Une tristesse annonciatrice de joie

Le mois d'av est le mois le plus triste du calendrier juif. De fait, c'est le neuvième jour de ce mois que nous portons le deuil de la destruction du Temple de Jérusalem.

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Libi Astaire

Posté sur 27.07.22

Le mois d’av est le mois le plus triste du calendrier juif. De fait, c’est le neuvième jour de ce mois que nous portons le deuil de la destruction des premier et deuxième Temples de Jérusalem.
 
Le Temple était le seul endroit sur terre où tout le monde, juifs et non juifs, avait la possibilité de se rapprocher de D-ieu. Par conséquent, lorsqu’il fut détruit, nous fûmes non seulement exilés physiquement de la Terre d’Israël, mais la Présence divine s’en alla également en exil. A compter de ce jour-là, la présence de D-ieu fut cachée du monde et il devint plus difficile de Le trouver.
 
La conséquence de la destruction du premier Temple fut un exil d’une durée de 70 années ; quant aux conséquences de la destruction du deuxième Temple, ce fut un exil… qui dure encore de nos jours. 
 
La période de deuil pour les deux Temples détruits commence le 17ième jour du mois de tamouz (pour cette année, cela tombe le 20 juillet 2008). C’est ce jour-là qu’une brèche fut ouverte dans les murs de Jérusalem, ce qui représenta la première étape d’une suite d’évènements qui s’est terminée par la destruction de la ville. Cependant, le funeste 17ième jour du mois de tamouz retentit avec un écho encore plus ancien : c’est ce jour-là que se déroula la tragédie du Veau d’or. Lorsque Moché Rabbénou (Moïse notre Maître) aperçut le peuple juif danser autour de l’idole en or, il cassa les deux Tables de la Loi en pierre qu’il avait reçut sur le Mont Sinaï. C’est ainsi que le 17 tamouz et devenu un jour de “bris de pierres.”
 
On peut également trouver l’origine des évènements tragiques du 9ième jour du mois d’av (le 10 août 2008) dans notre séjour dans le désert, à la sortie d’Egypte. Lorsque dix des douze espions qui avaient été envoyés en Terre d’Israël revinrent pour dresser un terrible rapport de leur mission, au lieu de croire en la promesse de D-ieu de leur donner cette terre en toute sécurité. C’est ce jour-là que le peuple juif se lamenta parce qu’il avait crut aux espions ; c’est ce jour-là qui devint un jour éternel de lamentations ; ce jour-là était le du 9ième jour du mois d’av.
 
Le prophète Yirmiyahou (Jérémie) fut le témoin de la destruction du premier Temple. Pourtant, il appela ce jour-là un “mo’ed”, un jour de fête et de joie ; cela n’est-il pas surprenant ?
 
Un jour de fête représente l’occasion de “rencontrer” D-ieu. Pessa’h (Pâques), Soukoth (la fête des cabanes) et Chavou’oth (jour où la Tora nous a été donnée) sont tous des “mo’ed”, des jours où nous “rencontrons” D-ieu grâce aux miracles que nous avons vécus (la sortie d’Egypte, la Protection divine qui a protégé les juifs pendant quarante années dans le désert, le don de la Tora au Mont Sinaï…)
 
Ainsi, à Tich’a be-Av (le 9ième jour du mois d’av) nous “rencontrons” également D-ieu ; ceci devrait être l’occasion de se réjouir. Pourtant, c’est ce jour-là que nous avons vécu la colère de D-ieu à notre égard. Dans ces conditions, qui peut parler de joie ? Si la joie est absente, pour quelle raison le prophète Yirmiyahou (Jérémie) a-t-il appelé Tich’a be-Av un “mo’ed”, un jour de fête et de joie ?
 
Sans doute, le prophète Yirmiyahou (Jérémie) désire attirer notre attention sur la nature de la douleur que nous ressentons en ce jour de jeûne ; ceci afin de nous permettre de découvrir un aspect nouveau à la joie.  
 
Une période dangereuse
 
Les trois semaines de la période qui s’écoule entre le 17 tamouz et le 9 av sont appelées “Bein Hametsarim” (“entre les détresses”). Tel que son nom le suggère, cette période est une des plus difficiles de l’année juive. Durant ces jours, nous nous sentons piégés, coincés, capturés. Le fait est que dans l’histoire juive, c’est durant cette période que le peuple juif a enduré les plus terribles calamités.
 
Ainsi, la question mérite d’être posée : pour quelle raison cette période de l’année semble être plus dangereuse que toutes les autres ? Quelles est sa particularité ?
 
Nous savons que toute l’année D-ieu nous protège : de façon naturelle ou surnaturelle. Il est de notre pouvoir d’ignorer nos propres désirs, ainsi que les distractions du monde et d’essayer de nous rapprocher de D-ieu et de Sa volonté. Certes, cela représente une telle prouesse que nous devons fournir régulièrement des efforts inhumains pour y parvenir. Cependant, lorsque nous y arrivons, nous méritons une protection de D-ieu qui va bien au-delà de l’ordre “naturel”. En remplissant la mitswa de “Tu aimeras l’Eternel de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton pouvoir” (Deutéronome 6:5), nous méritons d’être les bénéficiaires de miracles qui peuvent nous sauver, même des situations qui semblent sans espoir.
 
La seconde façon par laquelle D-ieu nous protège est par l’entremise de la nature. Nous méritons ce type de protection lorsque nous réalisons la mitswa de “Aime ton prochain comme toi-même” (Lévitique 19:18) et que nous aidons d’autres personnes. Lorsque notre tour vient d’être aidé, D-ieu fait en sorte que nous recevons l’aide d’autres personnes, d’une façon “naturelle.”
 
