Des pouces accros !

Deux pouces occupés à tabuler des messages et une tête rivée sur le petit écran, c’est ça, la dépendance. La pire tragédie de l’humanité.

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le rabbin Lazer Brody

Posté sur 05.04.21

Deux pouces occupés à tabuler des messages et une tête rivée sur le petit écran, c’est ça, la dépendance. Et c’est aussi la pire tragédie de l’humanité. Le Rav Brody nous explique pourquoi.

Des pouces accros, vous connaissez ce phénomène ?

Je pense que oui. Cela se produit lorsque les mains tiennent un des smartphones que les sociétés de cellulaires nous proposent du matin au soir, et que les deux pouces se mettent à composer des messages sur le mini-clavier que ce smartphone met à notre disposition.

Dans tous les cas, les grands rabbins de la génération s’opposent à ces appareils, pas seulement à cause de la dépendance des pouces envers le clavier et le son du tic-tac des lettres sur l’écran, mais surtout à cause du fait que par leur biais, on peut se retrouver très rapidement et en toute simplicité, face à des contenus qui sont dévastateurs pour l’âme. Et plus ces contenus sont facilement accessibles, plus ils sont nuisibles et destructeurs.

Pourtant, les gens ont tendance à se moquer et à mépriser les paroles des sages. Ils les balayent d’un geste de la main en se disant qu’ils savent mieux qu’eux. Mais les gens raisonnables savent très bien qu’on ne nie pas les paroles des sages, surtout pas lorsqu’il s’agit d’une sagesse rare et d’un esprit saint, qui leur permettent de voir des choses que nous ne sommes pas en mesure de voir, et surtout pas pour les mépriser ou les ridiculiser ! Pourquoi ? Car c’est exactement comme se tenir debout entre deux semi-remorques lancés à pleine vitesse : on n’aimerait pas y être…

Aujourd’hui, envoyer un message est une opération très simple, pas comme avant. Aujourd’hui, on peut communiquer rapidement, au point que personne ne s’imaginait pouvoir envoyer une lettre à sa famille ou ses amis de l’autre côté du globe, en quelques secondes seulement ; ou se photographier et envoyer la photo à son destinataire au lieu de se lancer dans le long processus de développement qui nous conduisait jadis à la photo tant attendue…

Si l’on dirige les choses vers la sainteté, vers un mode d’action positif et adapté, on peut faire bon usage de cette technologie. Mais quand ce n’est pas le cas, et que les doigts se mettent à pianoter des messages comme si les deux personnes (et parfois plus) se tenaient l’une en face de l’autre, et que ça en devient quelque chose de l’ordre de la dépendance, qu’on ne peut plus s’empêcher de se parler et de s’écrire et de se parler et de s’envoyer un message et encore de pianoter… C’est certainement quelque chose de destructeur qui éloigne l’homme de lui-même, de son essence et du but de sa vie, puisqu’il est tout le temps occupé à pianoter. Et selon une étude réalisée l’an dernier, le nombre moyen de messages qu’un homme envoie par jour est de… 100 ! Et une centaine de messages par jour, cela s’appelle une dépendance, incontestablement !

De tous temps, et particulièrement à notre époque, les grands rabbins –qui sont toujours confrontés à des questions et des situations que leurs prédécesseurs n’avaient pas soulevées- voient les choses beaucoup plus clairement que nous. Ces appareils ont toujours représenté pour eux un énorme obstacle pour l’âme, et ils ne se sont pas trompés.

Car quel avenir peut-il se profiler pour des jeunes qui passent leur journée à pianoter des messages ? Cent messages ! Sont-ils en mesure de se concentrer ? D’étudier comme il faut ? De comprendre ce qu’ils apprennent ? Et de manière générale, quelles sont les conséquences de ces actes sur leur futur, en tant qu’adultes ?

La vérité est que, sur ce point, pas besoin d’attendre le futur. Dès aujourd’hui, nous pouvons voir les conséquences de ces appareils sur le chalom bayt (la paix du foyer) de beaucoup de couples qui viennent nous consulter. Et on parle ici d’un bon nombre de couples et de cas de chalom bayt qui tournent tout simplement au vinaigre et pour lesquels il n’y a parfois pas de retour possible en raison de l’ampleur des dégâts causés.

Les gens sont constamment en train d’envoyer des messages et gâchent le temps qu’ils devraient consacrer à leur conjoint, leurs enfants et le reste de leur famille. Comme je l’ai dit, les dégâts causés ne sont pas simples du tout. J’ai accompagné de nombreux couples, j’ai vu ce à quoi ils doivent faire face, et ce n’est pas facile : des disputes et des accrochages répétitifs, tout cela parce que l’un des conjoints est constamment pris par ses messages ou bien à faire défiler l’écran, de droite à gauche ou de haut en bas.

Et qu’en est-il des relations interpersonnelles ? L’homme passe à côté de tellement de mitsvotes (commandements) entre lui et son prochain, juste parce que sa tête est plongée dans l’appareil qu’il tient entre les mains. S’il levait un peu la tête, il découvrirait combien de bontés, de mitsvotes et de tsedaka (charité) il pourrait faire à ce même moment.

L’écriture et l’envoi de messages est-il une dépendance ?
« Chaque chose qui en arrive à obséder une personne au point d’y être occupée plus qu’aux choses qui sont de l’ordre du devoir, du nécessaire, -comme la famille, la vie, les amis, le travail et autres- est une dépendance. Et ces envois constants de messages sont, sans aucun doute, un terrain fertile de dépendance, » selon le docteur Daley Archer, psychologue clinique. 

Sherry Turkel, sociologue et professeur en sciences humaines, spécialiste des sciences de la technologie, a fait de nombreuses études sur l’impact de la technologie sur l’identité personnelle et sur les relations de l’individu ; elle a, en particulier, examiné les effets de la rédaction et de l’envoi de messages sur le développement humain. Selon ses recherches, les jeunes, qui sont constamment occupés par l’envoi de messages ou par d’autres fonctions de leurs smartphones, deviennent analphabètes et ignorants lorsqu’il s’agit de lire des textes complexes. Car la vraie lecture est une compétence en soi, qui demande du temps et de l’entrainement. Et si la personne n’a pas les compétences nécessaires dans la vie, si elle n’a pas d’aptitude aux relations interpersonnelles, surtout si ces choses affectent les relations avec le conjoint et les enfants, c’est un gâchis sans nom.

Cent messages par jour, c’est une tête et deux pouces, coincés toute la journée sur ce petit écran qui tient dans la paume d’une main. Et quand les yeux sont rivés sur l’écran, sur le mini-clavier, et que le pianotage est incessant, se peut-il que quelqu’un prenne le temps d’observer le ciel ? De lever les yeux et de déclarer au père le plus cher au monde : « Je t’aime, merci pour tout ce que Tu fais pour moi » ? Je ne pense pas. Et c’est la plus grande des tragédies.
 
 
 

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