupir”, c'est à dire d'aider les juges à formuler des décisions sages et justes.  
 
12. Bénédiction contre les hérétiques. Nous avons déjà expliqué que cette bénédiction n'était pas incluse dans le Chemone 'Esré originel. Elle fut ajoutée à cette prière à une époque où les ennemis des juifs essayaient de les détourner du chemin de la Tora avec des croyances étrangères. Dans cette bénédiction, nous demandons à D-ieu de ne laisser “aucun espoir” aux délateurs et aux hérétiques.
 
De la sorte, nous admettons que le succès d'une telle entreprise n'est assuré que par l'action d'Hachem et c'est pour cela que nous Lui demandons “d'achever, de soumettre, sans tarder” tous ceux que la méchanceté motivent.    
 
13. Bénédiction pour les tsadiqim. Le rôle des tsadiqim (hommes pieux) tient une place primordiale dans le judaïsme et dans nos efforts pour nous rapprocher de D-ieu. À ce titre, une bénédiction spéciale leur est réservée. L'intervention des tsadiqim dans le but de nous expliquer, clarifier… la volonté d'Hachem est telle, que nous pourrions nous sentir honteux de ne pouvoir nous passer d'eux. C'est pour éviter un tel sentiment que nous demandons dans cette bénédiction à ne pas “être humiliés” en faisant appel à eux.    
 
14. Bénédiction pour la reconstruction de Jérusalem. Dans cette bénédiction, nous demandons à Hachem de commencer la reconstruction de Jérusalem, c'est à dire de préparer la venue du Messie. Nous demandons à D-ieu de venir résider “au sein de Jérusalem” et d'y “installer rapidement le trône de David”, c'est à dire de restaurer la royaume de la lignée du Roi David et de nommer la personnalité qui aura la responsabilité de s'asseoir sur le trône.
 
15. Bénédiction pour la Royauté de la maison de David. Cette bénédiction est la suite logique de la précédente. Après avoir indiqué qu'à l'arrivée du Messie un descendant du Roi David sera nommé sur le trône, dans cette bénédiction nous signalons que la libération ultime est possible seulement par le Messie, qui sera un descendant du Roi David.
 
Si nous demandons à Hachem de “faire éclore le germe de David” – comparant ainsi la délivrance finale à l'éclosion d'une plante – c'est sans doute parce que les deux possèdent les mêmes caractéristiques : avant que la fleur puisse éclore et montrer à tous sa splendeur, la graine pourrit et se dissout entièrement. Cela nous apprend que la période qui précèdera la venue du Messie en sera une de luttes, de défis et d'épreuves qui sembleront difficiles à relever.
 
Pourtant, en fin de compte, si le peuple juif désira se fondre entièrement dans la volonté de D-ieu, l'éclosion – l'arrivée du Messie – se fera en temps voulu.
 
16. Bénédiction pour que nos prières soient acceptées. Dernière bénédiction de la partie centrale du Chemone 'Esré, nous y formulons l'espoir de voir toutes nos prières acceptées. Pour diverses raisons, cette bénédiction peut être considérée comme le fondement de la foi. De fait, demander à Hachem “d'écouter notre voix” n'a de sens que si nous sommes persuadés qu'Il nous écoute et qu'Il peut accéder à nos demandes. Ainsi, avant d'entamer la partie centrale du Chemone 'Esré – celle où nous commençons à nous retirer de devant le Créateur – nous affirmons notre croyance forte et puissante en D-ieu.
 
À suivre…

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