Famille nombreuse sans enfants -Vayétsé
Malgré ses efforts, il lui était impossible de comprendre la moindre Michna et encore moins de s'en souvenir. Il engagea même un tuteur...
“Rends-moi mère, autrement j'en mourrai !” (Genèse 30:1)
Ce jour-là, Rav Moché Chlomo discutait avec sa femme Rivqa à propos de leur mariage au sein duquel l'absence d'enfants se faisait durement sentir. “Je ne comprends vraiment pas pourquoi le Ba'al Chem Tov ne veut pas nous bénir pour que nous ayons des enfants. Chaque fois que je lui demande, le Rabbi me répond en me donnant une bénédiction pour que notre commerce prospère et pour que nous devenions riches.
De fait, grâce à ses bénédictions, nos affaires ont réellement prospérées et nous sommes aujourd'hui des personnes riches. Cependant, pour quelle raison ne désire-t-il pas nous accorder une bénédiction pour que nous ayons enfin des enfants ?”
Rav Moché Chlomo était un homme simple au grand cœur et même s'il était un juif peu instruit, il essayait toujours de servir le Créateur avec toute son énergie. Les disciples proches du Rabbi avaient tellement d'estime pour Rav Moché Chlomo, sa générosité ainsi que sa sincérité, que son désespoir les touchait également profondément.
Les disciples mentionnaient souvent le nom de leur ami au Ba'al Chem Tov en lui disant qu'après plus de quinze années de mariage, Rav Moché Chlomo attendait toujours l'arrivée d'un enfant au sein de son couple. Cependant, même si le Ba'al Chem Tov semblait éprouver de la compassion – en opinant de la tête à chaque fois – il changeait immédiatement de sujet.
Un jour, le Ba'al Chem Tov invita Moché Chlomo et sa femme Rivqa à lui rendre visite. Durant leur entretien, il leur demanda : “Pour quelle raison êtes-vous tous les deux si tristes ? D-ieu vous a béni avec de nombreuses choses : la santé, la richesse et bien d'autres choses encore.”
“Mais Rabbi ” répondirent-ils en pleurant, “nous prenons de l'âge et nous n'avons toujours pas d'enfants ! Allons-nous aller vers le Monde prochain en n'ayant personne pour se souvenir que nous avons existé ?” Les larmes remplissaient les yeux du couple.
Le Ba'al Chem Tov ne répondit pas. Plutôt, il les invita à l'accompagner dans un long voyage vers une destination inconnue. Naturellement, le couple accepta sur le champ l'offre. Le même jour, trois chariots quittèrent la ville de Medzibuz : un avec le Ba'al Chem Tov lui-même ; un autre avec dix de ses plus proches 'hassidim et un autre avec Rav Moché Shlomo et Rivqa.
Pendant cinq longues journées, ils voyagèrent avec beaucoup de difficulté. Chaque nuit, ils dormaient dans des auberges tenues par des juifs. Ils passèrent Chabath dans un petit village juif qui se trouvait sur leur chemin. À chaque occasion qui s'offrait, Moché Chlomo donnait abondamment des sommes appréciables aux pauvres et à tous ceux qui en avaient besoin.
Lorsqu'ils arrivèrent finalement à leur destination, il était lundi. La petite ville dans laquelle ils se trouvaient s'appelait Brody. Le Ba'al Chem Tov demanda au conducteur de son chariot – Alexei – de s'arrêter devant la maison d'un de ses 'hassidim. Ce dernier invita tout le groupe à se reposer chez lui après ce long voyage.
Plus tard, lorsque tout le monde s'était reposé et avait partagé une collation, le Ba'al Chem Tov suggéra d'aller faire une marche dans le village.
Devant la grille d'entrée de la maison de leur hôte, se trouvait un groupe d'enfants qui jouaient. “Quel est ton nom ?” demanda le Ba'al Chem Tov à un des enfants.
“Baroukh Moché” répondit l'enfant.
“Et toi ?” demanda le Ba'al Chem Tov en se tournant vers un autre enfant. “Baroukh Moché” répondit également l'enfant.
“Et toi ?” demanda-t-il à un troisième enfant. Celui-là aussi s'appelait Baroukh Moché. Les quatrième, cinquième et sixième enfants interrogés portaient le même nom. Le septième s'appelait Baroukh David, tandis que le huitième s'appelait Mordekhaï.
