La prière comme offrande

Principe universel, leçon qui s'applique à tous les temps : lorsque quelqu'un se sentira démuni de valeurs spirituelles, pauvre en bonnes actions et en sagesse...

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le rabbin Israël Yits'haq Besançon

Posté sur 06.04.21

L’offrande du pauvre
 
Au temps du Grand Temple de Jérusalem, il y avait toutes sortes de sacrifices qui permettaient aux fidèles de se rapprocher de D-ieu ou de réparer leurs fautes. Des taureaux, des veaux, des moutons, des tourterelles… mais celui qui n’avait pas les moyens de faire une telle offrande (le pauvre), à celui-ci la Tora disait : "Lorsqu’une âme apportera un sacrifice d’oblation, il offrira de la fleur de farine…"  (Lévitique)
 
Son humble offrande, ce peu de farine, porte le nom d’un sacrifice à part entière, et qui plus est, le seul où soit mentionnée l’expression “une âme”. Ce qui signifie – selon Rachi – que "l’Éternel considère ce sacrifice comme un don de soi-même, un sacrifice de son âme."
 
Mais où est donc l’exploit de ce pauvre, pour que la Tora lui confère un si noble rang ? Son offrande est minime, mais elle est proportionnée à ses ressources et n’est relativement pas plus coûteuse que le taureau du riche. En quoi réside sa valeur pour que la Tora mentionne une “âme”, expression qui ne figure pour aucun autre sacrifice ?
 
La grandeur de ce pauvre, l’exploit qu’il accomplit en amenant sa farine, c’est son humilité !
 
Dans la Maison de la Splendeur où résonnent les mélodies des Lévites, où se presse une foule zélée, là où brillent l’or et l’argent, le pourpre et les bois précieux, là où abonde le bétail et où s’élèvent les senteurs sublimes, voici le pauvre accourant avec sa petite écuelle de farine : s’il était orgueilleux, il serait resté chez lui! S’il n’avait pas les moyens d’offrir un sacrifice honorable, il en aurait eu honte et se serait caché.
 
Mais dépassant sa fierté, il se décide malgré tout à se rapprocher de D-ieu, à sa manière et selon ses moyens. Il brave les regards et fait taire son cœur pour immoler devant l’Éternel le fruit de son élan profond. Il a vraiment offert son “âme” !
 
Principe universel, leçon qui s’applique à tous les temps : lorsque quelqu’un se sentira démuni de valeurs spirituelles, pauvre en bonnes actions et en sagesse, il faudra qu’il reconnaisse son manque (c’est le point de départ) mais que cette prise de conscience ne l’écarte pas, qu’elle ne l’empêche pas de chercher un moyen de progresser, un moyen à sa portée.
 
Car si sa pauvreté l’accablait, s’il ressentait une honte extrême, il s’enfoncerait  dans la résignation et s’appauvrirait encore plus. Au contraire, il devra compter sur l’infinie bonté du Créateur, sur l’amour immense qu’Il nous témoigne en nous donnant un espoir à chacun, qu’elle que soit sa misère ou sa déchéance ! A preuve, l’offrande d’oblation, celle du pauvre que la Tora relève au rang des plus hauts honneurs !
 
La bonté de D-ieu n’a pas de limite. Elle transforme les situations les plus désespérées, elle chérit nos initiatives les plus humbles, pourvu que nous bannissions toute fierté mal placée et que nous offrions, au moins, le peu que nous possédons.
 
Ainsi, lorsqu’un homme égaré décide de se relever, de se reprendre, s’il ne parvient pas à se corriger comme le faisaient les repentants de jadis, (il n’a pas la force de jeûner, de se livrer à l’ascèse) – qu’il ne renonce pas pour autant à faire le peu qui lui est encore possible ! Car le moindre pas, la moindre initiative est infiniment précieuse aux yeux du Créateur. C’est le sacrifice du pauvre que D-ieu chérit et nomme "un parfum sublime".
 
Aujourd’hui, nous n’avons plus notre Maison de Gloire. Nous sommes en exil, et pourtant, ce qui va remplacer le sacrifice, ce sera notre prière. Toutes les nations qui ont perdu leur gloire, ont aussitôt sombré dans la décadence, la désagrégation. C’était la fin de tel ou tel empire, de telle ou telle civilisation. Israël a perdu sa Maison de Gloire, mais il ne s’est pas pour autant désagrégé, parce qu’il a appliqué le principe de l’humble : l’offrande. Je ne peux plus faire de sacrifice. Je vais au moins prier !
 
Ceci se prolonge et s’applique à chacun, selon son niveau : "Je ne peux pas faire une prière parfaite ? Je la ferais au moins à ma manière."
 
Ne jamais renoncer complètement.
 
Il ne nous est demandé que ce que nous pouvons faire. "Prenez avec vous des paroles et revenez vers D-ieu ! " Pour revenir vers D-ieu, on ne nous demande que des paroles, des prières. Et les plus belles sont celles que font les pauvres…
 
"Prière du pauvre lorsqu’il sera opprimé et devant D-ieu, versera sa complainte ! " (Psaumes) Certes il la verse, comme on verse de l’eau apparemment sans conviction, sans grande ferveur. Mais il s’y contraint parce que c’est tout ce qu’il peut faire : Oh ! Que D-ieu chérit cette prière ! Il arrive par ce moyen au but qu’il s’était fixé : faire amendement, se réconcilier !
 
