L’éducation des enfants… -Toldoth

L’essentiel des efforts éducatifs n’était nécessaire qu’envers Yits’haq, fils d’Avraham et Sara, héritier des bénédictions de D-ieu...

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le Rav David Hanania Pinto

Posté sur 06.04.21

“Telles sont les générations d’Yits’haq fils d’Avraham. Avraham engendra Yits’haq. Et Yits’haq avait quarante ans…” (Béréchith 25:19) 

Ce verset est étonnant sur plusieurs plans.
 
1. Si la Tora dit : “Telles sont les générations d’Yits’haq”, elle devrait mentionner Ya’aqov et 'Essav. Pourquoi dit-elle : “Avraham engendra Yits’haq”, et pourquoi la fin du verset n’est-elle pas la suite logique de son début ?
 
2. Pourquoi la fin du verset dit-elle : “Avraham engendra Yits’haq” ? Si c’est pour donner une réponse aux railleurs qui disaient que Sara avait conçu Yits’haq d’Avimelech, (Baba Metsia 87a), il est déjà dit au début du verset qu’Yits’haq est le fils d’Avraham, ce qui indique que “les traits du visage d’Yits’haq étaient identiques à ceux d’Avraham, de qui il est né et à qui il ressemblait en tout” (Béréchith Raba 53:10, 84:8). Qu’est-ce que la fin du verset nous enseigne de plus ?
 
3. De même l’expression “Avraham holid (littéralement “enfanta”) Yits’haq” est étrange, puisqu’un homme n’enfante pas.
 
4. Que vient nous apprendre la Tora lorsqu’elle écrit (Béréchith 25:20) : Yits’haq avait quarante ans lorsqu’il prit Rivqa pour épouse”. Ya’aqov, lui, avait quatre-vingt-quatre ans lorsqu’il épousa deux soeurs, Ra’hel et Léah (Béréchith Raba 70:17), mais la Tora écrite ne le mentionne pas, comme elle ne donne pas l’âge d’Avraham au moment de son mariage.
 
5. Par la suite il est dit (ibid. 25:21) : “Yits’haq implora l’Éternel au sujet de sa femme qui était stérile.” Rivqa était stérile, ainsi qu’Yits’haq. Il leur fallait beaucoup prier pour faire annuler ce décret. Pourquoi la section commence-t-elle par les mots : “Telles sont les générations d’Yits’haq”, alors qu’il est ici question de Rivqa et d’Yits’haq qui sont stériles ? Pourquoi la Tora parle-t-elle d’engendrements, alors qu’ils n’ont pas encore d’enfants ?
 
Pour répondre à ces questions, il faut rappeler que “l’essentiel des engendrements des hommes vertueux sont les commandements qu’ils accomplissent et leurs bonnes actions” (Béréchith Raba 30:6 ; Rachi au début de la section Noa’h).
 
Ces bonnes actions produisent des fruits qui sont bons et doux, comme il est dit : “L’oeuvre du Juste est un arbre de vie, gagner les coeurs est le fait du Sage” (Michlé 11:30), des fruits qui ont les qualités de celui qui les engendre, et qui sont ses engendrements. Plus la connaissance qu’ont les hommes vertueux est grande, mieux ils pénètrent les secrets de D-ieu, et leur capacité de produire augmente et ne les abandonne pas, ni eux ni leurs enfants, jusqu’à la fin des temps.
 
C’est ce dont la Tora témoigne à propos d’Yits’haq, dont tous les actes étaient bons depuis son enfance grâce à l’éducation qu’il avait reçue d’Avraham. C’est ce qui est écrit : “Avraham enfanta Yits’haq”, précisément (la fin du verset est maintenant compréhensible et elle a même un sens spécifique, ainsi que le mot “enfanta”), tels sont ses engendrements, car il lui ressemblait dans tous ses actes.
 
Avraham a investi beaucoup d’efforts dans l’éducation de son fils Yits’haq. S’il n’avait pas chassé Ichmaël de sa maison comme le voulait Sara (Béréchith 21:10) : “Chasse cette servante et son fils, car le fils de cette servante n’héritera pas avec mon fils, avec Yits’haq”, les conséquences n’auraient pas été aussi fructueuses, car Yits’haq aurait pu être influencé par la mauvaise conduite d’Ichmaël.
 
