Comprendre sa souffrance

Si quelqu'un affirme croire en la providence divine individuelle, il doit croire également que toute souffrance, peine ou manque, proviennent du Créateur, béni soit-Il.

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le Rav Shalom Arush

Posté sur 06.04.21

Un grand danger
 
Sache que rien n’amène plus la rigueur que la tristesse et l’amertume. Nous voyons en effet dans la section de la Tora sur les réprimandes (livre du Deutéronome), que toutes les redoutables malédictions proviennent du manque de joie, comme il est écrit (Deutéronome 28) : “Parce que tu n’auras pas servi HaChem avec joie et contentement du cœur”.
 
Ce reproche est encore plus grand lorsque l’homme étudie la Tora, qu’il accomplit les commandements et malgré tout, n’est pas satisfait de son lot, comme le Rambam l’écrit (lois du Chofar, du Loulav et de la Souka, chap. 8, loi 15) : “La joie d’accomplir un commandement par amour d’HaChem qui le lui ordonne est une grande adoration en-soi. Et celui qui n’éprouve pas cette joie est passible d’être puni, selon ce verset : “Parce que tu n’auras pas servi HaChem avec joie et contentement du cœur”.
 
HaChem, béni soit-Il, est Juste et dirige l’homme avec clémence et avec indulgence. Lorsque l’homme est mécontent, il montre qu’il ne croit pas que la providence divine est juste et miséricordieuse et il éveille l’application stricte de la loi, jalouse de l’honneur d’HaChem. L’homme mécontent accuse en réalité HaChem de se conduire injustement envers lui et il n’existe pas de profanation plus grande que celle-ci.
 
De suite, on ouvre dans les Cieux les livres de comptes de cet homme et on contrôle la véracité de son accusation, car Là-haut on ne veut être redevable envers qui que ce soit. Il s’avère, bien sûr, que cet homme est coupable et que d’après son débit et son crédit, HaChem béni soit-Il s’est conduit envers lui avec bonté et clémence et l’attribut de la justice exige que cet homme soit puni, selon la stricte application de la loi.
 
Si cet homme n’avait pas crié justice, mais était heureux de son sort, personne n’aurait objecté la conduite clémente du Créateur à son égard. Malheur à celui pour qui on applique strictement la loi, comme il est dit (Psaumes 143) : “N’entre pas en jugement avec Ton serviteur, car aucun vivant ne peut se trouver juste à Tes yeux”.
 
Il n’y a pas de souffrance sans faute
 
Le Judaïsme, la foi et le monde entier reposent sur le principe que toute souffrance est motivée par une faute. Na’hmanide l’écrit dans son commentaire sur la Tora (section Bo) : “L’homme ne participe pas à la Tora de notre maître Moshé, s’il ne croit pas que tout ce qui nous arrive est une suite de miracles ! Si l’homme réalise le commandement, il sera récompensé, s’il le transgresse, il sera puni, car tout est décidé selon le décret divin. En fait, il n’y a rien de naturel dans la conduite collective ou individuelle du monde”. En d’autres mots – l’homme qui vit dans la foi que tout ce qui lui arrive est décrété par le Créateur et qui croit qu’il n’y a pas de souffrance sans faute – seul un tel homme vit le vrai Judaïsme. L’erreur de l’homme qui pense croire en la providence divine individuelle, mais qui ne fait pas dépendre ses plus petites souffrances de ses fautes, peut être expliquée de deux façons :
 
1) Soit il pense que le Créateur punit ses créatures sans raison et qu’Il a créé le monde pour les abuser, que D. nous en garde. Or, la conscience de l’homme refuse qu’une telle pensée soit attribuée au Créateur, bon et bienfaisant, comme le dit le roi David, que son âme repose en paix (Psaumes 145) : “HaChem est juste dans toutes Ses voies et bienveillant dans toutes Ses actions”, et encore (id., 92) : “Proclamer qu’HaChem est droit, qu’Il est mon rocher, dépourvu d’iniquité”. En effet, si les créatures inférieures s’emploient à faire du bien à leur progéniture, est-il raisonnable de penser que le Créateur soit pire qu’elles et se conduise cruellement envers ses créatures ? L’homme qui pense d’une telle façon possède une foi perverse et corrompue.
 
2) La seconde possibilité est la suivante : même s’il le proclame, cet homme ne croit pas réellement en la providence divine individuelle, mais il attribue ses souffrances à la nature et au hasard. Il se culpabilise ou accuse les autres, ce qui est ni plus ni moins de l’athéisme.
 
