Un prêtre et des kangourous !
Je désirais remplacer ce prêtre dans cette ville. Lorsque je fis part de mon opinion à ma femme, elle partagea immédiatement mon enthousiasme. Je trouvai cela formidable...
La congrégation de la ville de Vasa m’accueillit avec plaisir, comme elle avait accueillit mes collègues avant moi. Cet endroit fut idéal pour commencer à pratiquer officiellement mes fonctions de prêtre. Rapidement, j’appris mon métier et ses différents aspects. J’étais jeune, énergique et je prenais mes nouvelles responsabilités au sérieux.
Après quelques années – pendant lesquelles notre deuxième fille Sara naquit – j’avais acquis suffisamment d’expérience pour pouvoir chercher d’autres horizons. Mon poste suivant fut celui d’une ville pittoresque du bord de mer : Kristinestad. Cette ville est splendide et ses alentours remplis de villages spécialistes de la pêche et des travaux agricoles.
Pour ma part, je me retrouvais être le seul prêtre de la congrégation. Ce nouveau poste signifiait plus de responsabilités et une gestion administrative à laquelle je n’avais pas été habitué. J’étais rempli d’impatience à l’idée d’aller sur le terrain et de rencontrer toutes les personnes qui était impliquées dans les différentes tâches paroissiales.
Je fus tout de même légèrement déçu de m’apercevoir – après quelques semaines – que je devais passer la majorité de mon temps dans mon bureau à organiser les activités régulières et à remplir un nombre important de documents administratifs. Bien sûr, je prêchais assez souvent, mais j’aurais aimé également sortir plus souvent des murs de ma paroisse.
Les membres de ma congrégation étaient des personnes qui avaient bien les pieds sur terre. La sophistication n’était certes pas leur point fort. Nous vivions dans une splendide bâtisse aux aspects de manoir qui avait était autrefois l’ancien presbytère. La nouvelle église se trouvait exactement en face de notre maison. L’ancienne église avait été détruite par un incendie, quelques années auparavant. Cet évènement hantait encore l’esprit de la majorité des membres de la congrégation.
Le clocher avait été sauvé des flammes et il restait le seul vestige du temps passé. Je le voit encore dans mes pensées : il se tenait droit, à une courte distance de l’église qui avait été construire pour remplacer l’ancienne. Le clocher était encore utilisé comme phare pour les marins et les pécheurs de la région lorsqu’ils entraient dans le port de la ville.
Chaque samedi soir – à exactement 18h00 – la cloche sonnait pour annoncer le jour de repos hebdomadaire. De fait, le dimanche était un jour merveilleux dont l’arrivée était annoncée avec l’aide de trois cloches qui retentissaient ensemble. L’air joué par ces cloches était exactement le même que celui qu’on entendait dans ma ville natale. Cela m’aidait énormément à me sentir “chez moi” dans mon nouvel emploi.
L’âge moyen des membres de la congrégation était assez élevé. Chaque année, le nombre des décès était plus important que celui des naissances. Presque chaque semaine, nous entendions les cloches de l’église annoncer le départ de ce monde d’une âme précieuse. Dans ces cas-là, les membres de la famille – avec les amis de la personne décédée – s’assemblaient dans l’église afin d’écouter le service religieux qui est prononcé à ces occasions.
Partager les joyeux – et les tristes – moments de la vie des membres d’une congrégation peut être une tâche difficile, voire effrayante pour certains prêtres. De plus, il s’agit de moments où les membres de la congrégation accordent une extrême importance à l’attitude de leur guide spirituel. Le prêtre doit apporter un soutien moral important aux personnes qui en ont besoin, il doit rendre visite aux malades dans les hôpitaux, il doit se rendre à leur domicile…
Également, il faut écouter les histoires de la vie de chaque personne, il faut les comprendre et compatir à leurs difficultés et à leur malheur. Cependant, pendant le service religieux du dimanche, c’est au tour des membres d’écouter le prêtre. C’est ce jour-là où l’on prononce le sermon hebdomadaire ; celui-ci doit être enthousiaste, captivant et éducatif.
Même si les membres d’une congrégation sont le plus souvent prêts à suivre très loin leur guide spirituel, il existe des limites à ne pas franchir et que chaque prêtre doit connaître. J’ai toujours accepté ces limites non écrites : je suis convaincu qu’il était de mon devoir d’être au service des membres de ma congrégation et non l’inverse.
La population de Kristinestad m’avait accepté – ainsi que les membres de ma famille – de tout cœur. Lorsqu’ils apprirent que ma femme venait d’accoucher de nos jumelles, tous pensèrent que nous étions venus dans le but de modifier profondément le taux de natalité de la congrégation ! Avec la naissance de deux superbes bébés filles, la fécondité locale faisait un bond qu’elle n’avait pas fait depuis longtemps.
Nos jumelles vinrent au monde le jour d’anniversaire de leur mère, au mois de mai 1982. Seulement un mois avant cet heureux évènement, ma femme Rina faisait encore du ski sur les bords glacés de la Mer baltique. Lors d’un examen de contrôle – après une séance de ski – le docteur lui dit qu’il ne voyait qu’un seul bébé dans son ventre. Cependant, les jumelles jouaient à cache-cache.
