La chance de la dernière minute

Quand vient le dernier mois de l'année, nous réalisons notre folie et saisissons cette chance pour nous lever plus tôt...

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le rabbin Lazer Brody

Posté sur 06.04.21

Lorsque le dernier mois de l'année arrive, nous nous rendons compte de notre folie et nous saisissons cette chance de la dernière minute pour nous lever plus tôt et montrer notre bonne volonté.
 
 
“Que pouvons-nous dire, de quelle façon pouvons-nous nous justifier ?” (“Lekha Hachem hatzedaqa”, première Seli'ha, dite tous les jours dans le noussa'h sefard et achkénaze, après Achré et le demi-Qadich).
 
Rabbi Na'hman de Breslev nous a appris (Liqouté Moharan I:9) que lorsqu'une personne prononce des mots de vérité, Hachem l'illumine de Sa Présence divine.
 
Le plus grand mensonge consiste à se mentir à soi-même. Afin d'éviter de nous duper nous-mêmes, notre priorité devrait être de faire une évaluation honnête de nous-mêmes, un examen pertinent et un véritable examen de conscience. Cette priorité devrait nous préoccuper pendant toute l'année, et plus spécifiquement pendant la période où nous récitons les Seli'hoth. Lorsque nous comparons nos faits et gestes avec les exigences inscrites dans la Tora, nous constatons invariablement une différence importante. Cela ne serait pas trop grave si les sociétés occidentales n'enseignaient pas aux personnes de cacher – d'oublier – leurs défauts. Cependant, la Tora enseigne le contraire. Si nous étions plus intelligents, nous nous tournerions vers Hachem, baisserions la tête, et crierions : “Que pouvons-nous dire, de quelle façon pouvons-nous nous justifier ?” Plutôt que d'être punis, notre âme recevrait la lumière d'Hachem comme récompense pour dire la vérité.
 
La parabole suivante nous aidera – avec l'aide gracieuse de Hachem – à mieux nous connaître, ainsi que la véritable portée de la liturgie des Seli'hoth.
 
Un roi désirait construire une résidence d'été pour se reposer. Le roi souhaitait que cette maison se trouve à une certaine distance de son palais et qu'il s'agisse d'un véritable havre de paix : au bord de la mer, sous un ciel clément, entouré de sable au reflet d'or, bercé par les douces brises marines et des températures clémentes. À cette fin, une proclamation royale fut lancée. Dans cette dernière, les entrepreneurs de bâtiments étaient invités à présenter leurs projets dans un délai de trente jours.
 
Les constructeurs ayant pignon sur rue ignorèrent le projet royal. De fait, ils n'avaient aucune envie de passer plusieurs mois à des milliers de kilomètres de la capitale royale, sur une île déserte. Conséquemment, un simple et pauvre homme à tout faire – qui ne possédait qu'un marteau, une scie et quelques clous – se retrouva le vainqueur de l'appel d'offre. Il avait été le seul à formuler une proposition !
 
Le roi n'était nullement découragé. Il faisait entièrement confiance au pauvre homme à tout faire ; il lui confia un bateau rempli avec les meilleurs matériaux de construction qu'on pouvait trouver dans le royaume : bois, marbre, métal, ciment… Les marins du roi chargèrent la cale – au maximum de sa capacité – avec de la nourriture suffisante pour une année entière, des vêtements, des ustensiles divers, une tente pour s'abriter et avec tout ce que l'homme à tout faire pourrait avoir besoin pour réaliser sa tâche unique. Celui-ci s'engagea à finir son projet – construire la maison d'été du roi – après une année complète de travail.
 
Après un long voyage en mer, le bateau arriva finalement à sa destination : l'île personnelle du roi. À l'exception d'une vaste étendue de sable et d'une plage splendide, il n'y avait pas grand chose à voir sur l'île. Tout au plus, quelques cocotiers et quelques singes. Les marins jetèrent l'ancre, vidèrent le bateau de sa cargaison et installèrent l'homme à tout faire sur le bord de la plage. Ils lui dirent qu'ils reviendraient le chercher dans exactement douze mois.
 
Pendant la première semaine, l'homme à tout faire consacra tout son temps à dresser son campement : la tente, mettre toutes ses affaires en ordre… De fait, le roi lui avait donné la meilleure farine, des fruits secs en grande quantité, des conserves de légumes et beaucoup de vin. Par la suite, l'homme à tout faire passait une heure ou deux – chaque jour – à jeter les fondations de la future résidence royale ; le reste du temps, il prenait soin de lui : l'attention qu'il apportait à ses repas ressemblait à celle qu'on réserve généralement pour les repas d'un roi ; le temps qu'il prenait pour les déguster était encore plus digne d'un roi ; il se baignait, faisait de longues marches dans l'île et appréciait… le vin que le roi lui avait donné !
 
