Mon premier voyage à Ouman

Il était stupéfiant de nous retrouver assis au beau milieu de l'Ukraine et de son antisémitisme réputé. Au centre d'un pays hostile, nous chantions en hébreu...

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Rivqa Levy

Posté sur 06.04.21

Mon mari et moi étions au beau milieu d'une période de réflexion intense : devions-nous déménager dans une autre ville ? Que devions-nous faire pour l'éducation de nos enfants ? Comment être certains que nous prendrions les bonnes directions ? Etc.

Un soir, mon mari rentra à la maison avec une surprise à mon égard : il avait pris une semaine de vacances et me proposait quelque chose qui devait m'apporter l'aide précise dont j'avais besoin. Son cadeau tenait dans une main : un billet d'avion pour Ouman, la ville où est enterré Rabbi Na'hman de Breslev.
 
Mon mari avait tout prévu : son absence du bureau, ses soirées à passer avec les enfants… Quant à moi, il ne me restait qu'une chose à faire : partir en Ukraine, avec une organisation du nom de « Lev HaDvarim » dirigée par un Rav breslev et écrivain : Erez Moché Doron.
 
Cela va vous sembler bizarre, mais je n'étais pas particulièrement impatiente à entreprendre ce voyage. Je savais que je devais y aller – il me semblait que ma progression spirituelle était au point mort depuis trop longtemps – mais j'avais peur de ne rien trouver à Ouman qui pourrait correspondre à mes besoins. Si j'y allais pour rien, à quoi tout cela aurait-il servi ?
 
Le vol entre Israël et l'Ukraine est court : à peine deux heures et demi. Je commençai à faire réellement connaissance avec les membres de mon groupe seulement après notre atterrissage à l'aéroport de Kiev. Nous étions environ 70 personnes : 50 femmes et 20 hommes. Nous étions tous d'un âge différent et nous ne partagions pas forcément le même passé. Il neigeait abondamment et il faisait extrêmement froid. L'heure était avancée dans la nuit et logiquement, je ne fis pas trop attention à tout ce monde autour de moi.
 
Nous étions arrivés à Ouman à environ 2 heures du matin. Je me dirigeai tout droit vers le logement (très rustique) qui nous avait été réservé. Je n'eus même pas la force de saluer mes trois compagnes de chambre : je m'endormis en quelques minutes. Le lendemain matin, je me réveillai de bonne heure. J'enfilai des vêtements propres et me dirigeai rapidement en direction du centre d'hébergement principal d'Ouman, situé à deux minutes de marche de la tombe de Rabbi Na'hman. Une fois arrivée au centre, j'essayai de déguster mon petit-déjeuner.
 
À ma grande surprise, aucun aliment ne semblait pouvoir se frayer un passage dans ma gorge nouée. Toute l'anxiété et la crainte que je subissais depuis quelques semaines montèrent soudainement à la surface et je me sentais écrasée par une chape de plomb. Je réussis malgré tout à avaler quelques morceaux minuscules d'une pita, avant de décider d'aller immédiatement sur le Qever de Rabbi Na'hman. J'étais résolue à y passer tout le temps qu'il fallait ; en marchant, je me mis à pleurer.
 
Je pense que mes larmes représentaient mon soulagement d'avoir finalement réussi à me rendre à Ouman. Même si je ne connaissais pas encore la véritable raison de ma venue, je me sentais soulagé d'être là. Malgré tout, une interrogation pointait au fond de moi : que pouvais-je bien trouver en Ukraine que je ne pouvais pas trouver en Israël ?
 
Je me mis à parler à Hachem et j'ouvris mon cœur comme je ne l'avais jamais fait auparavant. Cela dura exactement six heures ! Six heures de paroles interrompues seulement par les larmes. À la fin de ces six heures inoubliables, mon anxiété semblait avoir diminuée. Sur un niveau de dix, je sentais qu'elle était passée de 10 à 5 ; certes, cela n'était pas si mal pour un début, mais je désirais qu'elle me quitte complètement ! Je voulais tellement atteindre l'émouna simple et pure qui me permettrait de ne plus m'inquiéter pour tant de choses !
 
Je retournai à ma chambre pour y traîner une heure avant le repas prévu pour le soir. J'en profitai pour faire connaissance avec mes compagnes de voyage. Nous étions toutes du même âge et vivions toutes en Israël. Là s'arrêtaient nos points communs. Une jeune femme cherchait un chidoukh ; une autre désirait trouver réconfort et guérison ; une autre était venue suite au voyage de son mari lors du Roch Hachana précédent. L'enthousiasme de celui-ci l'avait convaincue de venir elle-même juger ce qu'il y a de si spécial à Ouman.
 