Il ressort de tout cela qu’il ne faudra jamais renoncer, jamais se résigner. Qu’on soit pauvre misérable, démuni à l’extrême, relevons-nous, portons au moins un peu de farine, faisons une modeste offrande.
 
Ce que dit la Tora est intemporel, universel. Nos guides atteignent par leur réception, ce qu’il y a d’actuel en chaque acte saint. Ils montrent la relation qui existe entre l’esprit du verset et notre situation personnelle. Ainsi, le Machia’h (le Messie) que nous attendons est surnommé un "pauvre qui chevauche sur un âne."
 
Pour nous apprendre – à nous les exilés – que la rédemption dépend de la façon selon laquelle nous aurons su être “pauvres”. C’est-à-dire reconnaître sa situation – mais ne pas désespérer pour autant.
 
Les Maîtres n’ont pas été autorisés à nous dévoiler complètement jusqu’où s’étend la bonté de la clémence de notre Père. Mais ils nous l’ont fait sentir. Celui qui voudra sauver son âme, pourra comprendre que le découragement est une absurdité.
 
En faisant confiance aux paroles des Maîtres, il n’aura plus honte de faire son humble prière. Ses modestes efforts atteindront alors une envergure infinie.
 
Le tonneau
 
Un fidèle eut un jour l’idée d’offrir au Ba’al Chem Tov tout un tonneau de vin. Pour que ce vin soit une offrande pure et que le Saint l’élève par la célébration du qidouch, le ‘hassid décida de faire lui-même ce vin, en veillant à ce que toutes les lois soient respectées de la manière la plus rigoureuse. Ceci, en plus des intentions très pieuses et de la ferveur d’œuvrer pour le Maître…
 
Après de longs labeurs, puis après avoir sommeillé à l’ombre de la cave, le tonneau vit enfin le jour. Un beau matin, à l’approche des fêtes, le ‘hassid chargea le précieux présent sur sa charrette, l’attachât solidement et le couvrit de plusieurs bâches. Il prit la route pour acheminer son inestimable fardeau vers la ville de Mezboz.
 
Chemin faisant une troupe de grossiers soudards arrêta la charrette et le sergent ivre et furieux, discernant à travers les bâches la forme d’un tonneau, ordonna au juif de régaler la troupe avec une bonne tournée de vodka. "Ce n’est pas de la vodka", dénia le ‘hassid, "ce n’est que du vin ! " Mais le sergent prenant cela pour une ruse, persista à affirmer que le tonneau contenait une excellente vodka que le ‘hassid cherchait à dissimuler…
 
Voyant en plus que le fidèle paniquait, le sergent fut de plus en plus agité. A bout de nerfs, il monta sur la charrette, malmena le tonneau, ouvrit le bouchon, goûta, cracha, en maudissant :
 
"C’est bien du vin ! Garde ton vin ! "
 
Le tonneau était ainsi profané, ruiné !
 
Quand le pauvre ‘hassid brisé parvint à Mezboz, il conta sa mésaventure au Maître : "J’avais tout fait pour bien faire et j’ai échoué ! Dites-moi quelle erreur j’ai pu commettre pour que mon offrande soit ainsi profanée ! "
 
"Tu as certes agis de ton mieux, expliqua le Ba’al Chem Tov, mais tu as oublié la précaution principale : prier D-ieu pour qu’Il protège ton tonneau de vin ! "
 
Dialogue avec le corps
 
L’art de percevoir le Divin dans le quotidien.
 
Parmi les méthodes de connaissance de soi et d’accès au Divin à partir du monde visible : le dialogue avec son corps. Notre ami Ya’aqov Ojalvo a expérimenté, puis mis au point cette méthode. Il s’agit de s’adresser aux parties dont nous désirons améliorer la condition physique ou spirituelle. Après un peu de pratique, un rapport s’établit, nous percevons la vie "consciente" qui habite la matière – notre propre chair.
 
Plus encore, une unification : nous devenons présents à nous-mêmes: mon pied et mon esprit ne font qu’un avec ma partie cognitive, seuls les degrés et fonctions les distinguent. Grâce à l’attention positive que le méditant témoigne à ses membres au moyen de ce court dialogue quotidien, ceux-ci s’éveillent et revivent. Dans un stade encore avancé, c’est le Divin qui se révèle à nous et nous le percevons à travers les gestes les plus simples de la vie quotidienne sous forme d’une sublime mélodie.
 
Cette méditation que Rabbi Na’hman recommanda vivement, fait partie de notre tradition et remonte aux périodes les plus antiques, lorsque les maîtres enseignaient l’art de vivre le Divin en le retrouvant dans le commun.
 
La thèse de Ya’aqov – fruit de longues années de pratique – fut publiée en hébreu sous le titre “ד’בור לאבר’ס ” (“Paroles pour les membres”) aux éditions du Chant Nouveau – Tel-Aviv.
 
À suivre…
 
Extrait du livre “La porte du ciel – Hitbodédouth ” par Rabbi Israël Yits’haq Besançon. Reproduit avec l’aimable autorisation des Éditions du chant nouveau.

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