Donner, même quand c’est dur

Eloul correspond au genre des histoires de téchouva, pour renforcer et connecter les filles à l'esprit de cette période. Le problème, c’est que souvent, c’est trop pour elles : quand on leur organise

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Sharon Rotter

Posté sur 15.03.21

En général, en cette période de l’année – Eloul / Tichri, on m’invite fréquemment à donner des spectacles dans des lycées pour filles de la 3eme à la Terminale, et avant ces représentations, je suis toujours prise de panique. Pourquoi ? Parce que les adolescents sont le public le plus difficile qui soit. Bon, peut-être que pour Noah Kirel ou d’autres chanteuses issues de la star académie, c’est plus facile, puisqu’elles sont elles-mêmes adolescentes et il leur est donc facile de s’identifier au public. Mais en ce qui me concerne, je me sens toujours à côté de la plaque – que ce soit au niveau du style de musique, de l’âge, et même du contenu.

Je ne chante ni oriental ni hip-hop, je ne fais pas de spectacle de danse ou de one man show, tout ce que je fais, c’est chanter et raconter ma propre histoire, qu’elles ont, au mieux, la patience d’écouter, et au pire, je finis la soirée en me disant que j'ai raté quelque chose.

Eloul correspond au genre des histoires de téchouva, pour renforcer et connecter les filles à l'esprit de cette période. Le problème, c’est que souvent, c’est trop pour elles : quand on leur organise de longs séminaires ou des nuits blanches de cours de Torah et que le spectacle n’arrive qu’à la fin de la soirée – mais qui a la force de se concentrer à ce stade ?

Les adolescents sont également un public difficile parce qu'il y a quelque chose en eux qui crie : « Laissez-moi tranquille, je m'en fiche, de tout ! » Ce n’est dailleurs pas surprenant, dans un monde où le téléphone portable vous fait vous sentir roi, même si je me souviens déjà de cela de mon temps : l’anti, la rébellion et le désir de briser les limites.

Quand j’arrive, je vois les visages sans expression et les yeux vitreux des filles, et le fait qu’on les a forcées à venir me voir, qu’on leur a peut-être aussi pris leur téléphone, et quand elles veulent dire quelque chose à leur copine, on les fait constamment se taire. Je les vois assises devant moi et, à chaque fois, je suis sûre que je repars avec la queue entre les jambes.

Il fut un temps, j’étais plus courageuse et libérée dans ce genre de situations, mais aujourd'hui j'ai une fille adolescente et je vis cela tous les jours. C'est précisément la proximité avec quelqu'un de cet âge  qui diminue ma confiance en moi. Chaque fois qu’il y a une conférence au collège de ma fille, je m’informe dessus en long et en large pour finalement entendre un « Ça a été » ou bien un « C’était nul ». Elle rentre rarement enthousiaste, peut-être une fois dans l’année (alors qu’elles ont des conférences une fois par semaine). De plus, je manque de confiance en moi parce que j’ai fait téchouva. C’est vrai, je ne connais pas très bien leur jargon et nous n’avons pas les mêmes antécédents. C’est peut-être pour cette raison que les filles s’intéressent à ce que j’ai à dire, mais je suis certaine que je manque de quelques nuances qui me permettraient de communiquer avec elles.

Au final, malgré mon anxiété, je prends mon courage à deux mains et je me lance. La plupart des filles sont très gentilles et viennent me remercier ou me poser des questions à la fin du spectacle. Mais cela ne m'empêche pas de m'inquiéter pour la prochaine fois… Je suis également consciente du fait qu'elles ont déjà vu et entendu toutes les histoires personnelles que l’on puisse raconter, alors que puis-je vraiment innover pour elles ? Pourquoi est-ce que je continue à apparaître devant un public qui n'est pas toujours intéressé à m’écouter ? La réponse est simple : si le spectacle a lieu, c'est un signe que D.ieu veut que j’y sois. Parfois, je ne sais pas pourquoi, et d’autres fois, quelqu'un vient me voir après le spectacle et me dit quelque chose de personnel ou que mon histoire l'a touchée, ou bien qu’elle veut être chanteuse mais a pensé y renoncer à cause de la Halah’a. Je la serre dans mes bras et la renforce pour qu'elle réalise ses rêves dans la sainteté et, à ce moment-là, je sais que peu importe ce que les 600 filles du public pensent, je suis venue spécialement pour elle.

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