Couple : vivre avec nos différences
Entre se modeler mutuellement et avoir l’ambition de métamorphoser son conjoint, le fossé est immense...
La période du chidoukh doit être consacrée à la connaissance mutuelle des partenaires. Il arrive très souvent que l’un des partenaires présente presque toutes les qualités que l’on peut espérer, mais qu’il existe un domaine qui ne convient pas aux yeux de l’autre. Ce dernier – dans la plupart des cas – se dit : “Je finirai bien par le changer et lui imposer ma propre conception.”
Sarah raconte : “Quand j’ai rencontré David, j’ai constaté qu’il était taciturne, très peu bavard : seulement de temps en temps il prononçait un mot à voix basse ; par ailleurs il avait beaucoup de qualités. Mes parents se sont inquiétés, mais j’étais sûre que j’allais le changer”.
Sarah se trompe et ne peut pas reprocher par la suite à David le fait qu’il reste toujours silencieux. Elle le savait bien avant. Il est absurde de s’engager dans une relation en se disant : “je vais le changer”. Cependant, que cela soit absurde ou non, d’une manière inconsciente on garde la certitude : “Il changera“. D’où vient cette certitude ?
Souhaiter avoir une influence sur l’autre, c’est savoir que nos envies, nos sentiments comptent pour lui, que nous sommes important à ses yeux. Une femme qui se rend compte que son époux ne change pas en conclut qu’elle n’est pas aimée. Cette conclusion n’est pas exacte. Car il y a confusion entre deux situations. Entre se modeler mutuellement pour que la vie à deux soit plus sereine et avoir l’ambition de métamorphoser son conjoint, le fossé est immense. Changer l’autre est, inconsciemment, une façon de garder le contrôle dans le couple.
Ceci nous avertit sur la complexité de la rencontre et du processus qui conduit deux personnes à décider de former un couple. Un couple peut se former sur la complémentarité des défauts. Par exemple : une femme reproche à son époux de ne point être très gentil, ce qui la fait râler. En fait, elle râlait sans doute bien avant. Seulement, pendant la période du chidoukh, elle râlait beaucoup moins pour rester séduisante. Son partenaire jugeait alors qu’elle était franche, sincère, pas manipulatrice. Tout était en germe dans la rencontre.
Par conséquent, il faut savoir avant le chidoukh qu’il existe des domaines susceptibles de changer et des domaines qui ne changeront jamais. Tout ce qui fait partie de la structure mentale de l’individu ne changera pas. Pour un partenaire anxieux ou même angoissé, on peut espérer atténuer son angoisse grâce à l’amour qu’on lui porte.
Dans une relation équilibrée, l’amour de l’un fait évoluer l’autre – et réciproquement – parce qu’il permet de se libérer de choses douloureuses. Le partenaire qui se fixe comme objectif de changer l’autre se considère au fond de lui comme son thérapeute. Ce partenaire ferait mieux de s’interroger sur lui-même.
On peut changer les comportements blessants, des manies qui agacent. Un conjoint peut demander à son partenaire d’être davantage présent, de consacrer du temps aux enfants, de changer tel ou tel comportement. Mais tout ce qui appartient à la structure même de la personne ne peut être changé.
Les personnes qui entament un chidoukh doivent savoir que la vie d’un couple est difficile parce que la plupart des comportements sont inconscients. Entre les inconscients de deux conjoints, il existe une reconnaissance immédiate d’éléments qui les ramènent à leur passé et qui vont leur permettre de répéter des scénarios bien connus de leur histoire.
Myriam – à la suite d’un chidoukh – a épousé Abraham. Elle avait déjà 32 ans. Peu de temps après le mariage, elle rentrait régulièrement dans une grande colère à cause du désordre d’Abraham. Celui-ci jetait ses affaires un peu partout ; la table de la salle à manger était devenue un bureau où tout était déposé dans un désordre indescriptible. Plus Myriam se mettait en colère, moins il rangeait ses affaires. On conseilla à Myriam de se pencher sur sa propre enfance afin de trouver les motivations de son énervement. C’est ce qu’elle fit.
Elle travailla sur sa peur de l’invasion due à une famille étouffante et intrusive. Elle se rendit compte qu’en définitive, ce désordre n’était rien d’autre que de simples négligences de la part de son conjoint. Mais à cause de son enfance – là où il n’y avait que négligence – elle avait le sentiment que son époux témoignait d’une volonté de lui voler son espace. Elle eut un dialogue positif avec son conjoint, elle apprit à se raisonner et ne plus crier.
Abraham de son côté faisait plus attention à ses affaires. Quand il lui arrivait de s’oublier et de poser ses affaires un peu partout, il s’excusait gentiment. En définitive, Myriam ne fera jamais d’Abraham un maniaque du rangement, mais ils ont appris à mieux vivre ensemble.
Ce travail entrepris par Myriam pour parvenir à un équilibre dans le couple, ne peut pas se faire durant la période du chidoukh. C’est le couple qui dévoile un individu. Le mariage est une scène de théâtre où les deux partenaires du couple vont jouer leur enfance. Par conséquent, il ne faut en aucune façon espérer connaître complètement une personne.
Il n’est pas possible de percer le secret de l’enfance de l’autre. La seule chose que l’on peut faire c’est de prier l’Éternel pour que le couple qui sortira du chidoukh puisse vivre dans la concorde et dans l’entente. La concorde et l’entente ne supprimeront pas les conflits. Un couple sans conflits n’en est pas un. Les conflits structurent le couple et le fait progresser. Dans la période du chidoukh, il faut développer la volonté d’accepter la différence. Dès le début, il faut renoncer à changer son conjoint.
Plus une personne travaille sur elle-même, plus elle se sent responsable de sa vie. Elle ne demande plus à l’autre de satisfaire tous ses désirs comme une mère nourricière. Pour changer l’autre il faut avant tout commencer par changer soi même.
Le rabbin ‘Haïm Harboun est l’auteur du livre “Les voyageurs juifs du 16e siècle” aux éditions Massoreth.
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