Dégager un chemin
L'obligation de reconstruire le Temple n'est pas seulement l'œuvre des leaders de la génération. Nous sommes tous responsables de faire notre part...
Le mois d’av : dégager un chemin pour la rédemption
A l’approche des neuf premiers jours du mois d’av, nos esprits deviennent moroses. De fait, c’est le 9ième jour de ce mois que les premier et deuxième Temples ont été détruis ; ainsi, il est naturel d’éprouver des sentiments mitigés.
D’une part, il n’y a sans doute pas d’autres instants dans l’année où nous nous focalisons sur le Temple avec autant de persistance. Nous envisageons avec joie le moment qui, avec l’aide de D-ieu, ne devrait pas être si loin où le troisième et définitif Temple sera construit de nouveau et où la paix règnera enfin dans le monde. D’autre part, nous sommes malheureusement conscients qu’une nouvelle année vient de s’écouler et que le moment de la reconstruction n’est toujours pas arrivé.
Nos Sages nous ont appris que pour chaque génération pendant laquelle le Temple n’a pas été reconstruit, cela équivaut à l’implication directe de cette génération dans la destruction des deux Temples. Par conséquent, il nous incombe d’utiliser les jours qui nous rapprochent du 9ième jour d’av, c’est à dire de Tich’a be-Av, avec sagesse et de nous demander ce que nous avons pu faire pour avoir une telle responsabilité et être coresponsables de la destruction des deux Temples. Cette réflexion ne doit pas nous immobiliser ; au contraire, elle doit nous servir à améliorer notre comportement pour devenir des coresponsables de la reconstruction du Temple, de nos jours et rapidement.
L’obligation de reconstruire le Temple n’est pas seulement l’œuvre des leaders de la génération. Nous sommes tous responsables de faire notre part pour dégager les obstacles qui bloquent la voie vers la rédemption. Ainsi, d’une certaine manière nous devons tous être des leaders, même si le plus souvent notre sommes et restons des leaders privés d’admirateurs ! Par conséquent, il est très utile de revoir quelques unes des qualités nécessaires qui ont été relevées pas nos Sages afin de devenir un bon leader.
La sagesse pour un grand cœur
Lorsque la période des quarante années d’exil dans le désert du Sinaï approchait à sa fin, Moché (Moïse) savait déjà qu’il ne serait pas autorisé à entrer sur la Terre d’Israël ; conséquemment, il demanda à D-ieu de donner au peuple juif un nouveau leader.
D-ieu répondit qu’il avait choisit Yéhochou’a ben Noun (Josué ben Noun) pour cette tâche parce que il était “un homme animé d’un esprit” (Nombres 27:18). Que signifie pour un homme “d’être animé d’un esprit (roua’h)” ?
Le rabbin Aryeh Kaplan a écrit dans son livre “Innerspace” que la personne qui possède un roua’h est celle dont l’état de conscience lui permet de recevoir l’Information divine. Cependant, il ne faut pas croire que cette réception d’information soit d’une nature passive. Avoir le roua’h, signifie être capable à la fois de recevoir l’information et de l’utiliser en prenant des décisions adéquates et importantes qui sont en accord avec la Volonté divine.
Bien que le roua’h soit l’un des cinq niveaux de l’âme que chacun d’entre nous possède, ce n’est pas tout le monde qui a un accès complet à ce niveau de l’âme. Selon le Talmud (Berakhoth 55a), D-ieu donne la sagesse à la personne qui possède déjà la sagesse, tel qu’il est dit dans (Exode 36:1) : “Et tous les hommes sages de cœur à qui le Seigneur a dispensé sagesse…”
Pour quelle raison D-ieu accorde-t-il le don de la sagesse à ceux qui sont déjà sages ? Ne serait-il pas plus logique de donner la sagesse à ceux qui en manque ?
Selon le rabbin ‘Ovadia Sforno, un commentateur du 16ème siècle, si une personne désire recevoir la Sagesse divine, elle doit tout d’abord préparer le “récipient spirituel” qui lui permettre de recevoir la “lumière”. Ce récipient est un “cœur sage” et c’est à cela que fait référence le verset cité ci-dessus.
Selon cette ligne de pensée, la sagesse n’est donc pas ce que l’on a acquis, qu’on connait déjà. Plutôt, il s’agit d’un état d’esprit qui nous permet d’être ouverts aux Messages divins que D-ieu nous envoie chaque jour à travers la multitudes d’évènements, grands et petits, qui nous arrivent et les gens que nous rencontrons. C’est un désir de comprendre, tout autant qu’une capacité d’apprendre.
Lorsqu’une personne est comblée de ce désir de comprendre la Sagesse divine et d’apprendre de tout ce qui l’entoure, le monde devient une place différente. Nous ne voyons plus les autres personnes comme étant une source potentielle de jalousie de notre part (à cause de leurs succès, de leur fortune…) ou, pire encore, des obstacles qui nous empêchent d’obtenir ce que nous désirons. Au contraire, nous établissons une relation nouvelle et revigorante avec ces maîtres que D-ieu nous a envoyés et nous en sommes reconnaissants.