À notre grande joie, Caroline et Joséphine virent le jour en pleine santé et d’une beauté parfaite. Auparavant, leurs grandes sœurs – Linda et Sara – les avaient précédées. La sage-femme – qui n’avait pas d’enfants – demanda sérieusement à ma femme si elle pouvait adopter une des jumelles qui venaient de naître ! Les jumelles étaient à ce point identiques que nous devions peindre en rouge l’ongle d’une d’elles afin de les reconnaître. Il nous fallut plusieurs mois avant de pouvoir les identifier sans nous tromper.
Un nouveau défi a relever
Durant toute ma vie, j’ai pris un grand plaisir à relever les défis qui ne manquent pas de surgir à l’occasion. Pourtant, je ne m’imaginais pas le type de défi que j’allais rencontrer en allant rendre visite à ma belle-sœur – en compagnie de ma femme – en Australie en 1983. Cette visite allait se révéler un véritable catalyseur pour une nouvelle vie et une nouvelle aventure.
Ma femme et moi-même tombâmes littéralement amoureux de l’Australie et de ses splendides plaines et paysages. Jusqu’à cette date, les seuls pays que nous connaissions étaient ceux de la Scandinavie ; c’était la première fois que nous passions quelques jours sous un climat doux. Pendant notre visite, nous allâmes rendre visite au prêtre de l’église luthérienne de la ville de Brisbane. Le prêtre nous apprit qu’il y terminait un mandat de cinq années.
Pour une raison qu’il m’est difficile d’expliquer, dès l’instant où j’appris cela, une idée était claire dans mon esprit : je désirais remplacer ce prêtre et exercer mes fonctions dans cette ville. Lorsque je fis part de mon opinion à ma femme, elle partagea immédiatement mon enthousiasme. Je trouvai cela formidable de sa part car il existait indéniablement des aspects difficiles à venir exercer dans cet endroit. Le logement qui était fournit par l’Église était d’un standard nettement inférieur à ce qui faisait notre quotidien en Suède.
De plus, la langue parlée par les habitants de la région était pour moi une véritable nouveauté. De fait, j’avais jusqu’alors travailler en parlent la majorité de temps le suédois. Si je devais prendre mon poste dans cette ville, je devrais travailler en finnois et en anglais ! Nous devions également penser à nos enfants : le changement important dont il était question risquait de remettre en question le bon déroulement de leurs études. De quelle façon réagiraient-ils à ce changement ? Prendre la bonne décision n’était pas une chose aisée : devions-nous sauter sur l’occasion ou – plus sagement – oublier tout cela ?
En fin de compte, ma femme et moi-même pensions que nous ne pouvions pas laisser passer cette opportunité unique. Lorsque le poste se libéra officiellement – en 1985 – je postulai pour remplacer le prêtre partant. Je ne fus pas le seul candidat et il me fallut aller assister à plusieurs entretiens et tests. Au bout du compte, ma candidature fut acceptée pour aller exercer… dans une ville différente d’Australie où vivait une grande communauté scandinave !
Le changement que j’avais pensé à propos de la langue s’avéra ainsi quasi inexistant et le travail lui-même ressemblait fortement à ce que j’avais eu l’habitude de faire jusque-là. Cependant, il existait d’autres aspects qui étaient plus difficiles à relever et cela mettait un peu de “piquant” à notre déménagement.
Nous traversâmes ainsi une bonne partie du globe – avec ma jeune famille – sans savoir que cela était une répétition générale pour un changement d’une nature entièrement différente et que nous aurions à faire seize années plus tard : notre déménagement en Terre d’Israël, lorsque nous ferions notre aliya.
Les membres de notre congrégation – dans la ville de Kristinestad – nous avaient accueillis les bras ouverts et ils étaient maintenant bien tristes d’apprendre que nous allions partir. Cependant, je désirais rencontrer de nouveaux horizons et mes pensées se dirigeaient vers le futur ; je n’avais pas le temps d’être nostalgique.
Le plus difficile fut de quitter ma mère qui était déjà âgée à cette époque. À Kristinestad, nous pensions quelques fois que vivre à quatre heures de route était difficile ; qu’allions-nous dire maintenant que nous partions à l’autre bout du globe ? Ma mère fut exemplaire : même si elle adorait ses enfants et ses petits-enfants, elle savait que les évènements de la vie sont imprévisibles. Elle ne s’était jamais imaginée nous garder à ses côtés jusqu’à la fin de sa vie. C’est sans doute pour cette raison qu’elle accepta notre décision avec la paix dans l’âme.
Ainsi, ce fut lors d’un froid matin d’avril de l’année 1985 que je quittai ma ville natale, en direction pour l’Australie. Une nouvelle aventure commençait.
(Strangers No More, by Shlomo Brunell. Reprinted with courtesy of Gefen Publishing House 2005 www.gefenpublishing.com)
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