En conclusion : si quelqu’un affirme croire en la providence divine individuelle, à savoir, que tout provient d’HaChem béni soit-Il, il doit croire également que toute souffrance, peine ou manque, proviennent du Créateur, béni soit-Il. Ces souffrances sont fondées et chacun doit arriver à la conclusion que ses fautes causent ses souffrances. Tout est dispensé avec justice, et l’intention du Créateur qui lui fait subir des souffrances conduit au bien. De quel bien s’agit-il ? L’éveiller à la nécessité de corriger ses actions, de redresser ses voies, afin de mériter du bien final et de la vie heureuse.
 
L’homme qui vit selon le principe ‘qu’il n’y a pas de souffrance sans faute’ se rapproche davantage du Créateur dans l’adversité, car il cherche à connaître le Saint béni soit-Il, à travers tous les événements de sa vie et s’efforce de comprendre à travers ses souffrances, comment HaChem le rapproche de Lui. Un tel homme possède une foi parfaite.
 
La crainte du Ciel
 
Le qualificatif ‘craint le Ciel’ ne s’applique qu’à celui qui pratique son examen de conscience, confesse ses fautes, demande leur expiation et s’évertue à corriger ses actions. Celui qui ne pratique pas l’examen de conscience journellement ne peut s’appeler ‘craignant le Ciel’, car il vit avec le sentiment qu’il est le maître de sa destinée, qu’il n’a personne à qui rendre des comptes sur ses agissements, qu’il peut faire ce que bon lui semble et que personne ne le punira. Il est même loin du niveau inférieur de la crainte du Ciel, qui est celui de la crainte de la punition.
 
S’il possédait la crainte la plus élémentaire de la punition, il aurait peur d’être puni de ses fautes, et il est certain qu’il pratiquerait journellement l’examen de conscience, confesserait et demanderait le pardon pour chacune de ses transgressions ou fautes commises. De même, il supplierait d’être épargné, à l’avenir, de toute faute.
 
En vérité, l’homme qui ne pratique pas constamment l’examen de conscience est loin de la droiture minimale, car même d’après les normes de ce monde, lorsqu’un homme blesse ou fait souffrir un autre, s’il possède un minimum de droiture et de décence, il se tournera vers l’autre et lui demandera pardon. S’il doit se comporter avec droiture envers autrui qui est son égal, à plus forte raison doit-il se tourner vers le Créateur – qui le nourrit et lui dispense toujours ses bienfaits – et Lui demander pardon lorsqu’il a désobéi à sa volonté.
 
Cet homme est éloigné de la crainte du péché, c’est-à-dire de savoir que la faute est très nuisible et qu’il doit tout faire pour ne pas fauter. Il est encore plus éloigné de la crainte de la grandeur d’HaChem, c’est-à-dire d’éprouver la honte d’avoir fauté ou même d’avoir un peu lésé la dignité et l’éminence du Monarque.
 
Le principe de la crainte des Cieux consiste pour l’homme à croire aux rétributions terrestres. En d’autres termes, à croire que tout ce qui arrive, succès ou souffrance, que D. nous en préserve, tout provient du Saint béni soit-Il qui récompense ou punit selon les actions. Il doit aussi pratiquer journellement son examen de conscience, etc., ce qui n’est possible que s’il vit selon la règle qu’il n’y a pas de souffrance sans faute.
 
Chacun veut que tout aille pour le mieux, réussir dans la vie, vivre dans l’abondance, etc. Lorsque l’homme sait qu’il sera puni s’il faute dans ce monde, il est certain qu’il s’éveille à la crainte du Ciel, qu’il pratique journellement son examen de conscience et corrige ses actions afin d’éviter les souffrances. Lorsqu’il constate qu’il a trébuché, il se repent et confesse ses fautes, car il craint la punition. A plus forte raison, lorsque les souffrances sont déjà présentes, l’homme s’éveille au repentir afin qu’elles soient retirées et craint que l’absence du repentir ne conduise à de nouvelles punitions, car les souffrances s’aggravent lorsque l’homme ne réagit pas.
 
Tant que l’homme attribue ses souffrances à autre chose que ses propres fautes, cela signifie qu’il est bien loin de la crainte du Ciel. Il est alors évident qu’il vit sans rendre de comptes au Créateur. Non seulement il ne s’éveille pas au repentir, mais il s’enlise encore plus dans l’apathie, la somnolence et la dissimulation.
 
Il en résulte que la crainte du Ciel n’est possible que par le principe qu’aucune souffrance n’existe sans faute. En effet, l’homme le plus simple n’ignore pas que le monde est rempli de souffrances, de punitions et de bâtons, et on peut comprendre qu’elles provoquent l’éveil de la crainte du Ciel, car la révérence du Ciel débute par la peur de la punition. Dès lors, l’homme s’élève d’échelon en échelon jusqu’à la révérence de la grandeur d’HaChem, comme il est rapporté (Likouté Maaran, 15) que les peurs ressenties pour toutes sortes de punitions à venir sont les résultats de la punition prenant la forme de cette peur, afin d’éveiller l’homme à la peur de la punition et l’amener à la crainte d’HaChem idéale.
 