Ce sentiment de pouvoir une relation particulière permet à chaque personne de développer une seconde qualité essentielle pour un leader : l’empathie.
L’empathie, c’est la capacité de ressentir la douleur, l’anxiété, la joie, le bonheur de l’Autre. L’empathie a toujours été le signe distinctif des grands leaders juifs à travers les générations. Cependant, ces leaders ont fait un pas de plus. Parce qu’ils se sont étroitement identifiés avec les soucis et les peines de leurs disciples, ils ont porté leur fardeau comme si c’était le leur. De même qu’ils ont remué ciel et terre pour résoudre leurs propres problèmes ou les problèmes des membres de leur famille, ils ont également fait leur possible pour aider ceux de leur communauté.
Cependant, il n’y avait pas que les grands rabbins qui se sont impliqués à aider les autres. On connait de nombreuses histoires, même de nos jours, de “simples juifs” qui récoltent un montant incroyable pour marier des orphelins, qui consacrent leur temps à s’occuper des personnes malades, à maintenir personnellement les institutions de Tora qui se trouvent dans leur ville. Toutes ces personnes aussi préparent un récipient spirituel pour eux-mêmes : un grand cœur ; c’est ce grand cœur qui leur permet d’apprécier pleinement la véritable place qui est la leur et que D-ieu leur réserve dans le monde ; c’est leur comportement qui leur permet de comprendre ce que nous avons souvent beaucoup de difficultés à percevoir.
La fin de l’isolement
Le neuvième jour du mois d’av, le jour de Tich’a be-Av, nous pleurons sur la destruction des deux Temples de Jérusalem. Ce jour-là, nous lisons le “Livre des lamentations”. Ce livre commence avec un verset qui décrit Jérusalem et qui déchire le cœur : “Comment la ville s’assoit solitaire !”
Le mot hébreu qui est utilisé pour décrire l’état de solitude de Jérusalem est “badad”. La première fois que le mot “badad” apparait dans la Tora, ce n’est pas pour faire référence à un état plaisant de solitude, à une personne qui marche toute seule le long de la plage, au coucher du soleil et pour se relaxer ou s’inspirer de la nature.
Au contraire, la première apparition du mot “badad” décrit l’état d’une personne qui est en quarantaine parce qu’elle a été diagnostiquée avec la lèpre biblique. Ce type de lèpre est une punition pour la personne qui a parlé lachone hara, des paroles de calomnie à propos d’une autre personne. Parce que la personne essaie de détruire les bonnes relations qu’il y a entre les gens par des paroles nuisibles, elle doit endurer un emprisonnement solitaire dans un lieu à l’extérieur du camp hébreu ; de cette façon, elle peut réfléchir en silence sur ses actions malfaisantes.
Selon nos Sages, le deuxième Temple a été détruit à cause de la haine gratuite entre les juifs et qui avait été à l’origine d’une lachone hara épidémique. Le résultat fut que la ville de Jérusalem, qui était auparavant célèbre pour la sagesse de ses habitants et la beauté de ses bâtiments, était maintenant solitaire, abandonnée par ses résidents qui avaient été envoyés en exil et isolés du reste du monde.
La seule façon de mettre fin à cet isolement et de provoquer la rédemption finale que nous attendons tous, est pour le peuple juif d’apaiser les désaccords qui le divise. Cependant, il ne faut pas croire que ceci est seulement la tâche des leaders de notre génération.
Chacun d’entre nous est un véritable leader au sein de notre propre monde. Nous pouvons être le leader de notre communauté, de nos enfants, de nos collègues de travail, de nos étudiants, ou seulement de nous-mêmes. Nous pouvons tous créer en nous ce cœur sage qui nous permet de se sentir lié aux autres et atteindre un niveau spirituel où l’on reconnait que D-ieu nous a fait naître dans notre famille, avec les amis qui sont les nôtres, nos voisins… pour une raison particulière.
Une des raisons pour laquelle nous sommes ici, dans ce monde, est de donner une aide concrète et un support aux personnes qui en ont besoin. Lorsque l’on tend la main et qu’on réalise que chaque appel à l’aide des personnes dans le besoin est en fait un appel pour grandir spirituellement soi-même, nous faisons beaucoup plus que simplement établir de bonnes relations avec les membres de notre communauté. Nous dégageons également un chemin pour la rédemption et nous construisons les fondations du troisième Temple.
Puissions-nous voir la construction du troisième Temple, de nos jours et rapidement. Puissions-nous mériter de voir le moment où le neuvième jour d’av, Tich’a be-Av, se transformera en un véritable jour de réjouissance.
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