De l’Egypte au Mont Sinaï
Avant cela, ils étaient anéantis, dans un état d’épuisement tant physique que mental. Ce n’est qu’après s’être annulé devant les autres qu’ils ont pu recevoir le joug du Créateur.
La deuxième nuit de la fête de Pessah’, une nouvelle mitsva (commandement) commence : le compte du Omer. On compte cinquante jours jusqu’à la fête de Chavouot.
L’origine de la mitsva est le verset : « Et vous comptez pour vous était à partir du lendemain de Chabat, sept Chabatoth » etc. C’une tradition chez les sages d’Israël qui étaient responsables de la Loi orale, qui précise que le sens du mot Chabat ici n’est pas
Chabat Berechit, c’est-à-dire le Chabat qu’on observe après six jours, mais c’est la première fête de Pessah’ qui est ici appelée Chabat. Pour les Sadducéens au contraire, Chabat avait ici le sens de Chabat Berechit, ils comptaient donc le Omer à partir de la sortie de Chabat.
Cette controverse nous enseigne deux approches.
Pour les sages d’Israël, il y avait ici une allusion à quelque chose de profond, appartenant aux fondements du judaïsme. C’est-à-dire que le but de la sortie d’Egypte était de tous nous amener à recevoir la Torah sur le Mont Sinaï, et pas seulement de nous libérer physiquement et en tant que peuple. C’était le but de tout le déroulement de l’histoire sur des centaines d’années depuis l’alliance des parties –lors de laquelle il est dit à Abraham : « Sache, que ta descendance sera étrangère sur une terre ne lui appartient pas , et ils seront esclaves et opprimés pendant quatre cent ans, après quoi ils en sortiront prospères » etc.
En d’autres termes, ce n’est pas par une malheureuse coïncidence que Jacob et ses fils se sont retrouvés en Egypte –grande famine, manque de subsistance…- tout cela était en fait le tremplin qui les a guidés, selon le plan Divin qui s’est réalisé tout naturellement. Et donc la sortie d’Egypte n’était pas une fin en soi, mais une sorte de préparation à l’acceptation de la Torah et de la Suprématie de D.ieu dans le Sinaï.
Avant cela, les enfants d’Israël étaient anéantis, le cœur brisé, sans forces physiques et spirituelles. Ce n’est qu’après s’être annulés devant les autres qu’ils ont pu recevoir le joug Divin. S’ils n’avaient pas traversé ce processus, ils n’auraient pas été en mesure de recevoir la Torah.
Et voici ce que dit le Midrash sur le verset : « Et Moché envoya son beau-père, et il s’en alla vers sa terre – le troisième mois de la sortie des enfants d’Israël d’Egypte, ce jour-là ils vinrent dans le désert du Sinaï » (Chemot). Le Midrash décèle un lien entre le fait que Moché envoie Yitro vers sa terre et sa famille, et le don de la Torah : c’est-à-dire qu’Yitro n’était pas encore digne de recevoir la Torah, il a donc respectueusement été renvoyé chez lui, et seuls les enfants d’Israël ont reçu la Torah.
C’est quelque chose qui demande un éclaircissement, car après tout, il y avait beaucoup d’agitation autour de Yitro. Moché, Aaron et tous les anciens d’Israël le reçoivent, s’asseyent avec lui pour manger du pain. Il conseille Moché sur la façon de conduire le peuple. Une paracha entière porte son nom, et soudain, on oublie tout, et alors qu’ils s’apprêtent à ce grand moment qu’est la réception de la Torah, ils renvoient Yitro.
Pourquoi ? Qu’est-ce que cela signifie ?
Le Midrash dit : « D.ieu a dit : ‘Mes enfants ont été esclaves, dans la paille et l’argile, ils peuvent recevoir le Torah. Yitro, qui était tranquillement assis dans sa maison, n’est pas digne de recevoir la Torah’ ». (Yalkout Shimony sur la Paracha de Yitro).
Eclaircissement : en effet, grâceà sa grandeur d’esprit, Yitro a reçu une certaine élévation du Créateur, et sa force d’esprit et sa reconnaissance l’ont poussé à venir trouver Moché, son gendre, dans le désert, avec l’intention de se convertir. Après quoi ceux qui ont vu cela et en ont été convaincus, sont allés circoncire leurs enfants. Mais pour Yitro, tout ce processus était spirituel et intellectuel, et c’est là le danger, parce que l’esprit et la raison sont humains, et la Torah est surhumaine. Pour qu’un homme en observe les commandements, il doit annuler son esprit devant elle. Les enfants d’Israël, quand ils étaient esclaves en Egypte, sont arrivés au point d’annulation de leur esprit le plus extrême qui soit ; comme une sorte de graine dont seul le pourrissement pourrait amorcer la croissance, ils étaient en mesure de recevoir la Torah.Mais Yitro, qui n’a pas traversé ce processus de cassure, ne pouvait pas annuler son esprit devant la Torah et ses commandements, c’est pourquoi il n’a pas été présent pour la recevoir.
Nous savons qu’il a été dit à Moché : « Et ceci te sera le signe que c’est moi qui t’ai envoyé ; quand tu auras fait sortir le peuple de l’Egypte, vous servirez le Eloqim sur cette montagne-ci. » (Chemot, chapitre 3, verset 12). C’est-à-dire que la sortie d’Egypte est préliminaire au grand moment qu’est la réception de la Torah divine.
Cependant, les Sadducéens, ne l’ont pas du tout reliée à la sortie d’Egypte. Le Chabat Berechit n’a pas ici d’autre sens que le Chabat précèdent ou que le suivant : il n’est pas porteur de l’enseignement de la sortie d’Egypte et de son but ; mais c’est un acte normal comme chaque semaine, et en cela, il est privé de sa force et de sa spécificité.
Bien que cela nous paraisse quelque peu négligeable de savoir à partir de quand compter, puisqu’après tout l’essentiel est de compter cinquante jours ; on apprend des sages de la Michna la nécessité de faire les choses ouvertement et de façon manifeste afin de les encrer dans le cœur du peuple, et ils ont même permis de récolter le Omer (le sacrifice que l’on offrait au début du compte) le Chabat. Tout cela pour faire pénétrer dans les cœurs le fait que l’essence de la fête n’est pas la liberté physique et matérielle, la suppression du joug de l’oppresseur ou du fouet de l’Egyptien. L’essence de la fête, c’est de se préparer à recevoir le joug de la Royauté Divine et de se rassembler au pied du Mont Sinaï pour recevoir la Torah et les mitsvotes.
C’est la mission de notre peuple parmi les autres nations, comme il est dit : « J’ai créé ce peuple pour moi, pour qu’ils racontent ma gloire. » (Isaïe)
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