Bien qu’Avraham ait eu beaucoup d’enfants d’Hagar, comme il est écrit (ibid. 25:4) : “Tous ceux-là sont les enfants de Kétoura”, c’est Yits’haq qui reçut l’essentiel et le meilleur de son attention, car Avraham avait placé en lui tous ses espoirs pour qu’il suive sa voie. C’est ce qui est écrit : “Telles sont les générations d’Yits’haq, fils d’Avraham.”
 
L’élévation spirituelle à laquelle Yits’haq est parvenu vient du fait qu’Avraham l’a engendré et a investi en lui toutes ses forces spirituelles, et il a tu son affection pour Ichmaël en l’éloignant d’Yits’haq, de même qu’il a renvoyé les enfants de Kétoura (Béréchith Raba 61:7), afin qu’ils n’aient pas d’influence sur Yits’haq.
 
C’est ce que disent les Sages (Baba Bathra 71a-b) : “Lorsque Avraham mourut, tous les peuples du monde ont dit : 'Malheur à la génération qui perd son dirigeant, malheur au bateau qui perd son capitaine'.” Ils pensaient que le monde tomberait alors dans l’obscurité, et ils ne savaient pas qui était l’héritier légitime d’Avraham. Mais lorsqu’ils virent que son fils Yits’haq avait hérité de toutes les qualités d’Avraham, ils comprirent que c’est lui qui continuerait dans sa voie.
 
Cela explique que l’essentiel des efforts éducatifs n’était nécessaire qu’envers Yits’haq, fils d’Avraham et Sara, et héritier des bénédictions de D-ieu (Béréchith Raba 61:6). Avraham lui-même était le fils de Téra’h, dont il n’avait reçu aucune éducation et c’est tout seul et par ses propres efforts qu’il était parvenu à la connaissance du Créateur (Rambam, Halakhoth 'Aqoum I:3).
 
“Dès l’âge de trois ans (certains disent quarante-huit) il parvint à la connaissance de D-ieu” (Nédarim 32a ; Bamidbar Raba 18:17). D'autre part, “il est appelé Avraham l’Yvri, (celui qui est passé de l’autre côté), car il se tient d’un côté et le reste du monde se tient de l’autre” (Béréchith Raba 42:13).
 
Ya’aqov ne nécessitait pas autant d’efforts éducatifs parce qu’il était le fils d’Yits’haq et le petit-fils d’Avraham, mais Yits’haq avait besoin d’une éducation attentive et de beaucoup de soins pour guider sa conduite.
 
Il est écrit : “Yits’haq avait quarante ans lorsqu’il prit Rivqa pour épouse” pour nous enseigner qu’Yits’haq, pendant ses quarante ans de célibat, n’avait pas fauté et n’avait pas profané le signe de l’Alliance. De plus, alors que Rivqa était déjà chez lui, il attendit qu’elle grandisse et soit en âge de se marier (Pirqé D’Rabbi Eliézer 31), et cela grâce aux forces qu’Avraham lui avait instillées. Cela montre que les efforts que les parents investissent dans l’éducation de leurs enfants ne sont jamais perdus, pas plus que le temps consacré à leur enseigner quelles sont les voies de D-ieu, et comment Le servir.
 
Avraham est loué pour le temps qu’il a consacré à l’éducation de ses enfants, puisqu’il est écrit (Béréchith 18:19) : “Pour qu’il prescrive à ses enfants et à sa maisonnée après lui d’observer la voie de l’Éternel en pratiquant la vertu et la justice.” D-ieu révéla à Avraham ce qu’il adviendrait de Sodome et de Gomorrhe, parce qu’il se souciait de l’éducation de ses enfants.
 
Les bonnes actions des Patriarches servent d’éducation à leurs enfants. Yits’haq savait que sa femme était stérile, qu’elle ne pouvait pas enfanter. Il aurait pu se séparer d’elle, comme le disent les Sages (Yébamoth 64a) et comme le veut la loi (Rambam, Ichout 15:7 ; Choul’han 'Aroukh Even HaEzer 154:10) : “Si un homme est marié pendant dix ans et que sa femme ne lui a pas donné d’enfants, il divorce.” Mais Yits’haq n’a pas divorcé de sa femme, au contraire, il pria pour elle. Il connaissait ses vertus et ne voyait que ses qualités.
 
“Lorsqu’elle entra dans la tente de Sara, les trois miracles, la lumière allumée, la bénédiction de la pâte, la nuée sur la tente, réapparurent” (Béréchith Raba 60:15).
 
