Les enfants hors-circuit

Cela peut être un amour difficile mais l'enfant doit avoir le sentiment que vous voulez le mieux pour lui. Vous devez lui montrer que vous désirez...

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le rabbin David Charlop

Posté sur 06.04.21

Ce qui suit sont quelques réflexions à propos de ce que la communauté religieuse a surnommé la jeunesse "en dehors du derekh”. Je voudrais commencer par un avertissement : même si je suis rabbin et que je m'occupe de ce genre de garçons – en Eretz Israël – depuis bientôt dix années, je suis loin d'être un expert en la matière.
 
Ce que je veux simplement, c'est partager quelques observations générales, fruit de mon travail. Ces lignes sont destinées à encourager ceux qui traversent, ou connaissent quelqu'un, qui vit cette expérience douloureuse. Qu'Hachem nous envoie la géoula  (rédemption) complète pour nous tous en général et pour chacun en particulier.  
 
L'expression "les jeunes en dehors du derekh" fait référence aux adolescent(e)s qui se sont éloigné(e)s du chemin de la Tora – et de ses valeurs – même s'ils/elles ont été élevé(e)s dans ses valeurs. Pour un nombre important de raisons – généralement difficiles et complexes à cerner – ces jeunes personnes se sont détournées des pratiques du judaïsme et se sont servies – à des degrés divers – dans la culture de la société occidentale. La culture dont ils s'identifient inclus souvent les drogues, la boisson, les musiques populaires non religieuses et la socialisation entre les garçons et les filles. 
 
 
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Préférer la culture occidentale
(reproduit avec la permission de motorcyclenews.com)
 
Il s'agit là d'une définition générale du problème. Cependant, cela ne reflète pas les souffrances émotionnelles et même les blessures que les familles, les éducateurs et les jeunes eux-mêmes ressentent en rejetant les valeurs de la Tora et en acceptant un style de vie séculier. Il est important de préciser que le degré, la profondeur et l'étendue du rejet des valeurs de la Tora – ainsi que  de l'acceptation des valeurs de la société séculière – varient considérablement selon l'individu et le groupe social auquel il appartient.
 
Les principaux thèmes qui sont le plus souvent abordés par les parents et les éducateurs sont les suivants :
  1. Pour quelle raison leurs enfants ont pris un autre chemin ;
  2. Quelle est la part de responsabilité des parents/éducateurs dans ce choix ;
  3. La façon d'agir avec un enfant qui se rebelle ;
  4. Comment garder l'espoir pour que la situation s'améliore.
Chaque sujet mérite un débat important. Cependant, il y a un aspect qui – je crois – est primordial : celui du sentiment de désespoir et d'accablement ressenti par les parents qui rend l'idée d'un meilleur futur presque impossible à atteindre, une chimère. Après avoir travaillé avec de nombreux adoslecent(e)s, j'ai constaté qu'un nombre important d'entre eux sont revenus vers un chemin plus adéquat, dans le but de mener une vie merveilleusement productive et remplie de Tora.
 
Après les années tumultueuses de rébellion, une grande majorité de ces jeunes personnes/adultes finissent leur période de "hors-circuit" et mènent une vie admirable dans laquelle ils/elles travaillent, élèvent une famille et où leur pratique de la religion est proche du style de leurs parents, même s'il est souvent différent.
 
Tous ceux qui sont impliqués dans la lutte/rébellion des adolescents doivent comprendre que lorsqu'un enfant est en dehors du derekh, il/elle est perdu(e). Pour l'adolescent, avoir le sentiment que sa vie est hors contrôle est le plus souvent terrifiant ; cela est semblable à une personne qui est perdue dans les bois. Dans cette situation, ces adolescents font face à une de ces trois possibilités :
 
Ils peuvent retrouver leur chemin de retour, celui-là même qu'ils/elles avaient quitté ; ils/elles peuvent demeurer perdu(e)s ; ils/elles peuvent se forger un nouveau chemin, intermédiaire entre celui de leurs parents et la “forêt”. À un moment ou à un autre, l'enfant essaiera sans doute de sortir de la forêt dans laquelle il/elle s'est engagé(e) lui/elle-même. Cet instant est important et précieux : nous devons les soutenir – tout en établissant des limites – et les aider à retrouver leur chemin.
 
Cela peut également vouloir dire que nous pouvons les aider à établir leur propre lien avec Hachem, un lien différent du nôtre, mais que nous devons néanmoins respecter. Ils pourraient ne jamais reprendre le chemin que nous avions projeté ou espéré pour eux ; nous devons accepter l'idée qu'ils/elles ont la possibilité de développer leur chemin particulier, spécifique.
 
