Un amour superieur

Nous apprécions les bénédictions simples mais essentielles de la vie, quand nous voyions quelqu'un qui ne les a pas, comme une personne dans un fauteuil roulant ...

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Yehudit H'anan

Posté sur 18.03.21

Je parle souvent au téléphone avec ma sœur, mais lorsque que je lui rends visite je réalise la gravité de son état et je pleure à chaque fois. Depuis douze ans elle souffre d’une infection de la colonne vertébrale, et je ne peux toujours pas m'habituer à la voir dans un fauteuil roulant.  Ma dernière visite date d’il y a cinq ans, pour le décès de notre mère. J’ai voyagé dans sept pays différents au cours des cinq dernières années, alors que ma sœur n'a pas quitté son quartier sauf pour aller à l'hôpital pour ses problèmes de santé.

Rivka vit dans un petit appartement à Baltimore avec une aide à temps partiel qui s'occupe de ses besoins essentiels. Quand l'aide part dans l'après-midi, ma sœur est seule avec Hachem.

 

Que peut-on faire quand on ne peut pas se débrouiller tout seul ? Quand on ne peut pas aller d’un endroit à l’autre pour fuir des problèmes ou éviter une situation difficile à la maison ? Si j'étais confiné à un lit, que ferais-je ? Comment remplir ces heures, jours, semaines, mois et années ? Je pense que je serais devenue folle. Mais ma sœur n'est pas seulement saine d’esprit, elle est l'une des personnes les plus sages que je connaisse.

Rivka a dû faire le deuil de sa santé, de son travail, de son autonomie et de sa capacité à s'occuper d'une manière normale. Elle a très peu d'intimité personnelle. Elle travaille toujours à rester positive et reconnaissante, à se sentir bien et à utiliser son temps à bon escient. Mais je réalise à quel point son handicap doit être difficile, tout ce qu'elle ne peut pas faire en comparaison à toutes les possibilités que la plupart d'entre nous considérons comme acquises.

Je me lève je me promène sont des actes si simples pour moi, me lever et me servir une boisson, ouvrir la porte, nettoyer mon appartement, marcher, danser, faire du jogging, monter une échelle, Faire les courses à l’épicerie, conduire une voiture …

Je regarde attentivement comment ma sœur manœuvre avec précision son fauteuil roulant dans le magasin. Nous sommes venues acheter de l'épicerie. Il est difficile pour elle de bien voir certains des produits sur les étagères et elle ne peut ni les atteindre ni choisir ce qu'elle veut. J'agis comme ses mains et attrape les pommes pour qu’elle les voit bien. Nous montons et descendons les allées pour choisir nos achats. Ma sœur est reconnaissante de sortir de la maison et heureuse d’acheter des friandises pour mes petits-enfants, des bonbons que nous n’avons pas en Israël. Elle prend son temps comme elle le fait toujours. Choisir un fruit devient de la méditation.

Ma sœur est une personne spirituelle. Elle parle et se déplace avec beaucoup de réflexion, elle conduit son fauteuil roulant électrique lentement pendant que je me promène à côté d'elle dans les rues de Baltimore. Les gens sont attentionnés et les voitures ralentissent lorsqu'elles s’approchent de nous. Nous ne pouvons pas toujours rester sur le trottoir parce que les trottoirs sont difficiles à monter et à descendre.

Tous les jours que je passe avec ma sœur me montre de nouvelles choses qu'elle ne peut pas faire. Quand elle voit que je m'ennuie parfois elle me rappelle qu'il faut vivre un jour à la fois. Elle est sereine et pleine de gratitude pour toutes les bénédictions que Dieu lui donne dans une situation, qui ne s'améliore pas avec le temps. Elle a dû subir de nombreuses opérations, avec de nombreuses complications. Elle est restée deux mois, dans le coma.

Pourtant, elle peut utiliser le haut de son corps et son esprit est lucide et clair. Elle est tout à fait brillante et une grande fane de Rabbi Nachman. Elle a une famille et des amis, de bons livres et un ordinateur portable. Ses grands-enfants passent plusieurs fois par semaine et elle entrepose le matériel de travaux manuel sur une étagère à leur portée. Parfois, ils fabriquent des bijoux ou font de la peinture. On l'appelle la journée de kif avec Grandma Rivka.

Mon frère, Chaim, vit à proximité. Il vient avec sa famille et apporte de la pizza. Je suis assise dans le salon avec ma belle-soeur. Les nièces et les neveux se retrouvent dans la chambre de ma sœur et s'assoient sur des chaises autour de son lit. Ils aiment parler avec elle parce qu'elle a un sens de l'humour mordant et vous pouvez tout lui raconter.

Je savais que lors de mon séjour chez elle, ma sœur et moi allions parler et rire, nettoyer et écouter de la musique. Je savais que nous allions faire des magasins et apprendre la Torah chaque jour. Pourtant je savais aussi que j’aurai mal de la voir dans cet état. Mais je ne m'attendais pas à me sentir si paisible en sa présence. Je ne m'attendais pas à trouver autant de réconfort dans sa manière d’affronter la situation.

Un soir, je préparais le dîner, elle a mentionné combien cuisiner lui manquait. Je me suis appuyé sur le dessus du comptoir et j'ai tremblé d’émotions. J’ai senti la douleur briser mon corps. J'ai commencé alors à prier doucement : "S'il Te plaît, Hachem, je veux devenir un récipient plus grand. Aide-moi à grandir afin que je puisse accepter Ta Volonté. "

Je veux pouvoir contenir toute la Emouna possible, toute la Emouna que Dieu me donne. Je veux élargir mes frontières spirituelles et devenir assez grande pour accepter de plus en plus l'amour de Dieu, aussi mystérieux que cet amour puisse paraître.

Cette situation est trop grande pour que je la comprenne. Mais je crois fermement sans le moindre doute que c'est la meilleure situation pour ma sœur, et ce qui m’inspire le plus est qu'elle aussi le croit

Traduit par Simha Benchaya

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