Yits’haq ne considérait que la vertu et la noblesse de Rivqa. En cela, il suivait la voie de son père qui n’a vu la beauté de sa femme que poussé par les événements (Tan’houma Lekh Lekha 5), comme il le lui dit (Béréchith 12:11) : “Je sais que tu es une femme belle.” Lui, ne voyait que ses vertus et son inspiration divine, bien que “tous admiraient sa beauté” (Méguila 14a). Mais Avraham ne voyait que ses qualités morales et les efforts qu’elle faisait pour convertir les femmes (Béréchith Raba 39:21, 84:2). Yits’haq suivait le chemin de ses parents.
 
Rachi explique (ad. loc.) : “Yits’haq multiplia les prières et les supplications afin que D-ieu accorde à sa femme Rivqa des enfants en bonne santé.” Il priait “vis-à-vis de sa femme”, c’est-à-dire pour n’avoir des enfants que d’elle et non pas d’une autre, et pour qu’ensemble ils transmettent à leur descendance ce qu’il avait reçu de son père Avraham. “La grâce est mensongère et la beauté éphémère, la femme qui craint D-ieu mérite les louanges (Michlé 31:30).
 
Toute femme ne désire pas se consacrer à l’éducation des enfants, mais les Sages louent celles qui le font (Berakhoth 17a) : “De quoi les femmes sont-elles récompensées ? De l’éducation qu’elles donnent à leurs enfants.” La femme d’aujourd’hui qui préfère se parer de vêtements et de bijoux afin de plaire à son mari, pense sans doute qu’“Une femme agréable est un plaisir pour l’homme” (Berakhoth 57b), mais il n’en est pas ainsi car une telle préoccupation pourrait l’amener à négliger les soins dus aux enfants et les astreintes de leur éducation.
 
Si elle se préoccupe de sa beauté, son mari sera attiré par son apparence et il prêtera moins attention à l’éducation des enfants.
 
Nous savons (Tan’houma Ki Tétsé 1) à propos de David HaMelekh (le Roi David) que c’est parce qu’il a épousé une femme pour sa beauté qu’Avchalom et Amnon sont nés.
 
Le Midrach cité souligne aussi qu’il y a un lien de cause à effet entre la section de la Tora qui prescrit : “Quand tu iras à la guerre contre tes ennemis et que l’Éternel ton D-ieu les livrera entre tes mains et que tu prendras des otages, si tu vois parmi les prisonniers une femme belle qui te plaît, que tu désires, tu la prendras pour épouse” (Devarim 21:10-11) et la section qui suit : “Si un homme a un fils libertin et rebelle…” (ibid. 21:18) car la beauté physique est trompeuse.
 
Par contre, si l’on prête moins attention à la beauté extérieure qu’à la beauté intérieure et aux qualités intrinsèques, car “une femme qui craint D-ieu mérite les louanges” (Michlé, ch. 30), il est possible de donner une bonne éducation aux enfants et de graver les valeurs spirituelles des parents dans le coeur des enfants. Telle était la grandeur d’Avraham qui avait placé tous ses efforts en Yits’haq et qui n’avait vu que la beauté intérieure de Sara.
 
C’est pourquoi Yits’haq lui ressemble dans toutes ses qualités et dans tous ses actes. Yits’haq est loué pour avoir continué dans la voie d’Avraham, pour lui avoir ressemblé, lui qui n’a pas épousé Rivqa pour sa beauté. Grâce à la bonne éducation qu’Yits’haq a reçue d’Avraham, il a pu continuer à générer dans le monde des bonnes actions, et être l’un des trente-six Justes qui sont les piliers du monde (Souca 45b).
 
Nous avons des preuves de la noblesse, de la vertu et de la pudeur de Rivqa. Personne ne la connaissait, par contre Yits’haq était connu et reconnu par tous pour être le fils d’Avraham. Il était surtout connu parmi les philistins, voisins du pays de Canaan. Il est certain qu’Avimelech, roi des philistins, connaissait Yits’haq comme il avait connu son père Avraham.
 
Lorsque Yits’haq arriva, à cause de la famine, au pays des philistins avec sa femme Rivqa (Béréchith 26:1), il dit : “Elle est ma sœur” (ibid. v. 7). Ce n’est que lorsque Avimelech vit Yits’haq “jouer” avec Rivqa qu’il lui dit (ibid. v. 9) : “Assurément, c’est ta femme”, ce qui montre que les gens ne la connaissaient pas et ne savaient pas qui elle était, tant elle était pudique et sa beauté tout intérieure, qualité qui est nécessaire pour guider les enfants dans le service de D-ieu.
 