Une petite fille – la sœur d'un des garçons interrogés – donna son nom, sans qu'on lui ait demandé : “Je m'appelle Berakha Léa” dit-elle.
Moché ChlomoI et sa femme Rivqa ne pouvait pas s'empêcher d'être fort surpris par le même nom partagé par ces enfants ; le groupe de 'hassidim également semblait perplexe. Cependant, le Ba'al Chem Tov ne paraissait pas du tout surpris devant cette coïncidence. Au fur et à mesure qu'il marchait, le sourire ne quittait pas son visage.
Le groupe continua à évoluer dans le village en s'arrêtant devant chaque enfant qu'il rencontrai. À chaque fois, on demandait le nom aux enfants. La réponse était invariablement Baroukh Moché ou une combinaison avec un de ces noms pour les garçons. Pour les filles, il s'agissait de Berakha Léa.
Le couple et les 'hassidim ne savaient pas quoi penser de ce village étrange dans lequel les enfants portaient à peu près tous le même nom.
Continuant leur marche, ils virent bientôt un vieil homme assis sur un banc. Visiblement, il s'agissait d'un des anciens du village.
Le Ba'al Chem Tov s'approcha du vieil homme et lui demanda : “Peut-être pourriez-vous nous expliquer la raison pour laquelle presque tous les enfants s'appellent Baroukh Moché ou Berakha Léa ?”
“Ceci est une longue histoire,” répondit le vieil homme avec un large sourire. “Cependant, si vous tenez vraiment à l'entendre…” Personne eut besoin de répondre : l'impatience se lisait sur le visage chaque membre du groupe.
“Il y a environ une centaine d'années,” commença à raconter l'ancien du village, ”il y avait dans le village un juif érudit dans la Tora et dont les bonnes actions étaient nombreuses. Ce juif s'appelait Yits'haq Chlomo. Il était le propriétaire de la boucherie du village et il gagnait bien sa vie. Il donnait abondamment la charité aux pauvres et il offrait sa viande – chaque vendredi – au rabbin du village et à la yéchiva.
Les années passaient mais Yits'haq Chlomo et sa femme demeuraient sans enfants. Finalement, après une quinzaine d'années de mariage, sa femme donna naissance à un fils qu'ils nommèrent Baroukh Moché. L'enfant grandit et on l'envoya à l'école, avec les autres enfants de son âge. Cependant, on découvrit rapidement que Baroukh Moché ne serait pas un érudit.
Même si l'enfant essayait du mieux qu'il pouvait de faire plaisir à ses parents et à ses maîtres, tout ce qu'on lui enseignait n'arrivait pas à entrer dans son esprit. Son père engagea des enseignants privés, mais même cette aide individuelle ne fit guère de changement.
Après la Bar mitswa de son fils, Yits'haq Chlomo était convaincu que s'il envoyait son fils à l'école, cela serait une perte de temps. Ainsi, Baroukh Moché quitta l'école et il commença à travailler dans la boucherie de son père. Immédiatement, il fit preuve d'une excellence qui n'avait jamais été la sienne durant toutes ces années passées à l'école.
Son père lui apprit tout ce qu'un bon boucher juif doit savoir : la façon de peser honnêtement la viande, ne pas voler les clients, les traiter avec le plus grand respect dans la mesure où tous ne pouvaient pas toujours payer leurs achats. Enfin, il apprit à son fils à envoyer chaque vendredi un paquet de viande au rabbin du village, ainsi qu'à la yéchiva.
En peu de temps, son père fut capable de laisser Baroukh Moché s'occupait tout seul de la boucherie, tandis qu'il allait étudier la Tora. En fait, il s'arrêta de venir au magasin, tellement son fils était talentueux dans son nouveau métier.
Quelques années plus tard, Baroukh Moché épousa une bonne jeune fille, Berakha Léa. Le couple mena une vie heureuse et il était particulièrement bien respecté dans toute la communauté ; cependant, il leur manquait une chose : aucune naissance n'avait amené la joie au sein du couple.
