Les commentateurs posent une question ardue sur le verset : “Or, cet homme Moïse était fort humble, plus qu’aucun homme qui fût sur la terre” (Nombres 12:3). Comment alors n’a-t-il pas refusé d’écrire lui-même ce verset dans la Tora comme le Saint, béni soit-Il, le lui avait commandé ?
Autre question : Certains Sages considèrent que les huit derniers versets de la Tora (la mort de Moché, etc.) comprennent les louanges de Moché, et c’est Yéhochoua’ qui les a transcrits sous la dictée de D-ieu, et non Moché (BavaBathra 15a). (D’autres estiment que c’est Moché lui-même qui les a écrits, les larmes aux yeux.) Pourquoi alors, en ce qui concerne le verset ci-dessus (Nombres 12.3) Moché n’a-t-il pas demandé à D-ieu qu’un autre, et non lui, les écrive ?
C’est que, comme l’enseigne le Midrach (ChémothRaba 47:14), quand les enfants d’Israël ont commis le péché du veau d’or et que l’Éternel voulut les exterminer, Moché s’est présenté devant D-ieu et Lui a dit : “Quand Tu as donné la Tora, Tu as proclamé ‘Anokhi, Je suis l’Éternel, ton D-ieu… qui t’ai fais sortir de la maison d’esclavage… tu n’auras point d’autre D-ieu que Moi…” (Exode 20:2-3). Tu ne T’es donc adressé qu’à moi. Qu’as-Tu alors à leur en vouloir ?”
D-ieu ne peut accompagner une personne orgueilleuse
On peut aussi se demander en fait pourquoi Dieu a-t-Il utilisé “Anokhi ” et non “Ani”. C’est parce qu’Il voulait, en cette circonstance solennelle et exaltée, faire comprendre aux enfants d’Israël que s’ils veulent accepter la Royauté de D-ieu et le joug de la Tora, il faut qu’ils se débarrassent de leur “anokhi ” – l’orgueil qui est inhérent à chacun d’eux. Car, comme nous l’avons vu dans les leçons précédentes, le Saint, béni soit-Il, ne peut pas habiter avec l’orgueilleux, comme il est écrit : “Tout cœur hautain est en horreur à l’Éternel”
(Proverbes 16:5) et “Seul l’Éternel règne! Il est revêtu de majesté” (Psaumes 93:1).
Comme l’enseigne laMichna (PirqéAvoth 6:5), la Tora ne s’acquiert que par l’humilité (voir aussi Ta’anith 7a). Tout orgueil doit viser essentiellement à nous faire emprunter le chemin de la Divinité, comme il est écrit concernant
Yéhochafat, roi de Juda : “Son cœur grandit dans les voies de l’Éternel” (Chroniques II, 17:6).
Dans son livre d’éthique juive, Rabbi ‘Haïm Chmoulevitch écrit que dans l’avenir, la nature disparaîtra et nous reviendrons aux conditions qui régnaient durant le don de la Tora. Quand la Tora a été donnée aux enfants d’Israël, ils étaient dépourvus de tout sentiment d’orgueil, car à leur sortie d’Égypte, ils se sont débarrassés des quarante-neuf portes d’impureté (Zohar ‘HadachYithro 39a). Ils avaient éliminé tous les mauvais traits et accompli toutes les mitswoth en étant imprégnés de plus grandes vertus, comme il est écrit : “Voilà, mon D-ieu, je lui rend hommage” (Exode 15:2) que le Talmud traduit : “Sois joli devant lui dans l’accomplissement de Ses commandements” (Chabath 133b ; Souka 11b).
Ils avaient réussi à annuler tout mal et tout mauvais penchant de leur cœur.
La nature fait allusion aux mauvais traits. La valeur numérique de “TéVA’ ” (“nature”) est similaire à celle de “ELoQiM” (D-ieu), qui est l’attribut de jugement (Zohar III, 30b). Dans l’avenir, ce jugement ainsi que la nature disparaîtront donc et il ne régnera que le bien dans le monde. Faire le bien, c’est se conformer à la Volonté divine. Si l’homme change sa nature et accomplit de mauvais actes, la Providence Divine se sépare de lui. De plus, quand D-ieu a créé Son monde, Il a fait en sorte qu’il soit régi par les phénomènes de la nature, plutôt que par les miracles.
Or, comme on le sait, tous les changements qui ont été effectués par la suite, comme par exemple la traversée de la Mer Rouge, etc. étaient déjà connus de Lui au moment de la Création. Mais chez les Tsadiqim, on ne peut pas parler de nature, car ils peuvent changer le déroulement des phénomènes, comme l’enseigne le Talmud (Mo’edQatan 16b) : “Le Tsadiq décrète, et le Saint, béni soit-Il, exécute le décret.” Comme le Tsadiq élimine tout mal et ne fait que le bien, le Saint, béni soit-Il, change la nature pour lui.
L’humilité de Moïse
Revenons donc au verset concernant l’humilité de Moché. Quand les enfants d’Israël ont fait le veau d’or, Moché a imploré l’Éternel de leur pardonner : “Sinon, efface-moi du livre que Tu as écrit (Exode 32:32) ; fais-moi plutôt mourir (Nombres 11:15), et épargne Tes enfants. C’est parce que quand Tu as donné la Tora, Tu ne T’es adressé qu’à moi, en utilisant le terme ‘Anokhi ‘, et non à eux. Ne les tue donc pas et excuse leur faute.”