Le 17 tamouz, nous avons adoré une idole plutôt que de nous tourner vers D-ieu. De la sorte, nous avons perdu notre droit de recevoir la Protection divine par l’entremise de miracles. Lorsque le 9ième jour du mois d’av (Tich’a be-Av) arriva, nous étions tellement remplis de haine envers les juifs qui osaient s’opposer à nous, que nous menacions de lapider les deux espions qui nous contredisaient en affirmant que la Terre d’Israël méritait le combat. C’est à cet instant que nous avons également perdu la Protection divine qui se manifeste à travers la nature.    
 
Privés de ces deux types de protection, pris “entre les détresses”, nous devînmes une proie facile pour nos ennemis à cette période de l’année. Le premier Temple fut détruit à cause de l’idolâtrie, de l’effusion de sang devenue monnaie courante et de l’immoralité ; le deuxième Temple fut détruit à cause de la “haine gratuite” (“sinath ‘hinam”). Ces deux destructions sont les plus grandes calamités que nous avons subies. D’autres catastrophes ont également eu lieu à Tich’a be-Av : l’expulsion des juifs d’Espagne en 1492, le début de la première guerre mondiale (qui représente le début de la liquidation des communautés juives en Europe)…
 
Ces tragédies font naître en nous un sentiment d’abandon, de délaissement de la part de D-ieu, que D-ieu nous préserve. C’est ce sentiment qui est la cause d’une terrible douleur en nous. C’est parce que nous pensons être complètement seuls dans notre peine et notre disgrâce que nous pleurons. Pourtant, selon le prophète Yirmiyahou (Jérémie), même en cette période de deuil et de douleur intenses, nous pouvons trouver une raison pour nous réjouir.   
 
Pères et fils
 
Nous trouvons une allusion à propos de la façon de transformer la douleur en joie dans le nom de ce mois. “Av” est le mot hébreu pour “père”. Par conséquent, même si nous nous sentons extrêmement éloignés de D-ieu pendant ce mois-ci, nous devons nous souvenir qu’il s’agit d’une situation temporaire. Peu importe la gravité et l’intensité de la rébellion que nous avons fomentée contre le Créateur : Il reste notre Père, notre Av dans le Ciel et il n’existe rien dans le monde qui a le pouvoir de rompre cette relation d’une façon définitive.
 
De quelle façon pouvons-nous rétablir la relation privilégiée que nous avions avec notre Père céleste ? Que devons-nous faire pour qu’Il agisse de nouveau envers nous comme un père aimant ? (En fait, tout ce que fait D-ieu à notre égard correspond à la façon dont un père aimant se comporte avec son fils ; cependant, dans la mesure où cet amour est caché, nous voyons seulement les obstacles qu’Il nous envoie dans le but de nous faire grandir spirituellement).
 
La première étape consiste à considérer D-ieu comme notre véritable Père. Les enfants se tournent toujours vers leur père dès qu’ils désirent quelque chose, et ils désirent beaucoup de choses ! Rabbi Na’hman de Breslev nous a appris que pour D-ieu, il n’existe aucune demande trop petite ou trop insignifiante pour être formulée. Toutes méritent que nous nous tournions vers Lui.
 
Chaque prière que nous prononçons en vue d’obtenir de l’aide, chaque excuse que nous formulons pour ce que nous avons mal fait et chaque remerciement pour les occasions où le cours des évènements s’est déroulé tel que nous le voulions renforce notre sentiment d’amour envers D-ieu. C’est précisément cet amour qui nous aide à mériter la Protection divine, par l’entremise de moyens qui sortent de l’ordinaire.
 
Cependant, travailler pour se rapprocher de D-ieu n’est pas suffisant. Un père qui aime ses enfants, aime également tous ceux et toutes celles qui affichent leur gentillesse à leurs égards. Dans la mesure où nous sommes tous les enfants de D-ieu, il s’ensuit que devons multiplier les actes de bienfaisance envers les autres, ceci pour “réveiller” en D-ieu Son sentiment d’amour envers nous. Les services, petits et grands, que nous rendons pour les membres de notre famille, pour nos ami(e)s, pour nos collègues de travail et même pour un(e) simple inconnu(e) représentent tous des canaux spirituels qui guident la Protection divine jusqu’à nous. C’est par ce canal que vient, à son tour, l’aide “naturelle” que nous proposent les personnes de notre entourage, lorsque nous en avons besoin.  
 
Lorsque nous commençons à considérer D-ieu comme notre véritable Père, et à reconnaître que le peuple juif est une seule famille, Il recommence à nous traiter véritablement comme Ses enfants. D’une façon ultime, cela nous permettra à tous de retourner en Terre sainte. C’est uniquement après ce retour que nous pourrons apprécier à sa juste valeur le sens réel de la joie véritable.
 
Nous devons prier pour que nos efforts afin de “rencontrer” D-ieu soient couronnés de succès ; également, les nombreux services que nous rendons à une multitude de personnes sont d’autant de pierres qui permettent de construire l’édifice final qui nous permettra de célébrer cette rencontre fantastique. De la sorte, nous pourrons transformer, cette année déjà, Tich’a be-Av en un mo’ed (un jour de fête) et mériter la reconstruction du Temple de Jérusalem, rapidement et de nos jours.
 
(Libi Austaire est une artiste, une femme écrivain et une réalisatrice de courts-métrages. Elle vit à Jérusalem. Pour visiter son site Internet : http://www.decoupageforthesoul.com)

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