Quelques temps plus tard, Yits'haq Chlomo décéda et peu de temps après, sa femme le rejoignit. Baroukh Moché désirait honorer la mémoire de son père en apprenant des Michaniyoth. Cependant, malgré tous ses efforts, il lui était impossible de comprendre la moindre Michna et encore moins de s'en souvenir. Il engagea même un tuteur pour essayer de lui apprendre à étudier, mais rien ne restait dans sa tête plus que quelques minutes. En fin de compte et désespéré, il abandonna. Plutôt, il se rendait au hall d'étude à l'heure où le rabbin donnait une leçon sur la Bible et il écoutait ce qui se disait, même s'il ne comprenait rien.
Un jour, Baroukh Moché entendit le rabbin dire qu'une personne qui enseigne la Tora à une autre peut être considérée comme si elle était son père. Ces paroles firent un grand effet dans le cœur de Baroukh Moché. “Il est déjà triste,” pensa-t-il, “que je ne puisse pas avoir d'enfants moi-même. Il l'est encore plus de savoir que je ne serai jamais capable d'enseigner aux enfants des autres, ce qui m'aurait permis de les considérer mes enfants. Il n'existe absolument rien qui permettrait à quelqu'un de se souvenir de moi après mon décès.”
Sans y prêter attention, Baroukh Moché soupira fortement. Le rabbin se tourna vers lui et comprit immédiatement la raison de ce soupir. “Ne désespère pas,” dit-il d'un ton encourageant, “toi et ta femme êtes encore jeunes. Il se pourrait que vous soyez bénis par l'arrivée d'un enfant un jour ou l'autre.”
Baroukh Moché baissa les yeux, mais cette fois-ci, il laissa éclater sa tristesse : “Je ne sais pas si je pourrai avoir un enfant ! Aussi, lorsque vous avec dit qu'enseigner aux enfants des autres revient à en faire vos propres enfants, je me suis senti doublement triste. De fait, que suis-je ? Un rustre et un ignorant. Tout ce que je peux faire consiste à dire quelques prières. De quelle façon pourrais-je enseigner aux autres ? Que vais-je devenir ?” Des larmes coulaient le long de ses joues.
“Mais Baroukh Moché,” dit le rabbin, “mes paroles ne doivent pas être prises seulement au sens littéral. Tu peux également jouer un rôle primordial qui équivaut à celui qui leur enseigne !”
Les oreilles de Baroukh Moché s'ouvrirent toutes grandes. Que voulait dire le rabbin ? Quel espoir pouvait-il bien exister pour lui ?
“Cela est certain,” continua le rabbi ; “en embauchant un enseignant pour qu'il apprenne aux enfants d'autres personnes, tu peux remplir cette obligation et obtenir le mérite pour toi-même. Également, en aidant financièrement l'école et la yéchiva afin qu'elles puissent s'agrandir et enrôler un plus grand nombre d'étudiants, tu deviendra en quelque sorte le père spirituel de ses enfants.”
Les yeux de Baroukh Moché s'étaient illuminés. Tout ce que le rabbin avait dit lui semblait à sa portée. Il sentit qu'un esprit nouveau entrait en lui. Il se précipita chez lui et rapporta à sa femme Berakha Léa tout ce que le rabbin lui avait dit et la façon dont tout cela pouvait affecter leur vie. “Tu vois, l'espoir existe réellement pour nous. Rien n'est perdu !” Il commença de suite à esquisser les contours de son aide. Berakha Léa écoutait attentivement son mari avec un enthousiasme qui se lisait sur son visage. Elle ne négligeait pas les encouragements à son mari.
Le lendemain matin, Baroukh Moché sortit de chez lui afin de rassembler tous les enfants pauvres du village et dont les parents ne pouvaient pas payer les études. Il engagea un enseignant spécialement pour eux. Régulièrement, il rendait visite à ces élèves dans le but de constater leurs progrès. Il donnait en même temps un montant extrêmement important à la yéchiva, tout en continuant à donner la charité à toutes les personnes qui en avaient besoin. Très rapidement, on comptait par dizaines les enfants pauvres qui bénéficiaient de son aide.
