La morale de la paracha – Ki Tavo
Le maître de maison romain s’est gorgé de nourriture, mais son visage exprimait le mécontentement. Ses yeux étaient tout le temps à l’intérieur de l’assiette...
Il a tout, et il n’a rien
“Hachem t’enverra la malédiction et la confusion…” (Deutéronome 28:20).
Rachi explique : “La malédiction – c’est le manque, comme une lèpre maligne. La confusion – le tumulte d’un bruit de panique.”
Il s'agit d’un des versets de remontrance où il est question d’un sentiment de manque et d’un sentiment de confusion et d’angoisse. L’homme peut avoir ce sentiment bien qu’il possède tout.
Pour comprendre comment une telle situation peut arriver – si l'homme possède tout, pour quelle raison peut-il être angoissé et confus ? – il faut lire l’histoire suivante tirée du Yalkouth Chimoni (Proverbes 950) :
Un jour Rabbi Doustaï, l’élève de Rabbi Méïr, étudiait le verset des Proverbes : “Le Tsadiq mange et est rassasié, tandis que le ventre des méchants est en manque.” Il se dit en lui-même : “Le Tsadiq mange et est rassasié”, je le comprends, car c’est l’habitude des Tsadiqim de se contenter de peu, et de laisser de ce peu, comme Rabbi ‘Hanina ben Dossa. Cependant, qu’est-ce que c’est que “le ventre des méchants est en manque” ? Nous avons vu des méchants qui ont la fortune et la gloire, et qui mangent et sont rassasiés tous les jours, qu’est-ce qu’il leur manque ?
Ne trouvant pas de réponse à son étonnement, Rabbi Doustaï s’adressa à son maître, Rabbi Méïr. Rabbi Méïr lui raconta l’histoire suivante :
Dans notre ville habite un idolâtre aussi riche que Kora’h. Un jour, il invita tous les habitants de la ville à un grand festin, entre autres moi aussi. On amena devant moi une longue et belle table avec des ustensiles beaux et précieux, du plus beau verre. Ils contenaient toutes sortes de mets, y compris de beaux fruits qui avaient poussé dans notre pays, et aussi des fruits de pays lointains. Les invités mangèrent et burent, et nous, les juifs, nous nous sommes contentés de fruits.
Le maître de maison romain s’est gorgé de nourriture, mais son visage exprimait le mécontentement. Ses yeux étaient tout le temps à l’intérieur de l’assiette, comme s’il cherchait quelque chose. À la fin, il s’est tourné vers ses serviteurs avec colère : “Où sont ces noix de Pécan tendres, qui se brisent et s’émiettent dans la main ?” Ses serviteurs répondirent : “Ne vous fâchez pas, Monseigneur, nous avons cherché ces noix, et nous n’en avons trouvé nulle part.” Le notable se mit terriblement en colère, et dans sa fureur il se leva et cassa la table, qui à elle seule valait trois cents pièces d’argent ! Cela a fait tomber par terre tous les ustensiles précieux qui se sont brisés, et les mets se sont renversés par terre.
Nous, les invités, étions tous stupéfaits et terrifiés de cette crise de fureur. Pourquoi une telle colère ? Parce qu’il manquait des noix tendres, qui ne valent pas grand-chose ? Il y avait là-bas toutes les merveilles du monde… Rabbi Méïr poursuivit son récit :
Je me suis adressé à cet homme et je lui ai dit : “Pourquoi avez-vous fait cela ?” Il s’est tourné vers moi en criant : “Vous les juifs, vous dites que le monde à venir est à vous, mais nous, nous n’avons que ce monde-ci. Si je ne profite pas de ce monde-ci, quand est-ce que je vais profiter ? C’est pourquoi je ne veux pas qu’il manque à ma table la moindre chose. Je veux tout. Et si je n’ai pas tout, je n’ai rien.”
Alors Rabbi Doustaï comprit les paroles du roi Chlomo : “Le ventre des méchants est en manque.” Le méchant n’est jamais content et heureux, il a toujours faim encore et encore, car les désirs matériels sont illimités…
Ils nous rendus méchants
“Les égyptiens nous ont fait du mal” (Deutéronome 26:6).
Le saint Alcheikh (Rabbi Moché ben ‘Haïm Alcheikh) s’étonne de l’expression employée et demande pourquoi il est dit “vayirou otanou” (qui peut être traduit par : 'nous ont fait du mal, à nous”) et non “vayirou lanou” (qui peut se traduire plus simplement par : 'nous ont fait du mal'). Il répond : “vayirou otanou” signifie que les égyptiens nous ont rendus méchants. Le travail forcé que nous ont imposé les égyptiens pendant les nombreuses années d’esclavage a changé notre caractère et notre patience envers autrui, et nous sommes devenus méchants et cruels les uns envers les autres.