Le Saint, béni soit-Il, lui a alors répondu : “Je pardonne, selon ta demande (ibid. 14:20). Je ne leur pardonne pas par le mérite de leurs ancêtres, mais selon ce que tu as dit, à savoir que c’est à moi, et non à eux que Tu T’es adressé ; c’est pourquoi ils ont commis le péché du veau d’or.” Ainsi, lorsque le Saint, béni soit-Il, dit à Moché d’écrire : “Or, cet homme Moïse était fort humble…”, Moché a naturellement refusé.
Il Lui a aussi peut-être demandé que celui qui écrira les derniers versets de la Tora écrive aussi ce verset le concernant. Le Saint, béni soit-Il, lui a alors exposé un argument extrêmement subtil : “Comme J’ai annulé la sentence rigoureuse que J’ai prononcée contre Israël qui ont fait le péché du veau d’or par suite de ton raisonnement selon lequel Je me suis adressé à toi et non à eux, sache que J’ai proclamé : ‘Je suis l’Éternel, ton D-ieu, en Me servant du terme ‘Anokhi ‘ et non ‘Ani ‘, pour apprendre à l’homme qu’il se débarrasse de son “anokhi ‘, de son ego. Si tu as eu le mérite de recevoir la Tora, c’est parce que tu es vraiment modeste et que tu as réussi à éliminer tous les mauvais traits. Le fait d’écrire ce verset ne peut donc te porter préjudice.”
Le Talmud (Chabath 89a) enseigne à cet effet : “Comme tu es humble, la Tora portera ton nom, comme il est écrit : “Souvenez-vous de la Tora de Moïse, Mon serviteur” (Malachie 3:22). Le Saint, béni soit-Il, dit à Moché : “Comment peux-tu concevoir que Mon premier commandement s’adresse exclusivement à toi et non à l’ensemble des enfants d’Israël qui ont été asservis en Égypte ?”
“Qui plus est, ne fais-tu pas partie de la tribu de Lévi qui n’a pas connu la servitude ? (car le verset (Exode 20:2) parle de D-ieu qui les a fait sortir de la maison d’esclavage) (ChémothRabah 5:20). Si ton interprétation du verset ‘Je suis l’Éternel, ton Dieu, qui t’ai fait sortir du pays d’Égypte…’ vise à sauver les enfants d’Israël, écris alors le verset relatif à ton humilité. Car en vérité tu as accédé au maximum de la modestie, et tu es le seul apte à jouer l’intermédiaire entre Moi et le Peuple juif (TalmudYérouchalmi, Méguilah 7a ; ChemothRabah 3:6) pour leur donner la Tora.”
Le mauvais penchant
Toutefois, en réalité, avant le Don de la Tora, le mauvais penchant était très puissant. On sait à cet effet que les patriarches ont livré un combat acharné et continu contre lui; il les a beaucoup fait souffrir. Notre patriarche Avraham a combattu le Satan par des actes de bonté ; Yits’haq à livré le combat contre lui dans le domaine du jugement et celui des actes de bonté et Ya’aqov essentiellement dans celui de l’étude de la Tora, comme il est écrit : “Tu donnes la vérité à Ya’aqov, à Avraham la bienveillance (Michée 7:20), et il n’est de vérité que la Tora” (TalmudYérouchalmiRochHaChana, 3:8 ; TanaDébéElyahouZouta 21).
Ya’aqov a aussi livré combat au Satan dans le domaine du Service divin et celui des actes de bienfaisance. Nous savons que la conduite des pères affecte celle de leur descendance (cf. Sota 34a), et que plus l’individu s’élève et dépasse la dévotion de son prochain, plus le mauvais penchant intensifie son combat contre lui (Souka 52a). Nos Sages enseignent à cet effet que c’est par le mérite de Ya’aqov, dont le portrait est gravé sur le Trône Céleste, qu’Avraham est né et a été sauvé du bûcher (cf. BéréchithRabah 63:2 ; VayiqraRabah 36: 4). C’est lui qui a donc dû livrer le combat le plus acharné contre le Satan. Et ce même combat fut aussi le lot de MochéRabbénou. Par conséquent, durant l’asservissement des enfants d’Israël en Égypte, le mauvais penchant était très puissant, mais ils en ont été épargnés grâce à leurs bons traits.
Comme l’enseigne leMidrach (VayiqraRabah 32:5); ils y ont conservé leur langue, leur habillement et leur nom. En outre, ils étaient extrêmement unis et ont réussi à élever les étincelles de sainteté qui ont été éparpillées par Adam
(cf. OrHa’Haïm, Genèse 49:9). Aussi, comme nous l’avons vu, le mauvais penchant a été déraciné de leur cœur. Il est revenu certes par la suite après la faute du veau d’or, mais affaibli, neutralisé par cette guérison et cette arme qu’est la Tora (cf. Qidouchine 30b).
Si l’on s’engage dans l’étude de la Tora – et plus particulièrement si on fait preuve de la modestie comme Moché – on peut facilement vaincre le mauvais penchant. Les forces de Satan s’affaibliront jusqu’à disparaître complètement à l’avènement de notre Rédempteur intègre, au plus vite, de nos jours. Amen !
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