Le jour suivant, je retournai sur le Qever de Rabbi Na'hman. Je commençai de nouveau mon dialogue particulier et – une fois encore – celui-ci se prolongea pendant six heures ! Même si par la suite je me sentais mieux, le changement n'était pas aussi évident que la veille. Mon yetser hara' (mauvais penchant) commença à m'aiguillonner avec sa technique habituelle. Selon lui, même Rabbi Na'hman ne pourrait rien faire pour moi et Ouman ne changerait rien à mon état de stress évident. Peu importe le nombre d'heures que je passerai à prier : mon inquiétude ne disparaîtrait pas.
 
Je savais que le principal problème était que je ne croyais pas assez en D-ieu. Cependant, j'avais beau prier pour obtenir une véritable émouna et une confiance à toutes épreuves, rien ne semblait changer. Mon programme de la soirée était déjà dressé : j'allais prendre mon repas du soir et retourner parler pendant le temps qu'il faudrait… même si cela devait durer six heures de plus ! Cependant, Hachem – dans Sa sagesse – avait décidé quelque chose d'autre pour moi.
 
Parmi les membres de mon groupe, se trouvaient deux chanteurs israéliens réputés. Avant leur départ pour Ouman, ils avaient décidé qu'ils offriraient un mini-concert à notre groupe. Ils avaient amené leur guitare électrique, leurs ordinateurs, leurs tambours, en bref : toutes les affaires dont ils avaient besoin afin de tenir leur promesse. Après le repas du soir, ils mirent tout leur branle-bas en ordre et commencèrent à jouer une musique… renversante de beauté.
 
Il était tout simplement stupéfiant de nous retrouver tous assis au beau milieu de l'Ukraine et de son antisémitisme réputé. Au centre d'un pays hostile, nous chantions en hébreu de superbes chansons chargées d'émouna, d'Eretz Israël, de D-ieu et de la reconstruction du futur Temple de Jérusalem. 
 
 
Soudainement, survint l'instant inoubliable : un des chanteurs commença à interpréter une chanson émouvante à propos de l'importance de savoir qu'Hachem est un « Abba Tov » (un « bon Père »). Nous avons simplement besoin de savoir qu'Hachem nous aime comme nous sommes. Nous devons savoir que la fin des jours sera agréable, peu importe ce qui nous est arrivé avant.
 
J'éclatai en sanglots. Ce que j'entendais était exactement la pièce qui manquait à mon puzzle. Cette idée était précisément ce que j'avais essayé d'exprimer pendant ces nombreuses heures d'hitbodédouth, sans parvenir à trouver les mots qu'il fallait. Ce chanteur avait capturé ces mots d'une façon admirable !
 
Ce soir-là, j'allai me coucher à environ 1 heure du matin. Je me sentais beaucoup plus heureuse qu'auparavant. Le lendemain matin, je me réveillai à 6 heures et décidai de me rendre une dernière fois sur la tombe de Rabbi Na'hman avant notre départ pour Israël. Je savais que ma séance privée avec Hachem serait interrompue à plusieurs reprises – je devais aller chercher mon petit-déjeuner, retourner à l'appartement pour me brosser les dents, préparer mes affaires pour le départ, etc. – mais cela était ce que je pouvais faire de mieux.
 
Lorsque l'heure arriva de quitter Ouman en autobus, je ne peux pas dire que j'étais triste à l'idée de partir. Même si je sentais qu'un reste d'anxiété résidait encore en moi, je savais que je m'étais débarrassé de la plus grande partie sur la tombe de Rabbi Na'hman. L'Ukraine semblait être la place idéale pour laisser ces pensées sombres, tristes et destructrices.
 
Cependant, je revenais en Israël avec des biens précieux et dont certains ne peuvent pas être décrits avec des mots. Une des choses avec lesquelles je revins, fut une nouvelle compréhension d'Israël et des israéliens. Je m'étais plus sentie en « Israël » à Ouman – dans un sens spirituel – que je m'étais sentie auparavant en habitant dans ce pays.
 
À Ouman, les israéliens que j'ai rencontrés prenaient soin les uns des autres ; ils étaient gentils et attentionnés ; ils étaient sincères et réels. À Ouman, la vanité n'existe pas. Tous étaient allumés du feu sacré de l'amour pour D-ieu, pour Eretz Israël et pour les âmes juives.
 
À Ouman, j'eus un aperçu du sens véritable de la guéoula (la rédemption) : cela fut merveilleux.

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