Dans le but de les aider à retrouver leur chemin – ou à prendre celui qui leur est propre – et particulièrement pour les sortir de la forêt, les principes fondamentaux suivant sont essentiels :
 
Beaucoup d'amour. Cela peut être un amour difficile mais l'enfant doit avoir la certitude que vous voulez le mieux pour lui. Vous devez montrer à votre enfant – en parole et en action – que vous désirez sincèrement son bien-être, que vous n'êtres pas gênés par le regard embarrassé des voisins (même si vous l'êtes), que vous n'êtes pas inquiets sur l'impact que son comportement pourrait avoir sur les éventuelles propositions en mariage pour vos autres enfants (même si vous l'êtes) et que vous n'êtes pas en colère contre lui/elle pour vous rendre la vie difficile (même si vous l'êtes).
 
Cela n'est pas facile – pour dire le moins – mais vous devez être certains que pour le bien-être de votre enfant, une telle attitude de votre part est primordiale.
 
Deuxièmement, vous ne devez pas être seuls dans cette période difficile de votre vie. Qu'il s'agisse d'un certain nombre d'amis ou de professionnels et – idéalement – votre conjoint(e) : vous devez travailler en groupe. Il est particulièrement important que les deux parents se montrent liés et solidaires l'un envers l'autre. Si vous êtes à la recherche de professionnels, consultez vos connaissances, votre rabbin pour obtenir des noms, des adresses. Ce ne sont pas les spécialistes qui manquent; le plus difficile est d'en trouver un compétent et qui vous conviendra.
 
Troisièmement – et il n'est pas inutile de l'ajouter – vous devez prier, prier et prier encore.
 
Quatrièmement, il est important de prendre la peine d'essayer de trouver des personnes qui pourront exercer une  influence positive sur votre enfant. Qu'il s'agisse de ses ami(e)s ou d'adultes (un rabbin, un professeur, un voisin, etc.), le but de ce contact est que votre enfant sache que cette personne est disponible pour l'écouter, si le besoin s'en fait sentir. Souvent, la dernière personne que l'enfant est prêt à écouter pour améliorer sa situation est ses propres parents.
 
Même si ce qu'ils disent est logique (ou peut-être parce que c'est logique ! ), les adolescents/tes en difficulté entendent généralement ces mêmes idées beaucoup plus facilement lorsqu'elles sont exposées par une personne qui se trouve en dehors du cercle restreint familial.
 
Il existe de nombreux autres sujets qu'il faudrait aborder. Cependant, je le répète : l'espoir existe pour que l'enfant revienne à un mode de pensée plus en accord avec ce que ses parents attendent de lui/elle, même si cela semble difficile lorsqu'on se trouve au beau milieu de la crise. Je cite ici quelques anecdotes personnelles qui permettent de garder l'espoir.
 
J'ai récemment entendu – par hasard – deux adolescents qui étudient dans la yéchiva où je travaille parler de mariage. Le plus âgé des deux garçons disait au plus jeune que s'il voulait trouver un bon chidou'h (conjoint), il devait rester dans la yéchiva car il s'agit de la meilleure façon de trouver la conjointe idéale. Le garçon qui écoutait exprimait des doutes à ce sujet : “N'y a-t-il que la yéchiva dans le monde ? ”
 
Le premier lui demanda alors s'il avait assisté au dîner annuel de la yéchiva. Devant une réponse négative, le premier dit que puisqu'il y avait été, il l'avait vu de ses propres yeux : le fait de rester plus longtemps à la yéchiva augmentait les chances de trouver un bon parti. C'est alors que je suis arrivé et acquiescé à cette observation. En fin de compte, le jeune homme sceptique admit qu'il savait qu'en quittant la yéchiva, il rendrait sa vie plus difficile et que cette envie de s'enfuir n'était certainement pas le conseil du bon penchant. Finalement, il décida de poursuivre ses études… et il se maria quelques mois plus tard ! 
 
Il est certain que servir Hachem n'est pas toujours facile, mais les jeunes hommes qui persistent tracent un chemin spécial et acquièrent un lien unique avec Hachem et Sa Tora. Il n'est donc pas étonnant qu'un nombre important de jeunes femmes de qualité désirent ces jeunes gens spéciaux (et vice-versa).
 
Un autre jeune homme qui était probablement un des plus difficiles étudiants dans la yéchiva (bien qu'il avait un cœur d'or) trouva finalement une jeune femme qui avait compris son côté dur extérieur, mais qui n'était pas dupe et qui reconnaissait ses qualités exceptionnelles.
 
Comme elle était strictement religieuse et qu'il ne l'était pas vraiment, elle fixa certaines conditions à propos de Chabath, de la kacherout et des lois de taharath hamichpa'ha (les lois de la pureté familiale). Il accepta ces conditions et ce fut une merveilleuse sim'ha (joie) pour tous les rabbins de la yéchiva qui avaient commencé à penser que cette tête dure aurait un mal fou à rester dans les voies de la Tora.
 
L'ennemi public numéro 1 est de tomber dans la yéouch (le désespoir) et la dépression. Chaque enfant juif possède une nechama (âme) et pleure pour qu'on l'aide. Puissions-nous avoir la force et la patience – avec l'aide d'Hachem – de voir nos enfants mener une vie remplie de succès et qu'ils puissent trouver leur place au sein du monde de la Tora. Amen.

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