Une déconstruction constructive
Regretter une action que nous avons faite le plus souvent avec plaisir, c'est faire passer le Volonté divine avant la nôtre ; cela est se détruire.
7 eloul 5768 – 7 septembre 2008
Ça y est ! Nous sommes dans le mois d'éloul !
Les jours qui nous séparent de Roch Hachana (le jour de l'an juif) semblent défiler à une allure folle et dans très peu de temps, nous serons au seuil d'une nouvelle année, la 5769ième. Ainsi, si nous n'avons pas encore pensé à nous rapprocher de notre Créateur, il est encore temps, le tout consiste maintenant à ne pas trop traîner les pieds.
Le mois juif d'éloul, le dernier mois de l'année, est le mois de la téchouva (du repentir). Nous savons à peu près tous-tes que repentir signifie “ressentir le regret d'un péché avec le désir de le réparer et de ne plus y retomber.” Se repentir est donc un processus à deux phases : la première consiste à regretter ce qu'on a fait, tandis que dans la seconde, nous affichons notre résolution de ne plus retomber. Dit plus simplement, se repentir c'est se détruire afin de se reconstruire.
Lorsque nous regrettons ce que nous avons fait, c'est que nous prenons conscience que nos actions ne correspondaient pas à la volonté de D-ieu. Cela ne veut pas toujours dire que nous n'aimerions pas refaire ce que nous avons fait. Plutôt, en sachant que le Créateur ne prend pas de plaisir à nous voir faire une action spécifique, nous regrettons de l'avoir faite.
Regretter une action que nous avons faite le plus souvent avec plaisir, c'est faire passer le Volonté divine avant la nôtre ; cela est se détruire. Nous cassons notre volonté pour laisser la place à celle d'Hachem ; nous fermons la porte à nos désirs afin d'ouvrir celle de la sainteté. Nous nous effaçons, nous nous détruisons.
Si le repentir s'arrêtait là, nous n'aurions fait que la moitié du chemin. Si le but de notre vie était seulement de nous détruire, il deviendrait difficile de trouver la motivation nécessaire à ressentir la joie qui doit nous accompagner toute notre vie.
Nous commençons à entrer dans la seconde phase du repentir lorsque nous décidons avec fermeté que nous ne retomberons plus. Cette volonté nous mène à désirer nous rapprocher de D-ieu, à faire notre possible afin de suivre Sa volonté et à prier, beaucoup, pour qu'Il nous aide à réussir dans cette tâche. Cette phase est sans doute la plus excitante de notre vie car c'est le moment où nous nous reconstruisons, dans la sainteté et avec l'aide de D-ieu.
Il ne faut pas croire que l'essence de la première phase du repentir est négative (regretter, se sentir coupable…) De fait, c'est lorsque nous traversons cette phase que nous construisons les récipients spirituels dont nous aurons besoin lors de la seconde phase. Après tout, de la même façon qu'un maçon a besoin d'outils pour construire un édifice, nous avons également besoin d'outils pour nous construire.
Si se reconstruire c'est se rapprocher de D-ieu, nous devons disposer des récipients adéquats pour mener notre tâche à bien. Un maçon qui ne disposerait pas d'outils pourrait tout de même construire une maison. Cependant, le résultat de ses efforts ne serait sans doute pas d'avoir construit un bâtiment de bel aspect, solide et durable. Il en va de même pour nous : si nous ne disposons pas des récipients nécessaires, notre volonté de nous rapprocher de D-ieu aura l'air bancal, peu solide et s'effacera en peu de temps.
Afin de construire les récipients dont nous avons besoin, nous devons détailler avec plus de précision le processus de la téchouva (du repentir). Dans un premier temps, nous devons fixer notre regard sur le but ultime et la raison de ce monde. Rien de tel que d'élever nos pensées pour réaliser que notre vie ne doit pas seulement servir à enrichir les magasins de vêtements, les restaurants, les agences de voyage…
Le but ultime et la raison de ce monde sont de révéler le plus souvent possible et avec la plus grande force dont nous disposons la présence de D-ieu. Cela paraît un grand principe, mais à notre niveau, cela prend souvent des allures simples : réciter une courte bénédiction avant de boire un simple verre d'eau ; s'habiller d'une façon modeste ; commencer à prier…
Dans un second temps, nous devons apprendre ce que nos Sages nous ont demandé de faire ; point d'apprenti-e digne de ce nom qui ne lit pas son manuel d'école ! Nous aussi devons passer par l'apprentissage de la vie : connaître ses règles de fonctionnement, les plus et les moins, les raccourcis possibles pour arriver plus vite à destination, les voies à éviter pour ne pas rencontrer d'échecs… Cet aspect est celui de l'étude.
Chaque personne étant différente des autres, il y a de fortes chances pour qu'il soit impossible de trouver deux personnes qui étudient la même chose, le même nombre d'heures. En la matière, nous sommes récompensés-es en fonction de l'effort que nous fournissons. Le chef d'entreprise qui ne dispose que peu de temps aura un grand mérite d'étudier quinze minutes chaque soir. La personne sans emploi, devrait étudier plus longtemps.
Ce que nous étudions doit se fonder sur une lecture de la Bible, les codes de la loi (la halakha), ainsi que les livres d'éthique. Ces derniers nous permettent souvent de faire le lien entre les principes généraux, fruits de nos lectures assidues, et notre vie quotidienne. Un exemple parfait est le livre du Rav Shalom Arush : “Le jardin de la foi.” Les grands principes y sont si bien expliqués qu'on pourrait croire que le livre consiste seulement en de simples conseils d'un ami. On aurait tort : “Le jardin de la foi” est un véritable guide pour notre survie spirituelle.