Pourquoi souffre-t-on ?
 
Il convient de rapporter ici, ce que nous avons dit à propos de la tristesse sous le titre ‘Pourquoi dois-je souffrir ?’, car la tristesse est la première faute pour laquelle l’homme est jugé. Nous avons anticipé sur ce thème au début du chapitre, parce que nombreux sont ceux qui se seraient affolés et auraient été déprimés si on avait commencé ce chapitre avec la règle qu’il n’existe pas de souffrance sans faute. Ils auraient probablement abandonné la lecture avant d’arriver là où il est écrit que l’homme doit être joyeux et satisfait de lui-même.
 
Il convient maintenant de rappeler qu’avant tout examen pour détecter l’origine de ses souffrances, l’homme doit se demander s’il n’a jamais fauté par une vaine lamentation ou dans l’ingratitude, et il doit travailler sur la joie et la gratitude. Il doit arriver au niveau où il est vraiment satisfait de lui-même, de ses vertus, de son sort ; où il remercie et loue HaChem et ressent en vérité que tout ce dont il dispose est un don altruiste et une pure bonté d’HaChem. C’est seulement alors qu’il pourra examiner ses actions, comme nous l’expliquons à présent.
 
a) Entre l’homme et son prochain.
 
Les souffrances les plus dures et qui se prolongent longtemps proviennent en général des fautes entre l’homme et son prochain. La peine la plus infime causée à son prochain, se transforme en une grave faute qu’il ne peut expier qu’avec le pardon de l’offensé. Tant qu’il n’est pas pardonné, l’homme est jugé dans les Cieux et subit des souffrances sans cause apparente et que rien ne peut empêcher. Même s’il se repent, même s’il est un parfait Juste devant HaChem, rien n’y fera jusqu’à ce que la personne offensée soit apaisée. Alors, la faute est expiée et les souffrances disparaissent.
 
b) L’accomplissement des commandements.
 
Les souffrances signifient à l’homme, soit qu’il transgresse des commandements négatifs, c’est-à-dire qu’il commet des actions interdites par la Tora, soit qu’il néglige des commandements positifs, c’est-à-dire qu’il s’abstient d’accomplir des actions que la Tora lui ordonne de réaliser.
 
c) L’orgueil.
 
Toute faute résulte de l’orgueil, comme il est dit (Deutéronome 8) : “Peut-être ton cœur s’enorgueillira-t-il et tu oublieras HaChem, ton D.” Les souffrances viennent donc suggérer à l’homme qu’il ne vit pas selon la foi que rien n’existe hormis Lui et qu’il n’est que néant. Toutes les chutes de l’homme proviennent de son orgueil, comme il est écrit (Proverbes 16) : “L’orgueil précède la ruine, l’arrogance est le signe avant-coureur de la chute”. Si l’homme y réfléchit, cette règle se confirme dans tout ce qui lui arrive.
 
L’homme souffre pour son bien et afin de briser son orgueil, car l’arrogant ne peut s’approcher du Créateur, comme nos Sages de mémoire bénie nous l’enseignent (traité Sota, 8) : Le Saint béni soit-Il dit à propos de l’orgueilleux : nous ne pouvons pas vivre ensemble”, comme il est dit (Psaumes 101) : “Je ne peux supporter les yeux hautains et un cœur enflé d’orgueil”. C’est-à-dire que le Saint béni soit-Il se retire, pour ainsi dire, de tout lieu où se trouve l’orgueil. HaChem n’accorde aucune aide à l’homme orgueilleux qui par conséquent s’effondre, car qui peut réussir sans l’aide d’HaChem ?
 
L’explication est la suivante : comme la foi est la finalité de l’homme, et que l’orgueil est opposé à la foi, le Saint béni soit-Il abandonne l’homme orgueilleux. Sache que la tristesse est la plus grande expression d’orgueil qui soit. En effet, la tristesse résulte de ce que l’homme pense qu’on lui doit quelque chose, qu’on lui est redevable, etc. Par conséquent, le Saint béni soit-Il délaisse aussi celui qui est triste, comme il est écrit dans Sefer HaMidot (Tristesse, 14) : “C’est à cause de la tristesse de l’homme, que le Saint béni n’est pas avec lui”
 
Mesure pour mesure
 
Afin que l’homme sache interpréter les allusions du Créateur et comprendre quelle faute motive ses souffrances, il doit savoir que le Saint béni soit-Il dirige le monde mesure pour mesure, c’est-à-dire que les souffrances sont distribuées de telle façon que l’homme peut savoir d’après elles ce qu’il a endommagé. Par exemple, s’il a enfreint le commandement des Tefillins attachés à la main gauche, il souffrira de sa main gauche, etc.
 
 
À suivre…

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