Au fil des années, Baroukh Moché augmenta son aide à l'étude de la Tora. Il n'avait toujours pas d'enfants, mais ce fait ne le dérangeait plus. Lui et sa femme étaient ravis d'être impliqués dans leur projet et ils voyaient ensemble le fruit de leur travail : les jeunes enfants qui avaient étudié à l'école poursuivaient leurs études à la yéchiva et en sortaient en tant que véritables érudits en Tora. Tous étaient ravis. La boucherie de Baroukh Moché était devenue une affaire florissante, ce qui permettait à son propriétaire de poursuivre son passe-temps favori inhabituel.
Le vieil homme du village s'arrêta un instant. Très rapidement, il reprit son histoire.
“Moi-même,” dit-il fièrement, “ainsi que le rabbin du village avons étudié dans l'école fondée par ce couple merveilleux. Cela est également le cas pour tous les enfants de ma génération. Baroukh Moché et sa gentille femme Berakha Léa ont quitté ce monde depuis plusieurs années. Ils ont vécu une véritable vie riche et remplie de sens. Avant qu'ils ne quittent ce monde, ils léguèrent leur fortune en la divisant en quatre. Une partie est allée à leurs héritiers ; une autre aux pauvres ; la troisième a été réservée pour le financement de l'école et de la yéchiva ; enfin, la quatrième sert à aider d'autres causes charitables.
Comme je vous l'ai dit,” résuma le vieil homme, “ce couple merveilleux ne laissa pas d'enfants derrière lui. Cependant, ils ont laissé derrière eux plusieurs centaines d'enfants qu'ils ont aidés en leur offrant une éducation de haut niveau ; la plupart de ces enfants portent leurs noms. Voyez-vous, nous sentons qu'il s'agit de notre devoir d'immortaliser leur mémoire en appelant nos enfants d'après leurs noms ; ne sont-ils pas notre père et notre mère spirituels ? Ne s'agit-il pas d'un devoir agréable à réaliser ?
Lorsque le jour de leur hiloula arrive, nous nous rassemblons tous à la synagogue et le rabbin dirige les prières et le Qadich en l'honneur de leurs âmes saintes. Nous visitons tous leurs tombes, comme s'il s'agissait réellement de notre père et de notre mère ; de fait, sous un certain aspect, ils sont même plus grands que notre propre père et notre propre mère : ils nous ont donné la vie éternelle en nous permettant d'apprendre la Tora.” Le vieil homme du village avait terminé de raconter son histoire.
Le Ba'al Chem Tov inclina de la tête en guise de remerciements. Ensuite, accompagné de son groupe, il quitta le vieil homme afin de se diriger vers leurs appartements de résidence. Une fois arrivé dans sa chambre, le Ba'al Chem Tov s'adressa au couple en disant : “Maintenant, vous pouvez comprendre les mot du prophète Isaïe (56:5) : 'À eux J'accorderai dans Ma maison et dans Mes murs un monument, un titre qui vaudra mieux que des fils et des filles, Je leur accorderai un nom éternel qui ne périra point'.”
Le Ba'al Chem Tov continua : “'Ma maison' signifie un endroit dans lequel la Tora est étudiée ; 'Mes murs' signifie le concept de la nation juive qui croit en D-ieu qui est notre forteresse, un monument qui ne peut pas être conquis.”
“Des juifs tels que vous,” dit-il à Moché, “qui vivent par la sainte Tora de D-ieu et qui aident les autres à l'étudier méritent une portion éternelle de Tora, ainsi qu'une place éternelle parmi le peuple de D-ieu.”
Moché Chlomo et sa femme Rivqa avaient trouvé une nouvelle raison de vivre et un baume pour leur âme autrement insatisfaite. Ils cessèrent de se lamenter pour l'absence d'enfants au sein de leur couple. Plutôt, ils consacrèrent leur temps à leur nouvelle tâche, en y mettant toute la joie qu'ils pouvaient : éduquer les jeunes garçons et les jeunes filles. de la sorte, Moché et sa femme Rivqa savaient qu'ils adoptaient plusieurs centaines d'enfants qu'ils pouvaient considérer leurs propres progéniture.
Ils travaillèrent avec une totale abnégation et sans s'arrêter, jusqu'à ce que leurs âmes remontent vers le ciel. Ils n'oublièrent jamais l'exemple idéal que leur avait montré une autre couple, loin dans un village que le Ba'al Chem Tov leur avait montré.
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