Onze mois étaient déjà passés, et l'homme à tout faire avait seulement fini les fondations de la future résidence royale. Il avait également commencé à poser quelques briques en guise de mur. Il fallait faire preuve de beaucoup d'imagination pour imaginer à quoi ressemblerait – un jour ou l'autre – la future maison du roi. Se rendant compte de la situation épouvantable dans laquelle il se trouvait, l'homme à tout faire décida de donner un nouveau visage à ses journées. Il savait qu'en travaillant vingt-quatre heures sur vingt-quatre il ne pourrait tout de même pas finir tout ce qui lui restait à faire : il restait seulement trente jours avant la fin de l'année ! Néanmoins, faisant preuve d'une ferme détermination et ne voulant pas se décourager devant la réalité brute, l'homme à tout faire jeta le vin qui lui restait, décida de ne plus passer du temps à cuire son pain… En d'autres termes, il accepta de se nourrir seulement de fruits secs et d'eau. Ses nuits changèrent également d'aspect : il se couchait plus tôt – dès le coucher du soleil – afin de pouvoir… se lever plus tôt et se mettre à la tâche dès le lever du soleil. De fait, l'homme à tout faire semblait ne plus vouloir se reposer une minute, et son outil principal – son marteau – se trouvait toujours dans sa main.
 
À la fin de l'année, le bateau mouilla au bord de l'île, avec le roi à son bord. Lorsque le monarque mit le pied à terre et qu'il s'approcha de l'emplacement de sa maison, ce qu'il vit le renversa : la maison ne possédait pas de porte, pas de fenêtres, des débris jonchaient le sol ; tout cela malgré les efforts sincères de dernière minute de l'homme à tout faire. Avant que le roi ait eu le temps de prononcer la moindre parole, l'homme éperdu se jeta à ses pieds et s'exclama : “Votre Majesté, que puis-je vous dire, de quelle façon puis-je me justifier ? Votre Majesté m'a envoyé ici – avec tout ce dont j'avais besoin – mais pendant toute l'année, j'ai été plus préoccupé par mes besoins que par ceux de sa Majesté. J'avoue humblement que mes plaisirs purement physiques ont occupé la majeure parti de mon temps, alors que j'aurai du mettre tous mes efforts à construire le palais de votre Majesté.” S'il vous plait, que votre Majesté m'excuse ! Je vous supplie de me donner une nouvelle chance et une nouvelle année afin de démontrer à votre Majesté que je suis capable de terminer la tâche qui m'a été confiée. Je promets à votre Majesté que cette fois-ci, je ferai de mon mieux et qu'elle ne sera pas déçue.” L'homme à tout réalisait la petitesse de ses actions, ainsi que la grandeur d'âme qu'il demandait au roi de posséder afin d'exaucer sa requête. Son appel semblait à ce point irréaliste, que des larmes abondantes coulaient sur son visage.
 
La sincérité de l'homme à tout faire sauva sa vie : grâce à elle, la colère attendue du roi se transforma en compassion. Le monarque accorda une nouvelle chance – une nouvelle année – à l'homme à tout faire. À cette fin, le roi s'assura que pendant cette année, l'homme à tout faire aurait également tout ce dont il avait besoin pour terminer sa tâche.
 
Le roi dans la parabole est Hachem. Nous sommes l'homme à tout faire. Hachem nous accorde tout ce dont nous avons besoin pendant l'année pour “construire Sa maison” sur une “île déserte”, c'est à dire : étudier Sa Tora et faire des mitswoth dans le but de construire – dans ce monde matériel – un sanctuaire digne de ce nom pour la Présence divine. Cependant, plutôt que de répondre à l'appel d'offre du Roi, nous utilisons ce qu'Il nous donne du Ciel – notre santé et notre argent – pour nos besoins personnels, pour satisfaire nos envies et nos désirs, plutôt que Sa volonté. Lorsque le dernier mois de l'année arrive, nous nous rendons compte de notre folie et nous saisissons cette chance de la dernière minute pour nous lever plus tôt et montrer notre bonne volonté. Nous disons les Seli'hoth avec les larmes aux yeux, nous promettons au Roi – à D-ieu – que nous ne ferons plus les mêmes bêtises et que dorénavant, nous mettrons tous nos efforts à poursuivre Sa volonté. En d'autres termes, nous faisons une téchouva (repentir) sincère. Cette prise de conscience de la dernière chance, s'explique par le fait que nous réalisons à quel point notre coeur est loin de ce qui devrait être pendant toute l'année sa principale préoccupation : satisfaire le Roi des Rois. Lorsque Roch Hachana arrive, nous constatons que notre tâche laisse à désirer et que nous sommes loin de l'objectif final : la construction du sanctuaire n'est pas prêt d'être terminée. Nous nous tournons alors vers Hachem et nous Lui demandons une année supplémentaire pour avoir une nouvelle chance.     
 
Le mot “Seli'hoth” veut dire “pardon”. Nous demandons avec sincérité le pardon d'Hachem pour nos défauts et pour toutes nos fautes. Les larmes aux yeux, nous fixons le ciel de notre regard honteux et nous admettons : “Que pouvons-nous dire, de quelle façon pouvons-nous nous justifier ?” Hachem nous pardonne et nous bénit en nous accordant une année supplémentaire – avec une certaine dose de santé et d'argent – pour que cette fois-ci, nous suivions ses directives. Amen.   
 
 
 

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