La plus grande des bénédictions
“Toutes ces bénédictions viendront à toi et t’atteindront, si tu écoutes la voix d'Hachem ton D.” (Deutéronome 28:2).
Rabbi Ya'aqov Lorberboïm de Lissa (l'auteur de Nitivot HaMochpat) observe ceci :
Nos Sages ont dit dans la Guémara Qidouchin (39b) : “Il n’y a pas de récompense à une mitswa en ce monde.” Il en ressort que tout le bien que le Saint béni soit-Il épanche dans la vie sur ceux qui font les mitswoth est uniquement destiné à leur permettre d’accomplir d’autres mitswoth. C’est ce que dit ici le verset : “Toutes ces bénédictions viendront à toi et t’atteindront” pour te permettre d’accomplir “si tu écoutes la voix d'Hachem ton D.”.
Le Saint béni soit-Il a beaucoup de bénédictions à Sa disposition mais la plus grande de toutes est : “Tu écouteras la voix d'Hachem ton D.”. Heureux est l’homme qui reçoit cette bénédiction du Ciel, car celui qui en profite mérite automatiquement toutes les autres bénédictions du monde (Parperaot laTora).
Tous les bné Israël sont responsables les uns envers les autres
“Toutes ces malédictions viendront sur toi et t’atteindront (Deutéronome 28:15).”
Dans le passage des malédictions dans le livre du Lévitique, il n’y a que quarante-neuf malédictions, alors que dans la sidra de cette semaine, il y en a quatre-vingt dix-huit. Pour quelle raison celles-ci ont été doublées ?
La raison en est que les malédictions dans le livre du Lévitique ont été écrites avant la responsabilité qu’ont pris sur eux les bné Israël par serment au mont Guerizim et au mont Éval. D'autre part, les malédictions de notre sidra ont été prononcées après cette prise de responsabilité. C’est pourquoi leur nombre a été doublé, ce qui correspond à ses propres fautes plus celles de l’autre (Keli Yakar).
Qu’est-ce que cela ajoute ?
“Tu seras fou de ce que verront tes yeux” (Deutéronome 28:34).
Il est déjà écrit ci-dessus : “Hachem te frappera par la folie.” Qu’est-ce que cette malédiction vient-elle ajouter ?
Selon l’auteur de “Ketsot Ha’Hochen” : “Il semble qu’Hachem ait voulu par là augmenter encore le poids des malheurs. Avec toute la douleur que cela comporte, quelqu’un qui est frappé dans ses fonctions intellectuelles et devient fou ne ressent pas lui-même ce qui lui manque, et ne souffre pas de ses actes bizarres, parce que cela lui semble un comportement parfaitement normal.
Cependant, si l’on prend quelqu’un de parfaitement sain d’esprit, qu’on le mette sous la dépendance du fou et qu'on l’oblige à faire le fou comme lui et à l’imiter, sa souffrance est considérablement plus grande. De fait, cette personne sait bien en elle-même, à chaque instant, qu’elle se conduit de façon déséquilibrée. C’est cela la malédiction supplémentaire qu’ajoute le verset Tu seras fou de ce que verront tes yeux” : ses actes lui apparaîtront comme fous, mais son esprit restera clair, pour qu’il voie de ses propres yeux le mal de sa conduite (MiChoul’han Gavoha).
Qui sépare entre Israël et les nations
“Tu seras là-bas la fable et la risée de tous les peuples où Hachem te conduira” (Deutéronome 28:37).
Un converti au christianisme se plaignit devant Rabbi ‘Haïm de Volojine qu’avant sa conversion, il avait beaucoup souffert de ses voisins non-juifs qui se moquaient de son judaïsme, c’est pourquoi il s’était mis à manger avec eux.
Ayant constaté que cela ne servait à rien, il s’était mis à profaner le Chabath, mais cela non plus n’avait servi à rien.
En fin de compte, il s’était converti en pensant que maintenant, ils allaient s’arrêter de se moquer de lui. Mais malgré tout, se plaignait-il, ils continuent toujours à se moquer et à me mépriser. Rabbi ‘Haïm lui dit que cela se trouvait en allusion dans la Tora : “Tu serviras là-bas des dieux étrangers, de bois et de pierre”, et pourtant “Tu seras là-bas la fable et la risée”, on continuera à se moquer de toi et à te mépriser.
Extrait de “La voie à suivre”, reproduit avec l'aimable autorisation des Institutions Hevrat Pinto.
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