Cela nous permet de comprendre ce que disent les Sages (Chir HaChirim Raba 1:24 entre autres) : “Au moment de donner la Tora, D-ieu demanda à Israël des garants. Ce n’est que lorsqu’ils proposèrent leurs enfants comme garants que D-ieu accepta.”
 
D-ieu savait qu’Avraham ordonnerait à ses enfants d’observer la Tora et d’en pratiquer les commandements, comme il est écrit (Béréchith 18:19) : “Pour qu’il prescrive à ses enfants et à sa maisonnée après lui”, c’est-à-dire qu’ils se portent garants de lui, et il est certain que les Patriarches ont institué la garantie des enfants. Ce sont les Patriarches qui ont ancré dans les générations futures la capacité de surmonter toutes les épreuves et de les vaincre comme eux-mêmes les ont vaincues. Tout ce qu’ils ont fait est un exemple pour leurs enfants (Souca 34a).
 
Les pères ne peuvent pas être les garants de leurs enfants, puisque Yits’haq est le garant d’Avraham, et Ya’aqov le garant d’Yits’haq, et les enfants de Ya’aqov sont ses garants jusqu’à l’exil en Égypte ; après cela ils oublièrent la Tora à cause de l’oppression de l’esclavage. C’est l’enfant qui veille sur la tradition des ancêtres.
 
Le verset dit : “Telles sont les générations d’Yits’haq, fils d’Avraham, Avraham engendra Yits’haq” indique que les engendrements essentiels d’Yits’haq proviennent d’Avraham et de sa capacité à enseigner à ses enfants le service de D-ieu. C’est dans ce sens qu’“Avraham engendra Yits’haq”, afin qu’il se porte garant de lui, faute de quoi il n’aurait pu s’assurer un avenir.
 
Cela nous permet de comprendre le verset (Ichaya 29:22) : “Ainsi parle l’Éternel à la maison de Ya’aqov, le libérateur d’Avraham.” Il est difficile de comprendre pourquoi les bonnes actions d’Avraham ne lui suffisent pas à se libérer, et pourquoi il a besoin de Ya’aqov pour le sauver. De plus, pourquoi n’est-ce pas Yits’haq qui a sauvé Avraham, grâce à son sacrifice, pur et parfait ?
 
Pourtant, sur la base de ce que nous avons dit plus haut, cela est clair. Avraham eut des enfants imparfaits, dont Ichmaël, qui n’étaient pas capables d’être ses garants. De même Yits’haq a donné naissance à 'Essav qui n’était pas un garant acceptable, puisque les fautes et la mauvaise conduite d’'Essav ont causé l’affaiblissement de la vue d’Yits’haq (Tan’houma Toledoth 8), comme il est dit (Béréchith 27:1) : “Yits’haq vieillit et sa vue s’obscurcit.”
 
C’est aussi à cause de la mauvaise conduite d’'Essav que la vie d’Avraham fut abrégée et “il est mort avant son temps afin de ne pas voir son petit-fils prendre un mauvais chemin“ (Baba Bathra 16b ; Béréchith Raba 63:16). Loin de nous l’intention de dire qu’Avraham et Yits’haq étaient imparfaits ; au contraire ils étaient parfaits et saints, mais ils craignaient la mauvaise influence d’Ichmaël et d’'Essav.
 
Par contre, Ya’aqov a engendré ses enfants dans la sainteté et ils étaient tous vertueux et saints comme lui (Pessa’him 56a ; Sifri Devarim 6:4). Lorsque Ya’aqov quitte Béer Cheva et se marie, il est capable de surmonter les épreuves que Laban lui fait subir, pires que celles qu’il subit avec son frère 'Essav (Béréchith Raba 75:6), et c’est lui qui a donné naissance aux “tribus de l’Éternel en témoignage d’Israël” (Téhilim 122:4). Il est donc, lui, un garant solide, car il est parfait en tout. Il était un garant solide pour Yits’haq son père et pour Avraham son grand-père.
 
Celui dont la garantie est solide mérite de venir au secours d’Avraham, le père de la nation et le père de toutes les nations (Béréchith Raba 46:6), et le premier à proclamer la vraie foi.
 
Comment Avraham a-t-il réussi dans tout ce qu’il entreprenait ? Sûrement grâce à la garantie et au mérite de Ya’aqov et de ses enfants, grâce auxquels il fut sauvé de la fournaise ardente, comme le disent les Sages (Béréchith Raba 63:2 entre autres). Tout dépend du mérite des enfants et du pouvoir des parents, et essentiellement du succès d’une éducation parfaite.

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