Enfin, le repentir consiste à mettre tout notre cœur, c'est à dire toutes nos pensées, à atteindre le but ultime : nous rapprocher de D-ieu, réellement. Cela est comparable à un homme qui se vanterait d'être un mari parfait sous prétexte qu'il ne bat pas sa femme ! Si la majorité des pensées de cet homme étaient dirigées vers d'autres choses (son travail, ses amis, son sport favori, la musique…), pourrions-nous vraiment dire de lui qu'il est le mari exemplaire qu'il dit être ?
Nous devons penser à Hachem le plus souvent. Si celui-ci y pense cinq minutes par jour, qu'il essaie d'y penser sept ! Si celle-ci pense à son Créateur deux heures par jour, qu'elle essaie d'y penser une troisième !
Nous le constatons, se repentir c'est s'oublier pour penser à Celui qui nous a créés-es. Être humble, c'est prêter peu d'attention à nos désirs et à notre volonté, afin de nous demander quels sont les désirs et la volonté d'Hachem. Cet effacement doit aussi s'afficher lorsque nous rencontrons des oppositions, voire des moqueries, dans nos efforts de remonter à nos racines. Peu importe qu'on nous dise que respecter le Chabath est vieux jeu ; même les moqueries du style : “Ne te sens-tu pas ridicule avec une kippa sur la tête ?” ne doivent pas nous atteindre.
Certes, l'effacement dont nous parlons n'est pas toujours facile à respecter et il n'est pas atteint du jour au lendemain. Cependant, si nous savons qu'il s'agit d'une étape cruciale dans notre décision de vivre comme juifs-ves, cela nous aide à garder notre sang-froid. Dans tous les cas, on évitera de répondre aux commentaires négatifs et même aux moqueries : nous ne ferions que verser de l'huile sur du feu.
S'effacer, c'est s'annuler. S'annuler pour laisser parler la Volonté divine, c'est tenir le rôle qui nous a été donné à notre naissance. Plus nous avançons dans l'effacement, plus nous nous rapprochons de l'annulation et plus notre repentir est grand et sincère.
Lorsque la faim nous ferait dévorer la moitié du monde, s'arrêter quelques secondes afin de réciter une bénédiction avant d'avaler ce qui est à notre portée est digne d'un grand Sage. Dans la même veine, si une femme décide d'adopter une tenue vestimentaire plus modeste et de porter une jupe en-dessous du genou, cela la place au niveau des grandes matriarches du peuple juif. Notre génération est très loin de ces concepts, et les personnes qui s'y applique ont un très grand mérite.
Prier est sans doute le meilleur exemple de l'effacement de soi. Tandis que le monde extérieur nous appelle à ses occupations souvent futiles, si nous prenons le temps de parler à D-ieu, nous faisons une grande preuve d'abnégation. Par la même occasion, nous affichons avec conviction notre émouna (foi) : prierions-nous si nous ne croyions pas en D-ieu ?
Pour avancer à grands pas dans le repentir, Rabbi Na'hman de Breslev a conseillé de réciter les Psaumes. Ceux-ci ne sont pas réservés, que D-ieu nous préserve, aux heures où la tragédie frappe ; ils ne sont pas non plus la chasse gardée de nos grand-mères. Bien plus, les Psaumes nous permettent d'ouvrir les yeux sur la nature exacte des obstacles que nous rencontrons dans notre vie. Une lecture adéquate des Psaumes est celle où nous sentons que ceux-ci s'adressent à nos problèmes, nos défis… En rédigeant les Psaumes, le Roi David était moins intéressé à raconter ses déboires qu'à nous aider à relever les nôtres.
Faisons le pari suivant : que toutes les personnes qui auront récité les Psaumes d'une façon assidue pendant le mois d'éloul nous fassent part de leur sentiment. Que ces personnes laissent s'exprimer leur âme et nous partageront avec nos lecteurs leurs sentiments. Bien malheureuses seront les personnes qui seront restées sur le bas-côté !
Concluons notre propos. Se repentir, c'est remettre les choses à leur place, là où elles ont été prises. Lorsqu'un enfant a fait ce qu'il ne fallait pas, il a créé un “désordre” dans le domaine qui lui est imparti. S'il désire réparer la faute, il doit s'excuser et remettre à sa place ce qu'il a pris. Se repentir, c'est remettre de l'ordre dans notre vie. Nous devons nous excuser et dorénavant, essayer de mieux faire. Cela est possible en étudiant et en priant ; rien ne peut arrêter les prières sincères.
S'annuler le plus possible, c'est revivre. L'alternative sont les dépendances : de la mode vestimentaire, de la beauté, de l'argent…
S'annuler c'est se satisfaire de notre lot, quel qu'il soit. Lorsque nous sommes envahis-es d'un sentiment de joie, nous sommes véritablement libres. Dans ce cas, il nous faut prier pour tous ceux et toutes celles qui font dépendre leur sentiment de satisfaction à la couleur de leur veste, à la marque de leur pantalon, au poids que leur balance indique, à l'argent dont il-elles disposent…
Demandons à Hachem de nous aider à conserver un état d'esprit rempli de vie. Nous aborderons Roch Hachana comme nous ne l'avions jamais abordé auparavant.
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